Le chef-d'oeuvre de Anna Enquist

Le chef-d'oeuvre de Anna Enquist
( Het meesterstuk)

Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone

Critiqué par Bolcho, le 24 septembre 2003 (Bruxelles, Inscrit le 20 octobre 2001, 76 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 7 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (42 051ème position).
Visites : 4 257  (depuis Novembre 2007)

« Comment les gens font-ils pour vivre ? »

Un artiste peintre va connaître la consécration, mais la pression monte au sein de sa famille. Encore un tableau d’un maître en quelque sorte flamand, mais beaucoup plus d'ambition : filiations, inconscient, secrets de familles. et ce « Comment les gens font-ils pour vivre ? ». Malgré le passé et l'avenir. Malgré l’horreur. Avec le temps pour témoin : « Le temps est un tyran qui taillade mon visage de son couteau, qui m'enlève tout ce qui m’est cher : ma faculté de voir, de penser, de marcher. Il m'arrache mes enfants, anéantit mes amis. Il me tuera. »
Les personnages sont à l’image de ce que l’auteur dit des enfants, des tumeurs (« Les enfants sont une prolifération des cellules qui n'obéissent plus au projet originel. ») : ils se nourrissent de solides et de liquides et rejettent larmes, morve, urine et matière fécales. L’auteur nous dit tout de ces évacuations. On est loin de la fameuse âme humaine. Ce qui n'empêche pas que ce soit, très (trop ?) visiblement, un roman de psy.
Les personnages féminins sont denses , nuancés, attachants, chaleureux, attentifs à leur entourage, éveillés au monde. Les personnages masculins sont des caricatures d’hommes : mesquins, nombrilistes, vaniteux, totalement coupés du monde et préoccupés d’eux-mêmes.
La 4 de couverture parle d'une construction en 3 actes. Le deuxième est bouleversant et mérite cinq grosses étoiles au moins. Les autres m'ont paru plus faibles, mais c'est peut-être très personnel, sans doute même. Il n'empêche, l’ensemble vaut la peine. On y trouvera aussi des notes sur l’importance des poissons dans la vie familiale… et sur la sotte suffisance de ceux qui se proclament artistes et convoquent tout leur entourage : « venez voir, venez écouter, venez lire. » Mais qui vient à nos « vernissages » de septembre quand nous entamons une nouvelle année d'employés zélés ? Qui vient voir les maçons qui construisent leur mur où les « hommes des poubelles » qui emportent nos épluchures ? Les jeunes enfants bien sûr. Eux seuls distinguent l’essentiel de l'accessoire… On peut évidemment raisonner autrement et, avec des trémolos dans la voix, clamer les vertus civilisatrices de l’Art. Mais il est parfois bon de réhabiliter les gens concrètement utiles et de les couvrir de cette part de gloire que les artistes monopolisent indûment.

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Les éditions

  • Le chef-d'oeuvre [Texte imprimé], roman Anna Enquist trad. du néerlandais par Nadine Stabile
    de Enquist, Anna Stabile, Nadine (Traducteur)
    Actes Sud / Babel (Arles).
    ISBN : 9782742734474 ; 8,70 € ; 03/10/2001 ; 370 p. ; Poche
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L'art et la vraie vie

7 étoiles

Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 25 septembre 2003

Loin de moi toute idée de nier l'utilité de l'art. Il contribue à élever, à voir plus loin, autre chose, à penser plus loin aussi. Mais Bolcho a tout à fait raison de plaider également pour le concret, la vraie vie. Camus déjà s'inquiétait de la disparition des "vrais métiers", ceux qui produisent de vraies choses, des choses utiles aux autres, comme tonnelier, maréchal ferrant, cordonnier. Il disait que le monde moderne fabriquait bien trop de métiers "virtuels". Bravo à l'ingénieur qui, sur le papier, invente une belle machine, ou plutôt se dit que cette machine là devrait pouvoir se faire. Mais moi, ce qui m'a toujours fasciné c'est la capacité du technicien qui, lui, la fait fonctionner et l'améliore de jours en jours. Il invente des pièces par milliers, les conçoit pour qu'elles fonctionnent toutes ensemble, les rend fiables de façon à ce que, le tout monté, cela tourne, roule, vole, avance. Un bête distributeur de boissons, qui a déjà pensé au nombre de pièces qu'il a fallu concevoir et assembler pour qu'il fonctionne et qu'il soit fiable ? Et à la moindre panne nous jurons comme si le monde entier était mal foutu !... J'aime regarder un artisan travailler sur un objet. De gestes précis en gestes précis, il va nous faire quelque chose d'utile au départ de quelque chose qui n'était qu'une matière sans utilité autre que celle qu'un homme habile ou
inventif a pu lui donner. Il faut aussi un maçon habile et compétent pour faire un mur solide et droit d'un énorme tas de briques. J'aime regarder son travail cadencé, sans gestes inutiles, mais précis.

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