Pièces détachées
de Gérard Delteil

critiqué par Shelton, le 18 mai 2014
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
Une bonne idée pour un roman moyen...
Le label Prix du quai des orfèvres, on peut nommer ainsi l’ensemble des romans distingués par ce prix et édités par la maison d’éditions Fayard depuis 1966, n’est pas un gage absolu de qualité de roman policier. En effet, le choix est le fruit des lectures, des échanges, du travail d’un jury, c’est-à-dire un groupe de femmes et d’hommes dont le jugement peut être faillible, subjectif, entaché d’erreur même. Donc, à chaque fois, c’est la surprise : on découvre un auteur que l’on ne connaissait pas, on rencontre des nouveaux personnages, on plonge dans un univers imprévisible, on aborde un thème improbable… Le phénomène est encore plus fort quand on prend la décision de lire, ou relire, tous les romans lauréats en quelques semaines…

Dans ce cas – Pièces détachées – je connaissais déjà l’auteur dont j’ai lu quatre ou cinq romans policiers ou noirs. J’aime son style concis, précis, sans concession. Il part généralement d’un fait divers, du réel, d’un constat presque sociologique et il construit un roman policier, souvent noir à souhait, en osant aller loin, très loin. Souvent ses romans portent une couleur politique car plus il va loin plus il démontre les absurdités de notre société, de nos lois, de nos us et coutumes… Cette fois-ci, il choisit de partir de deux petit faits, deux petites idées : la misère de certaines banlieues et ce que l’on pourrait appeler une médecine à deux vitesses, celle que tout un chacun connait et l’autre que l’on n’ose même pas imaginer avec ses cliniques privées, ses dépassements d’honoraires, ses tensions et jalousies entre médecins… Et de cela, il fait un bon roman !

Tout commence avec deux meurtres, le même jour, à deux endroits différents de l’ile de France. L’un est commis du côté de Garges-lès-Gonesse, l’autre dans un quartier huppé de Paris. Un médecin, un jeune en dérive… Et nous voilà au cœur d’un roman policier assez bien construit, cohérent, crédible.

Pour résoudre ce double meurtre, nous allons accompagner non pas un inspecteur – commissaire, détective, policier ou gendarme – mais une équipe entière de la PJ, une équipe dirigée par une femme. Un membre de l’équipe de Josiane est Patrick, c’est lui qui raconte l’histoire. Nous sommes donc dans un roman écrit à la première personne du singulier. Ce procédé est bien connu des romanciers policiers car il permet d’avoir un enquêteur dont les connaissances sont franchement limitées. Il ne sait que ce qu’il voit, qu’il entend, qu’il fait ! Et le lecteur aussi, pas de récit complémentaire, de longues explications provenant d’on ne sait où. Ici, nous sommes avec Patrick et nous en apprenons un peu plus lors de certaines réunions de l’équipe… pour le reste, nous sommes manipulés par l’auteur qui ne s’en prive pas !

Malgré le talent de l’auteur, l’originalité du thème, la qualité du mécanisme scénaristique, le rythme du roman, j’avoue être resté un tant soit peu sur ma faim. J’ai pris le temps de comprendre pourquoi car tous les indicateurs étaient au vert dès la première page du roman. En fait, je reproche à Gérard Delteil d’avoir proposé pour le prix du quai des orfèvres, un roman calibré et dimensionné pour ce prix, ses spécificités, alors qu’avec un tel thème, il aurait pu nous offrir un texte deux fois plus gros, plus abouti, encore mieux ciselé…

On se contentera donc d’un petit roman pour petit voyage… Petit, car seulement deux cent pages en gros caractères !