Les hirondelles font le printemps
de Alistair MacLeod

critiqué par Dirlandaise, le 13 mai 2014
(Québec - 69 ans)


La note:  étoiles
Récits de l'île du Cap-Breton
Alistair Macleod est un écrivain canadien de langue anglaise mort récemment. Il n’a pas beaucoup écrit : deux recueils de nouvelles et un roman seulement, mais il possédait un formidable talent de raconteur et ce talent s’exprime de magistrale façon dans ce recueil de sept nouvelles. L’auteur aime raconter des anecdotes de son enfance passée sur une ferme à l’île du Cap-Breton en Nouvelle-Écosse. Ceux qui comme moi ont été en contact avec le milieu rural dans leur enfance seront immanquablement touchés en plein cœur par ces récits. Dans « Cet été qui s’achève », Alistair Macleod décrit une fin d’été vécue par un groupe de mineurs devant retourner au travail. Ils se prélassent sur une plage de la Nouvelle-Écosse. Le narrateur évoque sa vie et les nombreuses difficultés qui l’ont parsemée. « Chien d’hiver » raconte comment un chien que tout le monde sur la ferme détestait a sauvé de la noyade son jeune maître. L’hiver et la glace traîtresse constituent la toile de fond de cette admirable nouvelle louant la complicité entre l’homme et la bête. « Mon veau de printemps » met en scène un jeune garçon désirant participer à un concours de jeunes éleveurs et voit tous ses espoirs anéantis par une rencontre inattendue mais déterminante. C’est triste et amusant à la fois. La vie sur une ferme d’élevage avec sa saison d’abattage est dépeinte et il est parfois pénible de lire comment les animaux sont mis à mort et dépecés. Les autres nouvelles sont dans la même veine et l’une d’elles adopte des airs de légende rurale.

L’œuvre de cet écrivain est reconnue comme marquante dans la littérature canadienne anglophone contemporaine malgré sa brièveté. En lisant ces histoires, j’ai réalisé tout l’à-propos de cette affirmation. Toute les nouvelles mettent en scène des personnages aux prises avec la pauvreté sévissant sur l’île dans les années quarante à soixante. Les anecdotes parsemant ces récits sont savoureuses et tellement humaines que cela me fait regretter le fait que l’auteur ait si peu écrit. Ses récits se rapprochent des auteurs russes par la puissance de la prose et le choix des thèmes. Admirable !

« Le chien est resté allongé, haletant, à s’étouffer un moment, de l’eau salée et glacée lui sortant de la gueule. Presque tout de suite, sont pelage s’est mis à geler. Je me suis rendu compte alors que, moi aussi, j’avais froid et que, durant cette période où je m’étais allongé sur la banquise, mes vêtements avaient eu le temps de coller à la glace. Toute la chaleur de ma transpiration avait fait place à une couche de givre que j’imaginais en dessous de mes vêtements comme soulignant les contours de mon corps, telle une esquisse de blanc givré. Je suis remonté sur le traîneau et je me suis accroupi aussi bas que possible tandis que le chien entamait sa course vers la maison. Sa fourrure gelait vite et, pendant qu’il courait, ses poils enduits de glace ont commencé à s’entrechoquer comme des castagnettes rythmant les mouvements de son corps. La neige tombait de plus en plus dru et me fouettait la figure. Le crépuscule approchait, quoique je ne fusse pas sûr que c’était le cas sur la terre, que je n’arrivais plus à distinguer. » (Ce chien d’hiver)