Un très beau récit

Isabelle est en voiture avec ses parents, sa sœur Anne et son frère Adrien. Ils roulent vers Bruges, qu'ils comptent aller visiter.
Bruges est très belle a dit le père à Isabelle. Pleine d'eau et de couvents… Le père parle en roulant, alors que la mère est silencieuse " …retirée dans le silence, dans un coin de sa tête malheureuse, cognée par le marteau des migraines. "
La voiture s'arrête à une station en bord d’autoroute et tous s’installent à une table pour manger un petit bout. Le père parle doucement à l’oreille de sa femme, tous les deux se lèvent et se dirigent vers la voiture. Isabelle s’occupe de ses frères et sœurs qui attendent leur dessert. Une vieille dame entre, leur sourit, s'installe à une table. Les parents ne reviennent pas. Isabelle s'impatiente et voit, glissée sous une assiette, une enveloppe fermée qu’elle ouvre. Le père y laisse un mot adressé à toute personne qui pourrait l’ouvrir et explique que, sa femme étant atteinte d’un cancer du cerveau et une mort lente et atroce l'attendant, ils ont décidé d'en finir plus vite et autrement. Il supplie la personne de vouloir bien faire dormir les enfants, et dit que toutes les dispositions sont prises pour la suite.
Isabelle lit et déchire aussitôt la lettre. Elle s'adresse à la vieille dame et lui demande si elle ne pourrait pas les loger pour la nuit. La vieille dame sourit, se lève et les emmène chez elle. Elle s’appelle Nello. " Comme elle se retient de crier, de maudire, de mourir, Isabelle, treize ans. Une adulte de treize ans qui hurle après ses parents pour leur dire que tout est pardonné, qu’ils peuvent revenir, qu’on ne les grondera pas. Une fille démente par trop de sagesse d’un seul coup. "
Elle décide qu’elle s'appelle Isabelle Bruges. Une lente renaissance va commencer pour Isabelle, aidée par Nello, et elle s'ouvrira à nouveau au monde. Quelques mois plus tard, elle pourra dire à un petit arbre qui fut sa première vision, le lendemain du drame en ouvrant les yeux :
" Quand je t’ai vu, moi aussi je n’étais qu'un nom, à peine une promesse. Bruges Isabelle. Maintenant le nom s’est agrandi, les saisons l'ont colorié, le soleil lui a donné de sa force, les nuits d'été l'ont bercé et maintenant je suis belle à croquer. Comme toi, mon grand, comme toi. "
Un très beau récit, merveilleusement écrit, comme tout ce qui est écrit par Christian Bobin.

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  Isabelle Bruges [Texte imprimé], récit Christian Bobin

  de Bobin, Christian
  le Temps qu'il fait
  ISBN : 9782868531490 ; 14,00 € ; 19/05/1998 ; 125 p. ; Broché

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