Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas de Imre Kertész
( Kaddis a meg nem született gyermekért)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone
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Monologue d'un rescapé d’Auschwitz
Litanie de mots, tantôt vociférés, tantôt monocordes, lancés à la manière de ces personnages étranges, croisés au détour d’une rue et qui semblent frappés d’un malheur inconnu des autres en jetant au vent leurs mots qui viennent buter contre l'indifférence des passants.
Pour justifier son titre, l'auteur se plait à imaginer à plusieurs reprises l'enfant qu'il n’aura jamais : "Aurais-tu été une petite fille aux yeux sombres ? le nez couvert de pâles taches de rousseur ? ou bien un garçon têtu ? avec des yeux joyeux et durs comme des cailloux gris-bleu ?"
Il stigmatise l'isolement, la solitude de l'écrivain, seul avec son stylo et ses idées :
"Je reste dans mon appartement qui est soit une fournaise, soit un carrefour de courants d’air (quelquefois les deux à la fois), mon chez moi, regardant de temps en temps le ciel radieux ou les nuages où je creuse ma tombe avec mon stylo, consciencieusement, comme un forçat qu'on siffle tous les jours pour qu’il enfonce et fasse résonner plus profondément sa pelle, et qu'avec ce violon il joue sa mort sur une note plus sombre, plus douce; alors, je peux dire mon opinion, tout au plus, aux tuyauteries qui ronflent, au chauffage central qui trépide et aux hurlements des voisins, dans ce bloc qui, se dresse au coeur (mon œil !) plutôt dans l’anus de ce quartier… "
Si vous le rencontrez, n'allez surtout pas lui dire ce qu’on a coutume d'entendre, à savoir qu'Auschwitz ne s’explique pas, car selon lui, ce qui est réellement irrationnel et qui n’a vraiment pas d'explication, ce n'est pas le mal, c'est le bien : "Voilà pourquoi il y a longtemps que les dictateurs, chanceliers et autres usurpateurs attitrés ne m’intéressent plus, quoi que vous puissiez dire d’intéressant à propos de leur monde spirituel, non, au lieu de la vie des dictateurs, il y a très longtemps que m'intéresse exclusivement la vie des saints, parce que c’est cela que je trouve inconcevable, c'est à cela que je ne trouve pas d'explication rationnelle.. "
C'est sûr, Imre Kertész a souffert le martyre à Auschwitz, il utilise sa plume pour jeter à la face du lecteur un monologue interpellant, amer et désabusé, pour éveiller sa conscience, pour que tous les biens pensants cessent de clamer qu'Auschwitz n'était que le fruit de forces irrationnelles, parce que, selon lui, le mal a toujours une explication rationnelle...
Les éditions
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Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas [Texte imprimé], roman Imre Kertész trad. du hongrois par Natalia Zaremba-Huzsvai et Charles Zaremba
de Kertész, Imre Zaremba-Huzsvai, Natalia (Traducteur) Zaremba, Charles (Traducteur)
Actes Sud
ISBN : 9782742703128 ; 16,30 € ; 24/12/1998 ; 157 p. ; Broché -
Kaddish pour l'enfant qui ne naîtra pas
de Kertész, Imre Zaremba-Huzsvai, Natalia (Traducteur) Zremba, Charles (Traducteur)
Actes Sud / Babel
ISBN : 9782742745982 ; 7,10 € ; 03/11/2003 ; 144 p. ; Poche
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Enfant sans avenir
Critique de Débézed (Besançon, Inscrit le 10 février 2008, 77 ans) - 15 septembre 2016
Un jour, il a compris la vraie religion de sa tante, « … j’avais vu quelque chose d’horrible qui m’avait fait l’effet d’une obscénité à laquelle, rien qu’en considérant mon âge, je ne pouvais pas me sentir préparé : une femme chauve en robe de chambre rouge assise devant son miroir… ». Son père lui apprend alors que sa femme est une juive, une juive polish qui se rase la tête et porte perruque. Il découvre par la même occasion que lui aussi est juif mais pas comme son oncle et sa tante « … de vrais juifs, et non des juifs tels que nous, juifs de la ville, juifs de Budapest, c’est-à-dire juifs quelconques, mais pas chrétiens… ». Il ne veut pas à son tour infliger une religion à son fils, surtout une religion qui peut vite devenir mortelle. « Comment peut-on obliger un être vivant à être juif » ? Supposons que l’enfant hurle : « Je ne veux pas être juif ! »
Le drame de Kertész, c’est d’être né juif et de rester juif même sans jamais pratiquer la religion, la judéité comme tare imposée à jamais, comme motif de mort. Il revendique donc pour les générations à venir, sans réellement y croire, la liberté de choisir sa religion, son mode de vie, son existence… il en veut terriblement à son père de lui avoir transmis sa judéité et de l’avoir abandonné chez la tante chauve à la robe rouge.
Mais, comme il l’écrit, « mon enfance terrible et mes histoires abominables » ne sont pas uniquement liées à sa judéité, elles sont aussi le fait du père qui l’a abandonné lui laissant les profonds stigmates d’un divorce mal vécu qui le marqueront tout au long de sa vie et l’empêcheront d’avoir une relation normale et pérenne avec une épouse. « Auschwitz dis-je à ma femme, représente pour moi l’image du père, oui, le père et Auschwitz éveillent en moi les mêmes échos, dis-je à ma femme. Et s’il est vrai que Dieu est un père sublimé, alors Dieu s’est révélé à moi sous la forme d’Auschwitz… »
Rejetant Dieu, il ne se réfugie pas, comme Primo Levi, dans le suicide, il se contente de détruire son lignage en refusant d’avoir un fils. Il cherche une autre voie pour donner un sens à l’existence qu’on lui a infligée, « Je ne sais pas pourquoi à la place de la vie qui existe peut-être quelque part, je dois vivre ce fragment qui m’a été donné par hasard… » Il veut alors comprendre, pour ne plus entendre ceux qui prétendent qu’Auschwitz ne s’explique pas, alors qu’Auschwitz, selon lui, a été inventé par des êtres parfaitement rationnels.
Très longtemps, il a hésité avant de se réfugier dans l’écriture pour dire, pour témoigner mais surtout pour fuir, « Je croyais peut-être que l’écriture était une fuite (…), une fuite et même un salut, mon salut à moi et par moi,… » Mais l’écriture n’était que son travail, la tâche qu’il devait accomplir, sa raison de vivre, « … la nature de mon travail qui, …, ne consiste qu’à creuser, à continuer de creuser la tombe que d’autres ont commencé à creuser pour moi dans l’air… » Il a cherché son salut en dehors « des religions déformantes des églises déformantes », dans la compréhension du monde.
Imre Kertész a décrit ailleurs son abominable destin dans les camps de la mort, il ne l’évoque que très peu dans ce livre, il ne raconte que son dernier jour de captivité, le jour où tout changea. Le soldat allemand était devenu prisonnier, « l’ordre du monde avait changé…., la veille c’était encore moi le prisonnier, tandis que là c’était lui, et cela dissipa ma terreur… la sensation de la vie retrouvée, inoubliable et douce mais aussi prudente, car je vivais, certes, mais je vivais comme si les Allemands pouvaient revenir à chaque instant… » Et cette frayeur resta sa plus fidèle compagne jusqu’à la fin de sa vie.
Comment vivre avec un tel désespoir ? Comment ne plus croire en rien, accepter, seulement accepter même de mauvaise grâce de vivre encore, de survivre un peu ? Comment prendre le risque de transmettre la vie, de se réincarner ? J’ai lu ce livre à Budapest entre une visite de la Maison de la Terreur et de la Grande Synagogue avec son cimetière des martyrs, je ne sais plus… je comprends de moins en moins notre monde.
« Ma judéité est restée une vague circonstance de naissance, une faute de plus parmi tant d’autres, une femme chauve en robe de chambre rouge devant son miroir ». Imre est né au mauvais endroit au mauvais moment…
Creuser sa tombe dans les nuages
Critique de Romur (Viroflay, Inscrit le 9 février 2008, 51 ans) - 17 décembre 2008
Imre a la conscience empoisonnée, par son séjour à Auschwitz, mais peut-être plus encore par son enfance, par le poids de la figure paternelle. De ce bourbier il ne sait pas ni ne veut sortir. Le travail, la lecture, l’écriture le soutiennent.
Contrairement à ce qu’on pourrait attendre, il est bien peu question d’enfant dans cet ouvrage. Il n’y a évidemment pas de place pour l’amour d’un enfant dans ce cœur ravagé, et la question de la filiation paraît surtout un prétexte à ce cri, cette confession.
C’est un livre difficile dans tous les sens du terme, et je n’ai pas accroché, je ne l’ai pas compris. Trop confus, trop maladif. Mais j’ai bien l’intention d’essayer un autre ouvrage de Kertesz, peut-être Etre sans destin.
L'autre Kertesz
Critique de Smokey (Zone 51, Lille, Inscrite le 12 août 2008, 38 ans) - 13 août 2008
Passé par Auschwitz, c'est pourtant au camp de Buchenwald qu'il vivra complètement l'expérience concentrationnaire en y devenant un "musulman".
Livre plein de réflexion et qui invite à l'introspection.
Seul point noir, le titre: Kertesz utilise la prière du Kaddish comme prière des morts (ici, l'enfant est considéré comme mort dans sa conception même), ce qu'elle n'est pas. Mais le livre est un des meilleurs de Kertesz.
Souffrances sans fin
Critique de Soili (, Inscrit le 28 mars 2005, 52 ans) - 4 octobre 2006
De là Imre Kertesz nous livre son histoire, sa vision de la vie après les camps.
Imre Kertesz profondément marqué par Auschwitz semble totalement réfractaire à l'idée du bonheur. La résilience , ce fameux phénomène psychologique, ne s'est pas réalisée pour lui , il en ressort une analogie avec Primo Levi, pour Imre Kertesz : " Personne ne peut se remettre de la maladie d'Auschwitz ".
De ce livre au style complexe et aux réflexions qui le sont tout autant, ressortent quelques phrases et tournures splendides bien que souvent dénuées d'espoir comme par exemple : " s'emprisonner au nom de sa liberté ", " ma judéité ne signifie rien pour moi, rien en tant que judéité, tout en tant qu’expérience. " , " comment expliquer que ma plume était ma pelle " et de nombreuses autres encore.....
Un livre à la lecture exigeante , difficile, qui une fois passé son abord un peu délicat se révèle être un petit joyau.
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