L'homme qui avait soif
de Hubert Mingarelli

critiqué par Tistou, le 1 juillet 2014
( - 68 ans)


La note:  étoiles
Dramaturgie « mingarellienne »
Hubert Mingarelli ne déroge pas à ses fondamentaux : hommes, relation père-fils, unité de temps …
« L’homme qui avait soif » est une nouvelle fois une affaire d’hommes. De Japonais plus précisément, D’un soldat vaincu, Hisao, qui s’en retourne chez lui, retrouver une femme qu’il ne connait que par courrier (de guerre). De son compagnon de guerre, Takeshi, laissé mort au combat. Mais d’autres hommes aussi, soldats américains, vieux japonais rencontrés lors de son retour vers Shigeko, la femme qu’il ne connait pas encore.
Relation père-fils ; pas formellement puisque Hisao et Takeshi sont frères d’armes. Néanmoins la relation entre les deux hommes a tout de celle père (Hisao) – fils (Takeshi) dans sa réalité.
Unité de temps : l’action proprement dite s’écoule sur très peu de temps ; de l’ordre de un jour et demi/deux jours, le laps de temps pendant lequel Hisao s’est élancé en direction de Shigeko pour la retrouver, un voyage théoriquement simple (train puis ferry), mais compliqué du fait qu’Hisao, pas sorti indemne psychiquement de l’épisode défaite et mort de Takeshi, va quasiment sciemment ne pas regagner le train duquel il était descendu pour trouver de l’eau et le regarder partir, se compliquant ainsi singulièrement la vie.
C’est la quête de sa valise restée dans le train et du cadeau provisionné pour Shigeko dans un Japon dévasté par la défaite qui va constituer la chair de ce roman (encore un grand classique mingarellien ; la quête !), agrémenté toutefois du retour en arrière sur l’épisode final de la défaite personnelle d’Hisao, emmuré dans un tunnel creusé sous une montagne avec le cadavre de Takeshi pour seule compagnie.
C’est évidemment extrêmement introspectif, détaillé au possible au niveau des ressorts psychologiques par cet entomologiste de l’âme humaine qu’est Hubert Mingarelli. De l’âme de l’homme, pardon. Et même plutôt de l’âme de l’homme soldat, re-pardon !
Encore un bien beau Mingarelli, dans la veine de « Quatre soldats » pour le contexte et l’inspiration …
« Hisao, revenu sur le banc, fixa pendant un long moment le dos du soldat qui s’était retourné et observait le sillage éclairé par la lumière de poupe. Puis il saisit la valise à côté de lui et la posa sur ses jambes. Son regard la traversa, et en songe il vit le cadeau pour Shigeko, emballé dans le papier rouge et protégé par son caleçon en laine. Il mit les mains dans les poches de sa veste pour se réchauffer. Il sentit sous ses doigts la dernière lettre de Shigeko Katagiri, et sous la lettre, l’une des feuilles d’orme qu’il avait gardée, après qu’elles soient tombées comme pluie sur la route … »
Une soif inextinguible 9 étoiles

En 1946, un soldat japonais démobilisé tente de rejoindre la femme qu’il désire épouser. Malheureusement, ayant descendu du train pour s’abreuver, celui-ci repart sans lui emportant la valise dans laquelle Hisao avait rangé le cadeau de mariage destiné à sa fiancée. Hisao tente alors désespérément de rejoindre le train par tous les moyens et sur sa route, il rencontre des personnages divers qui l’aideront dans sa quête ou au contraire, chercheront à lui nuire.

Dès le début, je me suis prise d’affection pour ce pauvre Hisao accablé par une série de malheurs et de situations désagréables. Sans cette soif inextinguible qui le dévore, il n’aurait jamais perdu cette fichue valise mais d’où lui vient cette envie irrésistible de boire aussitôt qu’il voit de l’eau ? De fréquents retours dans le passé nous l’apprennent et c’est là que réside la force du récit et que se déploie tout le talent et la puissance d’écriture de l’auteur, une écriture très forte et poétique, plongeant le lecteur dans une atmosphère tantôt rocambolesque pour la quête désespérée de la valise, tantôt étouffante et suant l’angoisse comme le passage décrivant les deux amis pris au piège de la montagne.

Excellent roman, belle découverte pour moi. Premier livre lu de cet auteur et sûrement pas le dernier.

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 18 mai 2017


Une nouvelle plus qu'un roman 8 étoiles

Ce court roman s'apparente plus à une nouvelle qu'à un roman je trouve. C'est un récit qui tient en deux ou trois jours, le retour d'un soldat japonais vers le village de sa fiancée avec laquelle il va se marier. Mais ce retour va être plein d'aléas et de rencontres très émouvantes.

Au final un très beau récit, assez poignant qui nous fait rencontrer de bien belles personnes. La bataille qu'a vécue le héros est évoquée avec pudeur mais on en perçoit l'horreur et l'absurdité.

Saule - Bruxelles - 59 ans - 19 février 2017


Après la guerre 8 étoiles

Hisao Kikuchi est un survivant de la bataille de Peleliu. Vivant mais hanté par ses souvenirs, par la perte de l'ami qui lui avait permis de survivre au fond de ses galeries, enfermés sans jamais voir le jour, dans une poussière et un bruit permanents.
Survivant mais victime d'une étrange maladie, qui lui fait perdre la raison quand il a soif.
"Pour la première fois depuis qu'il avait vu s'éloigner le train avec sa valise, il ressentit un désespoir qu'aucune petite lumière ne venait éclairer,même toute faible, même au loin, à l'autre bout du monde. Ce désespoir-là était sans début, sans fin, c'était un désespoir plus grand que tous ceux qu'il avait ressentis depuis qu'il avait quitté la maison de Mme Taïmaki."

La guerre est terminée ; il veut aller épouser Shigeko mais la soif le fait descendre du train qui repart avec sa valise où se trouvait son trésor, un œuf de jade.
Pour Hisao, c'est le début d'une longue quête : celle de l'oeuf de jade qui lui permettra d'épouser Shigeko mais aussi quête d'un oubli, qui lui permettrait de vivre, de se tourner vers l'avenir.

On retrouve les thèmes de la solitude, de la guerre, des souvenirs, de l'absurdité mais aussi de l'empathie, de l'amitié qui m'avaient déjà émue dans "Un repas en hiver".
L'auteur parvient à bouleverser le lecteur devant la solitude de l'ancien soldat avec son style épuré si particulier.

Marvic - Normandie - 66 ans - 17 février 2017


L'espoir malgré tout... 10 étoiles

Il y a tant d'humanité dans les livres de Hubert Mingarelli que la lecture en est parfois éprouvante. Mais en même temps quelle richesse ! La souffrance et le mental des personnages sont au coeur d'une introspection telle qu'il est difficile de ne pas y adhérer avec une profonde compassion. Mais sans plaintes ni démonstration émotionnelle. On est avec les personnages, on ressent leurs douleurs, leurs sentiments, leur difficultés à vivre, à survivre, à lutter, et on continue avec eux .
Ici, dans ce roman aux allures de parcours initiatique où néanmoins la réalité cruelle porteuse de souffrance, de questionnements permanents , nous force à continuer la lecture ne serait-ce que pour trouver une fin qui soit fusionnelle avec celle que l'auteur nous proposera, en espérant qu'elle soit rassurante... Ici donc, le personnage principal Hisao, cet homme à la soif inextinguible, effectue un retour vers ce qui pourra être pour lui peut-être un espoir de vie; car ce qu'il a vécu est l'horreur absolue, une horreur à l'origine de cette soif qui le poursuit, avec ses camarades soldats , en l'attente d'une attaque des étrangers qui arrivent pour les bombarder ; ils doivent creuser dans des galeries souterraines sous les montagnes , pendant des jours et des jours, comme des rongeurs mais à la pelle et pioches, afin de parvenir à un canon, en même temps porte de sortie vers le jour ou la destruction...

"Hisao Kiluchi ne supportait plus la soif. Son corps, son esprit, tout en lui désormais la craignait. A tout moment, elle prenait forme, elle était vivante. Elle était son ombre. La nuit, il voulait se lever et aller boire dans la cour, au filet d'eau qui tombait dans le tonneau. Mais comme c'était une ombre d'une grande force physique, elle l'empêchait de bouger. Elle restait assise sur lui. Alors il buvait en rêve, mais pour son malheur, c'est l'ombre qu'il abreuvait, et ainsi elle se renforçait, et jusqu'au matin appuyait sur lui comme un arbre mort. Hisao pleurait, criait, gémissait, en silence, comme dans les rêves. mais ses larmes étaient bien réelles. Il croyait voir des tourbillons de poussière jaune, et entendre la montagne se soulever, alors que tout n'était que silence et obscurité autour de lui. Pendant ces nuits pleines de fureur, seules ses larmes étaient réelles.
Chaque nuit ainsi il recommençait la bataille de Peleliu"

Au cours de cette épreuve l'amitié entre Takeshi et lui est d'une douceur et d'une tendresse infinie. Deux hommes perdus qui se réconfortent mutuellement, par des chansons, celles de Takeshi au don d'improvisation infini, et les lettres que Hisao a reçues de Shigeko la fiancée qu'il doit retrouver après la guerre.
Tout au long du parcours du retour après la fin de cette guerre, le pays étant néanmoins occupé par les étrangers , les souvenirs remontent provoquant ce désir de soif et les cauchemars ; il repense avec douleur à Takeshi qui est resté sous la montagne dont lui est parvenu à en sortir par miracle. Il fera des rencontres, où là encore l'amitié comme la peur se heurteront à son désarroi, à la poursuite de sa valise qu'il a oubliée dans le train lors d'un arrêt pour épancher une soif incontrôlable.
Et c'est bien là que le parcours initiatique s'inscrit, dans cette valise qui va peut-être lui échapper avec tout l'espoir qu'elle comporte ; encore des combats avec les faux amis, courir, encore courir, essayer de pardonner ou de comprendre l'ennemi, aller jusqu'au bout pour la récupérer , rencontrant également la souffrance des autres, celle qui lui permettra peut-être de laisser un jour partir la sienne...

Comment ne pas être touché par la grâce de l'écriture, la force, l'humanité que l'on trouve dans les livres d'Hubert Mingarelli ; où, tout au moins en ce qui concerne ceux que j'ai lu, les guerres détruisent les hommes souvent bien au delà des combats, qu'ils soient de n'importe quel côté, victimes de ces grands conflits qu'ils n'ont jamais décidés ; malheureux pions au cœur de ces folies meurtrières...

Pieronnelle - Dans le nord et le sud...Belgique/France - 77 ans - 14 février 2017


Sortir du ventre de la montagne 9 étoiles

L'homme qui avait soif est ma troisième incursion dans les livres d'H. Mingarelli, après Un repas en hiver et L'incendie (co-écrit avec A. Choplin, un auteur que j'apprécie beaucoup par ailleurs). Au départ, je me disais que "la spécialité" de Mingarelli était d'écrire "sur des histoires qui se passent pendant ou après guerre". Avec ce troisième livre, je me dis que je me plantais en partie. Parce que cet auteur nous parle surtout des hommes. Pas des grands hommes qui font l'histoire avec un grand H, plutôt l'histoire d'un ou quelques hommes qui la subissent, et qui doivent essayer de vivre avec. Et Mingarelli excelle dans l'exploration de ces portraits d'hommes, intimes et pudiques, portant en eux leurs souffrances, leurs paradoxes, et un attachement à la vie.
La guerre, Hisao n'en a pas vu grand chose, essentiellement le ventre de la montagne de l'île de Peleliu, dans l'archipel du Pacifique. Au cours de cette bataille, nous informe Wikipédia, 97% des défenseurs japonais sont morts. Aujourd'hui, Hisao est démobilisé. De l'armée bien sûr, mais aussi de sa vie. Il faut bien continuer, aller de l'avant, dans un train par exemple, pour rejoindre une île sur laquelle une femme qu'il n'a et qui ne l'a jamais vu l'attend pour l'épouser, et lui offrir l'œuf de jade qu'il lui réserve en cadeau. Mais dans sa tête, dans son âme, Hisao a bien du mal à sortir de cette montagne, qui se rappelle à lui toutes les nuits dans d'affreux cauchemars.
C'est avec un talent consommé qu'H. Mingarelli nous parle d'Hisao, de son compagnon d'armes (voire d'âme) Takeshi, dont le fantôme hante l'ex-militaire, de Keisuke, une rencontre de hasard, et de quelques autres, dont Shigeko, un mirage de femme, une réponse de vie au vécu mortifère de notre jeune héros. L'histoire de cet Homme qui avait soif est éprouvante, émotionnellement parlant, et c'est un très beau livre que je vous conseille de découvrir sans modération !

Ellane92 - Boulogne-Billancourt - 49 ans - 3 février 2017


La soif de vivre 7 étoiles

Court mais beau roman, dont il faut souligner la maîtrise, l’Homme qui avait soif concentre avec sobriété et poésie la question du bonheur, à travers le périple d’Hisao et son horizon : la jeune femme qu’il va épouser. En arrière-plan, les traumatismes causés par la guerre et un pays sous occupation construisent une ambiance mélancolique et désabusée. Comme souvent, c'est la trajet d'Hisao, plus que l'objet de la quête lui-même (la valise et l’œuf de jade destiné à sa promise) qui est l'enjeu du récit: nourri par les rencontres qu'il va faire tout le long de son chemin, Hisao, le vétéran brisé par sa participation à la bataille de Peleliu, va se reconstruire petit-à-petit, exorciser ses peurs et ses cauchemars. L’obsession de la soif qui tenaille Hisao serait-elle donc aussi la métaphore tout ce qui peut abreuver notre cœur et nous rendre heureux : un repas partagé, la paix, l’amitié, et l’amour ?

Fanou03 - * - 49 ans - 2 février 2017


Voyage intérieur 8 étoiles

J'évite habituellement les livres très courts. J'ai l'impression qu'il n'y a pas assez d'espace pour installer un cadre et apporter de la profondeur. Et pourtant ce récit du voyage d'Hisao, un homme simple abîmé par la guerre, recèle une grande force. Celle des tragédies humaines, des âmes perdues. A la limite de la folie et avec ses faibles moyens, Hisao essaie d'avancer, de reprendre sa vie en main. Il tente de rejoindre la femme qu'il doit épouser.

J'ai aimé la construction du récit, qui révèle progressivement ce qui a mené Hisao dans cette situation absurde, celle de laisser partir son train pour ne pas perdre une goutte de la rosée récupérée dans ses mains. J'ai également aimé cette ambiance d'après-guerre où les destins se heurtent sans s'épouser. Le style est épuré et dur. Un livre poignant.

Elko - Niort - 48 ans - 13 janvier 2017


Un très bon moment 9 étoiles

J'ai été enchantée de retrouver le style d'Hubert Mingarelli que j'avais beaucoup apprécié dans "Un repas en hiver".
Dans le premier on abordait la réaction de certaines personnes en cas de guerre, Ici aussi on découvre les séquelles d'Hisao mais après guerre.
Même si les situations et les cultures sont totalement différentes, on arrive vraiment à comprendre le sentiment des protagonistes ; c'est écrit à chaque fois d'une manière très pudique mais qui reconstitue très bien l'ensemble des scènes, que ce soit celles d'Hisao essayant de retrouver sa valise ou les périodes où il se souvient.
C'est vrai que, comme le dit Oscarwy le livre n'est pas très long, mais je pense que ce n'était pas dans l'intérêt de l'histoire de broder pour faire des pages et pour moi les chapitres courts donnent une certaine dynamique à ce roman.

LesieG - CANTARON - 58 ans - 7 janvier 2017


LA MONTAGNE QUI ACCOUCHE D'UNE SOURIS 5 étoiles

Ce roman m'a très peu emballé, d'ailleurs il s agirait presque d'une novella, car 154 pages en gros caractères avec beaucoup de blanc , cela fait bien peu!
Le sujet est lui aussi très mince , entre l'enfermement dans la montagne du protagoniste ( Hisao) où il perd son ami, et son voyage erratique à la poursuite du train dans lequel il a égaré sa valise à cause d'une crise de potomanie qui l'a obligé à s'absenter un instant ( peu réaliste)
la quête de cette valise qu'il finira par retrouver est assez vaine , d'ailleurs in fine il ne l'ouvre même pas, pour savoir si le fameux oeuf de jade se trouve encore à l intérieur! (hilarant ! )
Donc au final un récit sans intensité , un style simple sans fioriture assez dépouillé ,un roman très peu japonais en somme , ce qui peut surprendre le lecteur non averti , mis à part les noms des personnages et des villes ( qui eux sont japonais !) et la référence à la bataille sur la petite ile de Peleliu entre les forces américaines et les soldats japonnais
tout cela me donne surtout envie de lire un vrai roman Japonais , peut être Kenzaburo OE, ou Philippe Forest "retour à Tokio" ou encore Thomas B Reverdy ' les évaporés"

OSCARWY - - 68 ans - 12 mai 2015