Les chevaux du vent - tome 1
de Christian Lax (Scénario), Jean-Claude Fournier (Dessin)

critiqué par Shelton, le 19 avril 2014
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Atypique et passionnant !!!
Lire une bédé, c’est aussi lire, quoi qu’en disent quelques grincheux tenants absolus de la lecture sans illustration. Je rappelle, si nécessaire, que la bande dessinée raconte une histoire – au sens général du terme – avec du texte – souvent enfermé dans des bulles, mais pas obligatoirement – et des dessins, le tout accompagné par une bande son. C’est donc un art narratif hybride et complexe qui a toute sa place au sein des livres, au cœur de nos bibliothèques, dans nos lectures…

Certes, ce n’est pas toujours simple de trouver la bédé que l’on va apprécier car il existe toutes sortes de récits utilisant ce mode narratif, de l’humour à l’aventure, du polar à la science-fiction, du fantastique à la vie quotidienne, du journal intime à l’adaptation d’œuvres classiques… Celle-ci sera difficile à classer. Elle sera perçue par certains comme une quête, une histoire intime, un reflet de la vie familiale, une aventure exotique. Pour moi, c’est un récit initiatique existentiel d’une grande profondeur ayant pour cadre la nature dans ce qu’elle a de plus grand, de plus beau, de plus haut, les montagnes himalayennes.

Le scénario peut se présenter – mieux que se résumer – de façon simple. Il était une fois, une famille avec ses trois enfants, dont un, fortement handicapé, ne peut pas parler. La vie est difficile, d’une part pour l’enfant un peu maltraité par les autres enfants du village, d’autre part pour le groupe familial qui n’est pas très riche et qui ne subvient que de façon parcellaire aux besoins de chacun. Pour améliorer la vie quotidienne de la famille, les parents envoient leur fils muet dans un monastère bouddhique. Il trouvera là à manger et il pourra donner un sens à sa vie.

Quelques années plus tard, le père transmet l’exploitation familiale à son fils ainé, mais traverse une période dépressive. Il regrette d’avoir dû se séparer de son fils. Il veut le revoir avant de mourir. Ce récit en deux volumes va nous raconter cette longue et délicate recherche à travers la montagne, à travers des péripéties imprévisibles et avec la malveillance dont certains peuvent faire preuve quand ils oublient leur humanité…

Ce magnifique travail aborde une multitude de questions capitales comme la répartition des richesses et le partage, le destin individuel et la survie du groupe, l’amour familial et l’attachement aux individus, la force de la nature avec ses conséquences positives et négatives, le rôle des religieux, des politiques, des administratifs et des militaires, l’amour paternel et son équivalent maternel, l’amour de l’homme et de la femme… Bref, c’est tout simplement une bande dessinée de la vie dans son sens le plus complet !

Cette quête permet à chaque personnage, à chaque lecteur aussi, d’aller à sa propre rencontre car c’est nous-même qui est au bout du chemin… C’est cela aussi une grande bande dessinée, un bout de philosophie appliquée !

Le dessin de Fournier – plus connu pour avoir dessiné Spirou durant une dizaine d’années – est d’une beauté étonnante, profonde et légère à la fois. Il dégage une invitation à la méditation et à la découverte de l’humanisme qui sommeille en nous. Le scénario de Lax est solide, évocateur et sensible et les deux s’accordent totalement pour envoûter le lecteur.

Bref, du grand art et à lire !