Cycle majeur

Cordwainer Smith, ça ne vous dit rien ? Les amateurs éclairés de SF savent sans doute que sous ce nom, qui est un pseudonyme (au sens littéral, Cordwainer Smith signifie 'le cordonnier Smith', Cordwainer ne saurait être un prénom anglophone, pas plus que Smith), se cache un homme du nom de Paul Linebarger, né en 1913 et mort en 1966. On n'apprendra le vrai nom de l'auteur qu'après sa mort, et c'est donc sous pseudonyme qu'il a publié, en revues U.S. spécialisées, dans les années 50, des nouvelles qui changeront la manière de voir et de lire (et d'écrire) la SF : les nouvelles du cycle des "Seigneurs De L'Instrumentalité", alias, en VO, "The Rediscovery Of Man".

C'est le même principe que pour le cycle "Histoire Du Futur" (que j'ai abordé ici récemment) de Robert Heinlein : on a ici une bonne grosse poignée (27, en deux tomes) de nouvelles plus ou moins longues, et un roman (le tome 3). On a aussi, en guise de tome 4, six nouvelles supplémentaires et un glossaire (signé Anthony Lewis) sur l'univers imaginé par Linebarger. De même que pour le cycle d'Heinlein, celui de Cordwainer Smith/Linebarger est à lire dans l'ordre (malgré qu'il s'agisse de nouvelles), et constitue une somme qui le classe dans les meilleures sagas de SF qui soient (avec, aussi, "Fondation" d'Asimov et "Dune" d'Herbert).

La première nouvelle qui fut publiée, en 1950, aux USA, est celle qui nomme ce premier volume des "Seigneurs..." : "Les Sondeurs Vivent En Vain", ou, en VO, "Scanners Live In Vain". On pensera que sous le pseudonyme se cache A.E. Van Vogt, ou Frederick Pohl, bref, une sommité du genre, et personne n'aurait pu se douter qu'il s'agissait de Linebarger, qui n'était pas connu. Il faut dire que le style d'écriture, l'univers dépeint, l'histoire (assez difficile à résumer, je ne m'y risquerai pas), tout concordait à penser qu'on avait affaire à un spécialiste du genre, un confirmé. Puis a été publié "Le Jeu Du Rat Et Dr Dragon", quelques mois plus tard, et à ce moment-là, Cordwainer est devenu culte. L'auteur de SF Harlan Ellison s'avouera fan direct (il le dit dans l'introduction de sa nouvelle "L'Oiseau", dans son recueil "Hitler Peignait Des Roses" de 1978), et utilisera par la suite, et souvent, un pseudonyme en hommage (en partie) à Cordwainer Smith : Cordwainer Bird.

Mais, pour finir, revenons à ce tome inaugural des "Seigneurs De L'Instrumentalité" : 17 nouvelles bluffantes (bon, OK, la toute première : "Non, Non, Pas Rogov !", est assez moyenne, mais c'est bien la seule ; il faut cependant reconnaître que le cycle démarre moyennement, mais la suite...) pour un tome épais, le plus épais du cycle avec 620 pages (le tome 2 n'est pas loin de l'égaler, mais les deux restants sont, à côté, rikiki). On a ici du grand art, un univers riche, parfois complexe (le glossaire, situé dans le tome 4, n'est pas de trop, même s'il sert surtout de complément plutôt que d'aide à la lecture !), et des nouvelles tout simplement tuantes : les deux citées plus haut et qui furent, donc, les premières publiées par l'auteur, mais aussi "La Dame Défunte De La Ville Des Gueux", "La Dame Aux Etoiles", "Pensez Bleu, Comptez Deux"... C'est, juste, grandiose, et indescriptible.

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  Les sondeurs vivent en vain [Texte imprimé] Cordwainer Smith trad. de l'américain par Michel Demuth, Alain Dorémieux, Denise Hersant... [et al.] trad. rév. par Pierre-Paul Durastanti

  de Smith, Cordwainer
  Gallimard / Folio. Science-fiction
  ISBN : 9782070427154 ; 10,30 € ; 25/03/2004 ; 620 p. ; Poche

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