Lilette Léveillé à Craboville
de Jordic

critiqué par JulesRomans, le 30 mai 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Quand les Bretons passaient pour des sauvageons, Jordic aidait les Parisiens à les apprivoiser
Jordic est le pseudonyme de Georges Pignon ; il est né en 1876 à Philippeville, en Algérie. Il obtient une bourse à l’âge de dix-sept ans à l’Ecole des Beaux-arts de Paris. Dès le début du siècle, il donne dessins et histoires en images tant dans la presse enfantine que celle pour les adultes : "L’Assiette au beurre", "L’Ouvrier", "Les veillées des chaumières", "Le Rire", "L’Écho du Noël",""L’Étoile de Noël". Il illustre également des romans comme ceux de Scott et Michel Corday ou des contes comme ceux d’Hoffmann. Avant-guerre il a une quinzaine d’albums pour la jeunesse signés à son nom.

Il rencontre la sœur de Charles Geniaux et l’épouse. Il tombe de ce fait amoureux de la Bretagne, son pseudonyme Jordic est un hommage à "Pêcheurs d’Islande" de Pierre Loti. Ils s’installent à l’Île aux Moines dans le golfe du Morbihan. Mobilisé, il est sergent au 18e RI lorsqu’il décède le 29 novembre 1915 à Houdain dans le Pas-de-Calais.

Avec l’album "Lilette Léveillé à Craboville" nous sommes justement transportés dans un village maritime imaginaire de Bretagne. Une petite Parisienne de huit ans arrive seule par le train chez son ancienne nourrice pour passer des vacances où elle va découvrir l’univers breton en particulier grâce aux jeux qu’elle va faire avec les quatre enfants de sa nourrice. Jordic met en scène toute une série de gags avec l’utilisation originale de divers objets et les réactions de surprise qu’a la petite Parisienne face à d‘autres qu’elle ne connaît pas. Si les Bretons ne sont pas ici présentés comme les derniers sauvages de l’hexagone, comme c’était la plupart du temps le cas dans la presse enfantine de l’époque, par contre la distance sociale est bien marquée comme elle l’était à l’époque. Lilette reçoit des marques de respect de la part des adultes et s’impose naturellement leader du groupe d’enfants.

Le graphisme soigne la représentation de tous les objets et sait très bien rendre par les attitudes et le dessin du visage les sentiments qui agitent les personnages. Un second tome de ces aventures existe, c’est celui où les quatre enfants bretons viennent à Paris et sont reçus par Lilette qui vit dans un certain luxe. Espérons que "Les petits Brazidec à Paris" qui est sorti en 1913 (soit deux ans après "Lilette Léveillé à Craboville" ) sera bientôt réédité car ces deux albums sont le reflet de ce qui se faisait de mieux pour les jeunes de la Belle Époque et parce qu’ils rappellent l’énorme place qu’avait alors la Bretagne dans l’imaginaire enfantin.