Journal de Joséphine B., impératrice
de Philippe Séguy

critiqué par JulesRomans, le 1 mai 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Des pages ribotes attribuées une femme née de la Pagerie
Voilà un journal intime, né du fruit de l’imagination et de la documentation de Philippe Séguy. Le livre "Journal de Joséphine B., impératrice" est fortement ancré dans l’univers parisien. Il paraît l’année où on célèbre le deuxième centenaire de la mort de la première impératrice du régime napoléonien.

Incontestablement sa lecture permet de bien fixer un certain nombre de personnages qui eurent un rôle civil ou militaire sous la Révolution, le Premier Empire et la Restauration. Ceci du point de vue français et même étranger. En effet, et ceux qui avaient une exposition à ce sujet le savent, Joséphine de Beauharnais est, avant que Victoria entre dans l’histoire avec ce titre, "la grand-mère" de nombre de dynasties ayant régné en Europe. Cela est dû essentiellement aux mariages que la veuve d’Eugène de Beauharnais (son fils) réussit à faire réaliser à ses filles. Elle est par ailleurs, cette fois au sens propre la grand-mère du futur Napoléon III, un fils de sa fille Hortense. L’on sait que le chant "En partant pour la Syrie" fut l’hymne du Second Empire et qu’il a un rapport direct avec la reine Hortense (épouse de Louis Bonaparte fait roi de Hollande par Napoléon Ier).

De la politique intérieure ou extérieure de l’Empire, on n’apprend pas grand-chose même lorsqu’il aurait été facile de glisser un mot sur le fait que la reine Hortense n’a plus ce tire en 1810, après la démission de son mari par opposition au blocus continental qui lèse ses sujets. L’on sait aussi combien Eugène voyait avec clarté que tant que Napoléon resterait empereur, il n’y aurait aucune paix possible en Europe, la guerre étant une caractéristique intrinsèque du régime. On aurait pu nous dire un mot là-dessus aussi.

Des voyages de Joséphine, on ne sait quasiment rien. Ainsi en est-il du printemps et de l’été 1808, où rien que deux très courtes allusions à l’Adour et à Bordeaux sont présentes. Rappelons que c’est en août, que remontant de Bordeaux, Napoléon Ier se rend avec Joséphine (qui vit ses derniers mois d’impératrice) dans des régions de l’Ouest de la France qui avaient connu un mouvement contre-révolutionnaire. Il arrive dans une cité qui vient de prendre le nom de Napoléon (il s’agit de La Roche-sur-Yon en Vendée départementale) et diverses sources nous disent que Joséphine est prise de malaise après avoir bu un verre d’eau à Montaigu. L’Empereur crie à l’empoisonnement, et oblige M. Bernard le sous-préfet de cette cité du nord-est du département, d'achever la carafe.

Si l’auteur fait l’impasse par exemple sur ce genre d’évènements, on peut le soupçonner de ne pas avoir utilisé toute la documentation aisément accessible ; Mlle d’Avrillion, gouvernante de l’impératrice Joséphine de Beauharnais, a laissé des mémoires dont l’auteur ne semble guère faire l’emploi. Le lecteur qui souhaiterait savoir si Joséphine est passée un jour par sa ville et quel souvenir on en a gardé, sera déçu. Ainsi à Fontenay , toujours en en Vendée, une jeune fille joue du piano pour elle et elle assiste à une grande colère de Napoléon. Les récits des séjours à La Malmaison n’avaient pas besoin d’être repris longuement, on les trouve ailleurs ; on aurait aimé un peu d’inédit. C’est d’ailleurs le cas avec Évreux et ses environs et l’on s’en réjouit.

Les notes sont intéressantes, même si on peut regretter que soient cités quelques noms, sans qu’on ne mette en valeur le personnage; par exemple Thibaudeau (page 285), alors préfet des Bouches-du-Rhône, qu’il n’était pas indispensable de mettre en scène et pour lequel le terme d’ami aurait été à justifier en plus de relever qu’il est connu comme le dernier régicide à avoir survécu. On aurait aimé des explications des raisons pour lesquelles Joséphine avance telle affirmation. Il est fort judicieux de faire savoir que Joséphine avait des maux de dents affreux, mais il serait bon de dire que pour avoir des dents blanches elle se mettait un produit qui lui abîmait terriblement ses dents.

Peu d’indications sur les loisirs de Joséphine, à part ceux relevant de la galanterie, si ce n’est le fait plusieurs fois rapporté (dans des ouvrages d’historien) que pour faire plaisir à Napoléon Bonaparte on joue aux barres (jeu fort populaire dans les cours de récréation jusqu’en 1940) et que Joséphine et ses enfants font de la balançoire (ce jeu est alors appelé escarpolette).

Le journal est présenté comme ayant été trouvé par Stanislas Reverdin à qui avait été consacré déjà un roman historique par Philippe Séguy, son titre était "Stanislas ou un caprice de Joséphine". "Journal de Joséphine B., impératrice" un livre plaisant et léger, comme sa narratrice ; Joséphine y apparaît comme une femme amoureuse ne voyant que des bienfaits dans les actions de l’homme d’état qu’elle a épousé. On le parcourt d’autant plus aisément qu’il n’y a peu de soucis de rendre le style qu’aurait pu utiliser vraiment la narratrice (même si l’auteur glisse volontairement un terme désuet de temps en temps, comme "le haut mal" pour l’épilepsie ou l’escarpolette comme on l’a vu plus haut) et qu’il est rempli d’anecdotes plus ou moins croustillantes. On est assez, pour le ton, dans l’esprit d’"Histoires d’amour de l’histoire de France" de Guy Breton. Toutefois la dimension tragique de certains évènements est heureusement esquissée.

Nous citerons une des réparties au sujet du second consul (par ailleurs présenté page 190), que l’on pourra comme d’autres, raconter à la pause café comme une histoire drôle:

« Nul n’ignore en ville les goûts de Monsieur de Cambacérès que les bonnes âmes prétendent "contre nature". Je ne sais pas si elles ont raison, mais cela exaspère Bonaparte qui a exigé que le Deuxième consul s’affiche avec une actrice afin de faire taire la médisance. Or, voilà que la belle attend un enfant. Et flatteurs de complimenter l’heureux amant et bientôt père qui répond, miracle de fausse candeur, "oh, cela regarde Monsieur de R. . Je l’ai connue que postérieurement". » (page 204)

Last but not least, on est surpris de voir attribuer à Joséphine un rôle dans l'éventuelle substitution (et évasion) du dauphin, appelé Louis XVII. Le travail de Philippe Delorme et les tests d'ADN permettent aujourd'hui de conclure que le fils de Louis XVI est bien mort au Temple. L'auteur prévient heureusement qu'il a peut-être pris des libertés avec l'Histoire à propos de cela.