14/18 L'enfant découpait des images
de Paola de Pietri

critiqué par JulesRomans, le 29 mai 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Les Vosges et l'imagerie d'Épinal aux avant-postes durant la Première Guerre mondiale
Nous avons là le catalogue des deux expositions temporaires "14/18 L’enfant découpait des images" et " Paola de Pietri photographies" (ou " Paola de Pietri to face") ; ces dernières se dérouleront du 25 avril au 11 novembre 1914.

La photographe Paola de Pietri a recherché en Italie les traces de la Grande Guerre, cent ans après là où passait le front. Comme le conte l’excellente BD "La mort blanche" (critiquée ici en mai 2014), on est dans la montagne et même parfois dans des endroits où persistent des plaques de neige quasiment toute l’année. Martine Sadoin présente ces clichés en particulier par ces termes :

« Ces photographies ne sont pas spectaculaires, ni leur teintes éclatantes. Elles sont cependant composées pour nous faire voir simplement – prêts de disparaître et cachés dans de somptueux paysages – cette tranchée qui serpente dans la forêt des mélèzes, les cavités dans les parois de pierre, les trous d’obus où stagne encore la neige… Un temps bousculé par les errements des hommes, la nature a repris ses tâches et – on l’imagine ainsi – son devoir d’effacer, de revenir à son état premier… ».

Entre 1915 et 1918, l’Imagerie Pellerin édite sa dernière grande série d’images ; c’est un peu son chant du cygne. Comme la presse enfantine, elle délivre des histoires en images sur une planche, dont la plus célèbre est celle réalisée par Hansi, qui se met lui-même en scène en caporal interprète dans "Le 152e poilus". Du fait qu'elle sort en 1915, les soldats ont encore leur pantalon rouge.

Toutefois ses productions ne limitent pas à ces pages ancêtres de la BD, l’imagerie d’Épinal propose des maquettes à construire par pliage, des pantins, des figurines à découper, des lithographies sur un seul sujet, des cartes postales… Des thèmes sont dégagés, le contenu analysé, des dessinateurs sont présentés. La question de l’Alsace, région si proche de la préfecture des Vosges est très présente ; le fait que les troupes françaises soient arrivées (après avoir dû évacuer Mulhouse et Colmar) à tenir une petite cinquantaine de village dont Thann, Masevaux et Dannemarie pour les plus connus est prétexte à gloriole. On se rappellera que pour en savoir un peu plus par la fiction sur cette Alasace libérée, on dispose de Bécassine et la guerre un ouvrage produit en 1916 et de Finnele une BD, qui vient de sortir chez Delcourt, avec une action à et autour de Masevaux.

Le bilan des morts chez les artistes, ouvriers et cadres qui travaillaient pour l’imagerie Pellerin est très conséquent, meurent au combat ou de la grippe espagnole et en particulier Georges Pellerin. Il est nécessaire de renouveler un matériel usé et désuet pour passer à un autre mode de production, ce qui est d’autant plus difficile que les clients ne seront guère nombreux (peu d’enfants naissent entre 1914 et 1939). Pour la première fois des images de propagande sont destinées aux enfants et même si toutes les reproductions ne sont pas exclusivement pour ce lectorat, la lecture de ce catalogue d’exposition permet de mieux saisir les thèmes autour desquels on sensibilise les enfants.

Le thème de l’enfant héros permet d’aborder la question des départements occupés par les Allemands, si les Ardennes le sont complètement, les Vosges le sont (comme une douzaine d’autres) partiellement. C’est la région de Saint-Dié qui est dans ce cas. Aussi ce sont ombre de musées vosgiens qui proposent cet été une exposition temporaire sous un chapeau 14-18. Pour la préfecture les deux autres musées parleront des affiches de guerre et la vie dans ce qui est devenue zone des armées, Remiremont se centre sur les tableaux évoquant des épisodes de la Grande Guerre, Saint-Dié s’attache à la vie des femmes (et en particulier à celles en territoire aux mains des Allemands), Mirecourt s’intéresse aux musiciens.