Un singulier regard de Fernando Pessoa
(Escritos autobiográficos, automáticos e de reflexão pessoal)
Catégorie(s) : Littérature => Européenne non-francophone , Littérature => Divers , Littérature => Biographies, chroniques et correspondances
Visites : 4 613
Tu étais beaucoup d'autres, tu étais tous les autres - et n'étais jamais personne
Pessoa est multiple. Sa multiplicité s'est épanouie avec la création de doubles littéraires. Sa multiplicité a aussi été couchée sur papier, dans les journaux qu'il a tenus. Ce sont ces journaux qui ont été traduits et dont certains extraits sont rassemblés dans ce livre, regroupés par thème ou par période d'écriture, et publiés. Qu'on ne s'attende donc pas à l'exhaustivité: des parcelles ont été ôtées, auxquelles s'ajoutent les blancs laissés par Pessoa lui-même, lorsque le mot ou l'idée fuyait sa pensée.
Que tirer de ce volume de réflexions, autobiographiques parfois, intenses souvent? Déjà, banalement, que selon les âges, Pessoa change. De l'adolescence à la maturité, si des thèmes parallèles sont ressassés, les réflexions qu'il mène à leur sujet muent. Gagnent en acuité. Ensuite que Pessoa a passé beaucoup de temps à se regarder le nombril (mais pas que, il y a aussi des réflexions sur la quête du bonheur, la création littéraire, le rapport au monde!). Si profondément qu'il tombe parfois dedans et part dans de longs voyages intérieurs, riches, denses, perturbants, à la recherche de tous ceux qui l'habitent. Enfin que son génie l'amenait aussi sur des pentes louches, que ce soit lorsqu'il se prend pour un médium ou lorsqu'il vise le prolétariat. Cette hétérogénéité ne dessert pas le livre: au lecteur est en permanence rappelé qu'il est livré à une pensée libre, jeté au milieu d'elle, sommé de s'enfoncer avec Pessoa dans son marécage interne.
Par ailleurs, pour mieux cerner l'homme, ou du moins cerner son incernabilité, sont ajoutés des témoignages de personnes qui l'ont côtoyé ou des lettres qu'il a envoyées. A ce sujet, un fait expressif: à 19 ans, il a envoyé sous un faux nom des lettres à des connaissances de son lycée (archiviste, professeur, ami) dans lesquelles il prétend Pessoa mort ou malade, afin de recueillir les impressions et la perception qu'en ont eu ces destinataires.
Il résulte de cet ensemble un ouvrage qui m'a fait naviguer au gré de sensations contradictoires. La pensée ébauchée à l'adolescence gagne en puissance mais se perd parfois en route, quoiqu'elle soulève souvent de belles fulgurances. Surtout, je me demande si il s'agit d'un choix judicieux de commencer ici, à travers ce livre, la lecture de Pessoa. L'homme en est éclairé, mais comme il s'agit d'un "miroir éclaté" il réverbère de la lumière partout et j'en ai été un peu désarçonnée.
"Je m'arrête parfois au bord de moi-même, et me demande si je suis fou, ou bien un mystère très mystérieux."
Les éditions
-
Un singulier regard [Texte imprimé] Fernando Pessoa textes traduits du portugais, préfacés et annotés par Françoise Laye
de Pessoa, Fernando Laye, Françoise (Editeur scientifique)
Christian Bourgois / Titres (Paris)
ISBN : 9782267019117 ; 8,10 € ; 19/04/2007 ; 238 p. ; Poche
Les livres liés
Pas de série ou de livres liés. Enregistrez-vous pour créer ou modifier une série
Forums: Un singulier regard
Il n'y a pas encore de discussion autour de "Un singulier regard".