RÉCONCILIÉ AVEC LA VIE?..

Beaucoup l’ignorent mais bien avant d’être l’auteur à succès que tout le monde connaît, Michel HOUELLEBECQ est avant tout… poète !...

C’est en effet par la poésie que sa « carrière » littéraire a commencé, avec la publication de « Quelque chose en moi » dans la Nouvelle Revue de Paris en… 1988 ! Plusieurs recueils de poésie paraissent ensuite, avant que la publication en 1994 du roman « Extension du domaine de la lutte »lui apporte la célébrité. Il faudra attendre 2013 et « Configuration du dernier rivage » pour que l’on se souvienne que HOUELLEBECQ est un poète !...

« Non réconcilié »est l’anthologie personnelle de l’auteur et se compose de 132 poèmes, tirés des quatre recueils publiés entre 1991 et 2013. D’époque différentes, de forme différente, à un sonnet peut p. ex. succéder un poème en vers libres ou un poème en prose. Ils présentent néanmoins déjà le style unique de l’auteur, se balançant toujours entre le grave et (très) léger : « Il faudrait que je meure, ou que j’aille à la plage »… L’approche poétique de l’auteur est fondamentalement émotionnelle et empathique, très affective.

C’est une poésie de l’improvisation, « brut de décoffrage », sans retouches, sans travail de réflexion, en rupture permanente... Une poésie de « tous les jours » : « D’abord j’ai trébuché dans un congélateur », sans illusions, sans fioritures, directe, franche, qui reflète la brutalité ordinaire d’un monde régi par la consommation : «Beaucoup semblaient surpris par mes nouvelles chaussures », l’auteur nous y parle de certains thèmes récurrents en poésie, mais toujours à la façon HOUELLEBCQ, bien sûr… On retrouvera ainsi p. ex. la solitude : « Depuis sa peine de cœur elle n’avait plus d’amant », l’écriture « De ne même plus écrire de livres, de m’arrêter enfin », la maladie « Elle soulevait à peine les draps en respirant… Elle semblait heureuse en tous cas », le travail « Il n’y a plus de temps ni de lieu ; / Les salariés quittent leur travail », l’amour « Au bout de quelques mois / (Ou de quelques semaines) / Tu t’es lassée de moi, / Toi que j’avais fait reine ». etc…

Je dois avouer avoir très agréablement été surpris par la beauté, la force, la pureté, la révolte, la violence de la poésie de M. Michel HOUELLEBCQ. Une fois encore il est là où on ne l’attend absolument pas, pour le plaisir de tous les amateurs de poésie.
Je m'en voudrais de finir cette critique sans au moins vous présenter la « vision » poétique de M. HOUELLEBECQ, ici « appliquée » à la « vie de tous les jours », donc au… chômage !... Et tous ceux qui, comme moi, ont été une ou plusieurs fois confrontés à ce fléau, s’y reconnaîtrons certainement…

CHÔMAGE

Je traverse la ville dont je n’attends plus rien
Au milieu d’êtres humains toujours renouvelés
Je le connais par cœur, ce métro aérien :
Il s’écoule des jours sans que je puisse parler.

Oh ! ces après-midi, revenant du chômage
Repensant au loyer, méditation morose
On a beau ne pas vivre, on prend quand même de l’âge
Et rien ne change à rien, ni l’été, ni les choses.

Au bout de quelques mois on passe en fin de droits
Et l’automne revient, lent comme une gangrène ;
L’argent devient la seule idée, la seule loi,
On est vraiment tout seul. Et on traîne, et on traîne…

Les autres continuent leur dans existentielle,
Vous êtes protégé par un mur transparent,
L’hiver est revenu ; leur vie semble réelle.
Peut-être, quelque part, l’avenir vous attend.

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  Non réconcilié [Texte imprimé], anthologie personnelle 1991-2013 Michel Houellebeq préface d'Agathe Novak-Lechevalier

  de Houellebecq, Michel Novak-Lechevalier, Agathe (Préfacier)
  Gallimard / Collection Poésie (Paris. 1966)
  ISBN : 9782070456895 ; 11,30 € ; 27/03/2014 ; 224 p. ; Poche

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