Radeau
de Antoine Choplin

critiqué par Tophiv, le 22 septembre 2003
(Reignier (Fr) - 49 ans)


La note:  étoiles
Style original. Emouvant ...
1940. Louis est chargé de conduire un camion chargé de tableaux du Louvre dans un château en province pour les soustraire aux allemands en train de grignoter la France par l'est. En chemin, au bord d'une route, il s'arrête pour aider une femme seule, Sarah, enceinte et en fuite…
Tout d’abord, ce radeau, c’est un bel objet, un très joli livre d'un petit éditeur qui inspire le lecteur. Ensuite, c'est un texte original et court. Dans ce livre, A.Choplin n’utilise aucun dialogue « direct », tout est rapporté par un narrateur extérieur, au style indirect (Louis dit .Sarah dit.). Cela donne un texte un peu lourd au début puis au bout de quelques pages, la magie opère. Ce style participe à la dimension sentimentale et dramatique du livre où toute l'émotion est exprimée dans les silences des personnages plutôt que dans leurs dialogues. Tout au long du livre, on sent la tragédie sourdre. Cette histoire touchante est émaillée de considérations intéressantes sur la peinture, son histoire (d’abord l’art figuratif puis une représentation quasi parfaite du réel et enfin, dans l’impossibilité d’accéder à ce réel, la transfiguration de la vision de l’artiste, son interprétation .), le radeau de la méduse qui donne son nom à ce roman …
Un seul regret, la brièveté de ce récit, cette mode, le plus souvent commerciale, des romans trop courts, 150 pages environ, est extrêmement frustrante et on a de plus en plus souvent le sentiment que l'auteur cède à la facilité, se contente de peu de pages, sans épuiser son sujet.
de la Méduse, le radeau … 7 étoiles

Court, très court, roman comme souvent (toujours ?) avec Antoine Choplin. Radeau ne déroge pas à la règle. Court roman éclaté sur trois périodes, toutes en lien avec la seconde guerre mondiale ; 1940, puis 1943 et enfin un jour de Février 1944.

»Il franchirait la Loire à Saumur. Emprunterait le même pont chargé d’enfance. C’était cette route-là aussi, vers le Berry de ses grands-parents, des premières vacances, des cousins éloignés et des courses de brouette, des cerises trop mûres bouffées par les oiseaux.
Quand il y pense, Louis.
C’est le soir déjà. Il conduit depuis bientôt trois heures. N’éprouve aucune fatigue.
Pourtant, il y a eu le chargement, interminable, depuis les dépôts sarthois de Louvigny, Chèreperrine, Aillières et La Pelice. Le plan « Hirondelle » appliqué à la lettre. Deux jours et deux nuits, presque sans pause. De l’emballage, des centaines de caisses passées de main en main, les obligations à peine compatibles de rapidité et de minutie.
Les Allemands pas loin, on ne sait pas exactement où. Partir au plus vite, les plus gros camions d’abord, vers d’autres destinations plus au sud. »


Si je vous dis que le style d’Antoine Choplin est lapidaire, ponctué de phrases courtes et percutantes, vous me croirez aisément à la lecture du début du roman ci-dessus ?
Le plan « Hirondelle », c’est ni plus ni moins la mise en sécurité loin du Louvre et de Paris des trésors nationaux exposés dans le Musée. Toiles détachées des cadres, roulées et mises en sécurité avant d’être expédiées par camions dans des havres secrets.
Louis est un des conducteurs de ces camions. Louis a pris la route vers le sud. Il a pour consigne de ne pas s’arrêter, de ne pas discuter de l’action entreprise, de ne pas prendre de passager. Mais voilà, de nuit, dans une forêt, sous la pluie, il y a cette jeune femme désemparée qui marche pieds nus, yeux baissés, comme pour fuir quelque chose. C’est Sarah. Il va la prendre dans son camion et leur histoire va commencer. Très vite.
Seconde époque, 1943. Sarah et Louis sont établis dans un château du Périgord où sont entreposés les toiles. Sarah a mis au monde Toine, l’enfant dont elle était enceinte et Louis participe à des coups de main de la Résistance. On se dit que ça pourrait mal finir (sur le mode « les histoires d’amour finissent mal. En général. »). Bingo ça va mal finir. La guerre est rarement sujet de bluette …
C’est dans la troisième époque (Février 1944) que la fin, très courte de deux pages, courte à l’image du roman, intervient. Tout est dit et, à vrai dire, on ne voit pas bien comment ça aurait pu être autrement. On aurait aimé que l’histoire soit davantage développée mais c’est souvent ainsi avec Antoine Choplin. Allusif et raccourci, le style.
Antoine Choplin a eu l’occasion d’écrire un roman « à quatre mains » (L’incendie) avec Hubert Mingarelli et on comprend pourquoi. Grande proximité de style entre ces deux auteurs du Dauphiné.

Tistou - - 68 ans - 21 décembre 2020


Un court texte ennuyeux 3 étoiles

Durant la Seconde Guerre Mondiale, au volant de son camion transportant des œuvres d'art confiées par le Louvre dont le célèbre Radeau de la Méduse de Géricault, Louis croise sur son chemin une femme, pieds nus, enceinte, qui marche sans but. Il a pour consigne de n'accepter personne dans son camion et pour mission d'amener en lieu sûr ces tableaux qui pourraient être en danger durant ce conflit mondial ...

Ce roman est court et ne brille pas par des nombreuses actions. Le style de l'auteur est singulier : de nombreuses phrases nominales, des paroles rapportées originalement ... Ce style ne m'a pas plu et a suscité un profond ennui chez moi :
"Il demande : et alors, il est pour quand ce petit ?
Pour l'automne. Novembre.
Le père est mobilisé, c'est ça ?
Non.
Du silence, à part le moteur. Elle ajoute : il est juste parti.
Louis, désolé.
Elle continue, légère : oh, ça fait déjà plusieurs semaines.
Et du coup, vous vous retrouvez seule, cet enfant sur les bras."

Je n'ai ressenti aucune émotion à la lecture de ce roman. Je n'ai pas été touché du tout par certaines scènes qui auraient pu émouvoir. Antoine Choplin intègre aussi des réflexions sur l'art et des commentaires sur le tableau de Géricault, de manière trop appuyée. On a l'impression que ce roman n'a été qu'un prétexte pour introduire ces idées. Kundera, Malraux, Gide intègrent des réflexions dans leurs romans, des discussions culturelles dans leurs récits, mais c'est fait habilement. Ici, cela me semble plus maladroit ...

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 12 août 2014


émouvant, mais surtout frustrant ! 7 étoiles

Ce petit livre, offert par une amie, était accompagné de ces quelques mots : « un roman pour parler d’amour, d’art, et d’amour de l’art ». Cette petite note était alléchante et la première partie du roman y correspond bien. En 1940, Louis transporte dans son camion les tableaux du Louvre qu’il doit mettre à l’abri dans le Sud de la France. En aucun cas il ne doit s’arrêter, mais voilà… il rencontre Sarah sur le bord de la route, une jeune femme qui marche droit devant elle, sans autre but que celui de fuir sa famille. Entre eux va naître une belle histoire, entièrement portée par le style de l’auteur : épuré, elliptique, phrases courtes, limite télégraphique. De cette écriture transparaît beaucoup d’émotion et l’on entre avec bonheur dans le parcours de ces personnages. Jusqu’à la deuxième partie, où brusquement, grand hiatus, on plonge dans la résistance en 1943. Louis et Sarah sont toujours ensemble, mais la magie n’opère plus. Je me suis presque ennuyée dans ces pages. Je suis frustrée de ne pas avoir vécu l’histoire de ce couple, de tomber dans tout autre chose. Certes la scène du Radeau de la Méduse (métaphore sans aucun doute de la Résistance) est juste, mais je suis déçue. La dernière partie est un dernier bond tragique (et attendu) en 1944. Je regrette, ce roman magnifique au départ est trop vite avorté.

Laure256 - - 52 ans - 23 août 2004