Le produit
de Kevin Orr

critiqué par Isad, le 6 avril 2014
( - - ans)


La note:  étoiles
Rompre avec une addiction
Le sujet du livre est de montrer combien la mise en pratique du sevrage à un produit addictif (dont on ne saura pas ce qu’il est exactement mais qu’on suppose être une drogue puisqu’il ne s’agit ni d’alcool ni de sexe) est difficile. Pour faire face au rappel permanent de manque, le personnage principal, producteur de film trentenaire parisien qui vient de sortir d’une liaison orageuse avec une compagne et a subi le deuil de sa mère, va passer quelques jours à New-York, accueilli par un couple d’artistes homosexuels qui lui ont servi de parents de substitution, les siens s’étant séparés très tôt après sa naissance. Là, entre des promenades culturelles, il se force à écrire pour ne pas penser à l’appel du produit pour combler le vide existentiel qui se creuse en lui.

La forme est celle d’un journal où il monologue sur son besoin, ses doutes, son enfance, son passé d’anorexique boulimique qui lui a valu un séjour en hôpital psychiatrique à l’adolescence, ses relations ombrageuses avec sa mère souvent absente, son désir de femme et de sexe, sa peur de ne plus rien produire après avoir eu un prix, sa nécessité d’avoir un revenu et la période où il a pensé que jouer à la Bourse était une solution facile qui lui a fait perdre ses économies. Il arrive à une sorte de sérénité fébrile en se félicitant lorsqu’il rentre, d’avoir tenu 10 jours. Alors pourquoi pas plus ?

La typographie tient plus de celle d’un rapport que d’un livre avec des mots en majuscule, soulignés, des passages avec une autre police de caractères, de multiples répétitions des notes de bas de page en guise de mémo avec des réflexions sur le droit d’auteur. Le style relève de l’urgence, du langage parlé parfois. Il y a des sortes d’aller-retour sur des paragraphes qu’il estime devoir refaire et un début qui est un embryon de roman qu’il voulait commencer. Il hésite entre diverses formes littéraires, entre l’exposition de la réalité et la fiction, si bien que le résultat est un savant mélange brouillé pour le lecteur.

Je prends ce roman comme une sorte de documentaire, un tournant dans la vie d’un homme qui, constatant que son existence est devenue une impasse, essaie de trouver une autre voie, ... et y arrive avec le substitut de l’écriture et la volonté pour ressort.

IF-0414-4204