Un peu d'ignoble dans le vignoble

Voilà un roman historique qui retrace la vie de femmes d’un village du vignoble alsacien. On débute l’action en 1850 dans une commune du Haut-Rhin, toutefois ce village va devenir allemand sous peu. Adélaïde naît cette année-là ; fille d’un vigneron local, épouse Jules Oppenheim seize ans plus tard. Bientôt veuve, car son mari faut prisonnier lors de la Guerre de 1870 meurt du typhus, notre héroïne va devoir faire avec les nouvelles autorités.

C’est finalement une plus ou moins partie de la vie de quatre générations de femmes alsaciennes que nous suivons ; le récit prend fin en novembre 1918 lorsque l’Alsace est redevenue française. Elles s’accommodent plus ou moins bien des conventions sociales et se cherchent des espaces de liberté. Toutefois la question du mariage (ou remariage) et du célibat va se poser pour certaines et derrière leur situation matrimoniale se dessine le devenir du vignoble familial. Le mariage des garçons pose des questions similaires d’ailleurs.

« - Ma fille est dotée de cent mille marks. Personne à Rebberg ne peut offrir une telle somme pour marier sa fille. Seriez-vous insensible à cet argument?

- Pas du tout, cher monsieur. Cet argument plaide fichtrement en votre faveur ! Donc, si je comprends bien, je donne Odile-Marie à Paul et mes prix sont les vôtres?» (page 295)

« (au sujet de Robert Daumal) Je sais tout de sa liaison avec votre mère. Un homme suprêmement intelligent. Votre mère aussi, convenez-en. Voilà une femme dont la destinée amoureuse ressemble étrangement à celle de sa belle-sœur. Éprises toutes deux d’hommes exceptionnels et devant aimer en cachette des mauvaises langues». (page 342)

Les pages 432 et 433 montrent bien combien en 1914 la classe ouvrière alsacienne et les paysans du Reichsland ne souhaitaient pas que leur région redevint française. Elles pointent à juste raison le désir pour certains éléments de la bourgeoisie locale de revoir le drapeau tricolore en Alsace, On aurait pu glisser un mot de la francophilie d’une bonne part du clergé catholique, malgré la laïcité française mais du fait de la domination protestante en Allemagne. Les dernières pages du roman mettent en exergue le malaise des Alsaciens durant le conflit, non seulement certains servent dans l’armée française mais en plus les mesures vexatoires dans l’armée ou dans la société civile frappent les Alsaciens.

Voici donc un intéressant roman historique pour mieux saisir les spécificités culturelles de l’Alsace. On pourra prolonger sa lecture par des ouvrages comme la BD "Cette histoire qui a fait l'Alsace, tome 11: l'Alsace dans le Reich" aux éditions du Signe et deux ouvrages écrits par des contemporains de l'époque décrite "Souvenirs d'Alsace-Lorraine 1870-1923" du Prince Alexandre de Hohenlohe ainsi que de René Bazin "Les Oberlé".

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  Les dames du vignoble

  de Muller, Christine
  Editions De Borée
  ISBN : 9782812911231 ; 8,65 € ; 14/02/2014 ; 467 p. ; Broché

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