Promenade de Régis Jauffret

Promenade de Régis Jauffret

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par Nothingman, le 22 août 2003 (Marche-en- Famenne, Inscrit le 21 août 2002, 44 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 4 étoiles (50 022ème position).
Visites : 4 341  (depuis Novembre 2007)

La vie au conditionnel

Ceci n'est pas une promenade de santé, ceci n'est pas un roman joyeux! Ce livre décrit les pérégrinations d'une femme névrosée sur les trottoirs interminables des villes modernes. Elle erre solitaire parmi ses congénères. Quand elle n'en peut plus de rester dans son appartement, trop monochrome, trop uniforme, elle se met en branle, et arpente les rues, prend des autobus, descend dans le métro, pénètre dans un bar, entre dans un salon de coiffure,.... "Pour se distraire elle n'avait qu'à penser à la mort, ou à toutes ces années qui la précéderaient à toute vitesse comme pour mieux l'étourdir. Son avenir n'avait pas plus de consistance que son passé, elle pouvait fixer les jours de son futur alignés comme une longue colonne de petits animaux malingres, faméliques, qu'elle connaîtrait l'un après l'autre de façon intime et dont elle enjamberait les cadavres sans y penser".
Itinéraire sans but au mileu d'autres passants dont l'héroïne se plaît à leur imaginer des vies virtuelles. Des vies qu'elle n'envisage pas heureuses. Pour elle, l'humanité entière est condamnée à la bêtise, à l'ennui, à la mort. Elle n'a pas de perspective, sa vie n'a aucun sens, pourquoi alors ne pas imaginer la vie de "ces " autres qu'elle cotoie sans les connaître? Ainsi l'auteur utilise une alternance d'imparfait -pour décrire sa vie à elle- et de conditionnel -dans lequel elle fomente les trames de sa vie future et celles des autres. L'auteur ne donne à cette passante provisoire ni nom, ni prénom, tout juste un pronom: Elle. Elle, elle aborde des gens, fait l'amour parfois, le tout sans sentiments, gratuitement. Les autres ne sont pour elle que des objets placés dans la même galère. Elle envisage le suicide souvent. "Elle refusait de choisir une trajectoire à sa nuit. Elle restait là, elle attendait que quelqu'un vienne la chercher. Elle avait le droit de se laisser emporter, d'ignorer son avenir avec obstination....Elle aurait dû changer d'humeur, et considérer chaque nouvelle journée comme un cadeau. Elle ressentirait une telle joie de vivre que le travail lui semblerait un bienfait. Elle aurait des relations avec le gérant de son entreprise, elle l'épouserait par peur du lendemain. Dès lors, elle vivrait à nouveau dans l'oisiveté, refusant même par paresse de lui faire un enfant. En guise de bébé, ils organiseraient chaque mois une grande réception. Elle vivrait quarante-sept années d'un bonheur transparent comme l'air. Son mari la précéderait de cinq ans, et elle mourrait à son tour". Voilà le type de pensées désabusées de cette promeneuse désorientée. Y a t-il cependant un espoir?...
J'aimerais pouvoir vous dire que l'avoir accompagné dans sa promenade m'a plu , mais bon elle a de drôle d'idées noires cette promeneuse: une vision nihiliste et désenchantée de ce monde dans lequel nous vivons,dans lequel nous nous déplaçons, égoïstes et solitaires. Cette vision un peu glauque m'a dérangé quelque peu . Le roman de la dépression féminine, à n'en pas douter!

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Elle aurait pu...

6 étoiles

Critique de Sahkti (Genève, Inscrite le 17 avril 2004, 50 ans) - 15 juin 2004

Le bouquin commence par "Elle aurait pu..."
Puis suivent 300 pages d'événements décousus, nous livrant une existence. Il faut accepter les dérives imprévues et repérer les points d'ancrage, sous peine d'être largué.
On peut lire: "Elle s'est passé la main dans les cheveux, elle a mis son manteau. Elle se disait dans l'ascenseur que la nuit ne serait pas froide. Elle marcherait plus longtemps que d'habitude avant de rentrer se coucher. Elle aimait mener cette vie, elle n'était pas insupportable ni absurde. Elle acceptait même la solitude comme un apprentissage, une ascension vers un sommet, un ciel dont elle n'avait pas encore la moindre idée."
C'est l'histoire d'une femme qui se promène beaucoup, partout, pendant des jours et des nuits entières. Un déplacement physique sans but, hasard et errance sans fin, rencontres avec des inconnu(e)s.
Le narrateur imagine : "Elle entrerait dans une laverie, elle répondrait aux avances de quelqu'un qui attendrait ses chemises en train de tourner dans le séchoir comme des fantômes. Après le coït, elle essaierait sans succès d'enclencher un dialogue. Puis elle lui proposerait de changer les meubles de place pour passer le temps, d'arracher la moquette et lessiver le parquet qui se trouvait dessous. Il lui demanderait de se rhabiller, de partir."
Cette femme aux faces inconnues pourrait être n'importe qui, elle n'a pas besoin de nom. Elle pourrait être tout le monde et n'importe qui, tout est possible. Son existence est un labyrinthe fait de bifurcations et de chemins parcourus. Pourquoi celui-là plutôt qu'un autre ? Mieux vaut croire, de toute manière, qu'on a choisi le meilleur chemin, sous peine de sombrer dans la folie.

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