Journal intime, tome 11
de Henri-Frédéric Amiel

critiqué par Bolcho, le 2 octobre 2003
(Bruxelles - 76 ans)


La note:  étoiles
Un personnage surprenant
Amiel est un intellectuel suisse (1821-1881) que sa formation destine à devenir un des phares de son époque. Il lit beaucoup. Il est professeur d’université. Mais ! Il oublie souvent de donner cours. Et, alors qu'on attend de lui une oeuvre majeure, une avancée philosophique, un système de pensée, des livres qui laisseront son empreinte sur la vie intellectuelle, il est tout juste capable de pondre quelques articles rachitiques, des petits poèmes anodins et un hymne patriotique très guerrier que l’on chante encore, paraît-il, dans les pâturages helvétiques. Pour le reste, il écrit son Journal, pendant toute sa vie. Et, dans ce Journal, il disserte avec amertume sur son incapacité d’agir. Nous avons donc cette oeuvre fascinante et morbide : 16840 pages pour expliquer une incapacité d’écrire (je n'ai sous les yeux qu'une très vieille édition reprenant l’année 1857, mais n'importe quelle autre année fera aussi bien l’affaire et on aura sans doute avantage à essayer dans une bibliothèque). Ce velléitaire geignard est aussi terriblement lucide : « J'ai réduit mon cercle de vie à peu près au diamètre de l'huître, et la fossilisation s'opère paisiblement en moi », ou bien « (…) j’assiste vivant à mes obsèques. » Bien sûr, une telle incapacité de vivre à des répercussions dans sa vie sentimentale. Le 1er octobre 1857, il écrit : « Aujourd'hui, je ressens quelque accablement, un peu de vide et une pointe de sensualité érotique ». Une pointe ! Il a 36 ans, n'a jamais eu ne serait-ce qu'une brève aventure féminine (parce que pour ça aussi, il faut se lancer) et il rêve sans cesse de mariage. Oui, le personnage est surprenant. Parmi les nombreuses lectures qu’il commente, il y a Maine de Biran et son journal intime. Ce qu’il en dit vaut son pesant de mise en abîme : « Rien n’est mélancolique et lassant comme ce Journal de Maine de Biran. C’est la marche de l'écureuil en cage. Cette invariable monotonie de la réflexion qui se recommence sans fin, énerve et décourage comme la pirouette interminable des derviches. » Puisqu’il le dit…
Il n'empêche, c’est la seconde fois que je lis le Journal d’Amiel (enfin, un extrait). Et je ne comprends toujours pas pourquoi. Peut-être parce qu’il écrit ceci : « La construction d’un tableau pour l’emploi de mon temps cet hiver m’a pris près de huit heures d'effort ». Donc, il a fait ce tableau pendant huit heures, puis il est allé écrire dans son Journal qu'il a fait le tableau, puis sans doute le lendemain est-il allé relire dans son Journal que…
Magnifique!!!!!!!! 10 étoiles

Superbe, une oeuvre humaine qui nous ouvre les yeux sur la vie et sur les sentiments qui nous traverse toute la vie!!
J'aime vraiment!!!!!!!

Lepenseurfou - - 36 ans - 11 mars 2009