Apparitions mariales : mythe ou réalité ?
de Louis Mathoux

critiqué par Saule, le 26 mai 2014
(Bruxelles - 59 ans)


La note:  étoiles
La visiteuse céleste
Il est de ces lieux de pèlerinage où la vierge serait apparue qui attirent les foules, visités chaque année par des milliers de croyants pressés de trouver une présence maternelle et aimante, protectrice et consolatrice. Ces lieux doivent leur renommée au fait qu’une visiteuse céleste serait apparue, le plus souvent à des enfants de condition modeste. Mais que peut-on dire de ces apparitions ? Est-ce vraiment la mère de Dieu qui s’est rendue présente, ou au contraire doit-on en douter ?

C’est la question que se pose Louis Mathoux dans cet ouvrage bien documenté, et cela pour les lieux emblématiques où Sainte Marie serait apparue : à chaque fois, la question est : s’agit-il d'une réelle apparition de la visiteuse Céleste ou doit-on craindre une affabulation, voire d'une arnaque ? Pour répondre à cette question, il utilise une grille qui est la suivante : d'abord une présentation générale de l'apparition et de son contexte, et ensuite une évaluation sur base de divers critères, tels que : quelle est la validité du message (d'un point de vue de la morale et de la doctrine), la fiabilité des voyants, le sérieux des témoignages, les risques de récupération. Autre élément, une grande similitude et proximité dans l'espace et le temps qui peuvent faire craindre une sorte d'auto-suggestion par mimétisme inconscient.

L'auteur est très critique envers certaines soi-disant apparitions où la vierge aurait laissé un message apocalyptique de style millénariste, ou alors parfois carrément à côté de la doctrine. Parmi les cas emblématiques, Medugorjé est décrié par l'auteur : la vierge y aurait pris parti dans des disputes internes à l'église, ce qui sent la récupération et entache le sérieux des soi-disant voyants. A Fatima, elle aurait délivré un message politique, condamnant le communisme, ce qui de nouveau ne semble pas très sérieux. Cependant, à Fatima, force est de constater que des centaines de personnes ont assisté à un phénomène inexplicable (une danse du soleil dans le ciel), et que cette expérience était indiscutable (rien ne dit que ce phénomène était surnaturel bien sur).

Un critère pour juger de la réalité me semble des plus pertinents : "on juge l'arbre à ses fruits". A Lourdes par exemple, l'auteur regrette une exploitation commerciale déplacée, mais d'un autre côté la vie de Bernadette Soubirous après les visions fut exemplaire et les pèlerins qui visitent Lourdes sont parfois transformés par l'expérience. Les fruits sont mitigés donc. A Banneux et Beauraing, malgré le fait que la similitude et la proximité dans le temps et l'espace pourraient paraitre suspectes, les fruits sont très beaux : les voyants ont vécu une vie retirée et modeste, le message était d'une simplicité remarquable et tout à fait conforme à un message céleste, la fiabilité psychologique des témoins est indiscutable. L'auteur est beaucoup plus dur avec certaines apparitions qu'il qualifie sans hésiter d’impostures, que ce soit San Damiano ou les apparitions délivrant un message terrifiant au Rwanda.

Dans sa conclusion, très pertinente, l'auteur relève que la vierge Marie est souvent apparue dans des moments critiques de l'histoire humaine, à l'orée de grande catastrophe, tel que la montée du nazisme ou des révolutions, "tout se passe comme si, frappés de peur devant les menaces de rupture brutale qui pèsent sur la stabilité sociétale , les hommes n’avaient d’autre choix que de se tourner vers celle qui symbolise par définition la douceur et la sécurité du sein maternel". Voila qui me semble très juste, c'est tout à fait le rôle de la vierge Marie d'ailleurs et c'est ce qui rend son culte si beau.

Il est à noter que l'auteur évalue la "réalité" des apparitions, mais ne se prononce pas sur ce que sont exactement les apparitions, il n'est pas question de discuter s'il s'agit de phénomènes psychologiques, ou bien d'hallucinations, ou bien de réalité. Cela dépasse le cadre de son ouvrage, je pense que le lecteur intéressé devrait se tourner vers Jung et sa théorie des archétypes par exemple.

D'un point de vue personnel, j'ai toujours pensé que la piété populaire à Sainte Marie était un des plus beaux aspects du catholicisme, c'est une grande chance de pouvoir chercher secours et consolation auprès d'une mère 'reine du ciel’. On est en plein dans le sacré, c’est à dire l’éveil d’un sentiment “numineux”, qui prend l’homme dans sa totalité et mobilise des capacités inconscientes.

Je crois qu'une mariophonie est indiscutable pour celui qui en fait l'expérience, et a priori je ne vois pas pourquoi on mettrait en doute le témoignage de ces gens lorsqu'ils ne tombent pas dans le cas des impostures dénoncée par Louis Mathoux. On a l'impression que l'auteur est assez circonspect mais il n'empêche personne de croire dans les apparitions. Il rappelle d'ailleurs avec propos que la doctrine de l'Eglise n'oblige pas non plus le croyant à croire dans les apparitions. Mais ce serait dommage de s'en priver, pensai-je, dans notre monde tristement matériel on a bien besoin d'éprouver le sentiment du sacré et l'émerveillement que procure en nous l'image de la Mère de Dieu.