D'air pur et d'eau fraîche
de Pero

critiqué par Shelton, le 5 juillet 2014
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
A lire, et pourtant, pas de texte !!!
J’ai découvert un jour Pero par hasard, alors que je préparais un petit salon de la bande dessinée au milieu des vignes de Rully, escapade en bulles. Si cette manifestation n’eut pas de lendemain – ce fut comme un one shot de qualité – Pero est devenu non pas un ami mais une relation régulière. Tous les ans, lors du festival international de la bande dessinée d’Angoulême, nous prenons le temps de nous parler, j’ai suivi ses travaux et cette année j’ai été séduit par sa nouvelle bande dessinée, D’air pur et d’eau fraîche, aux éditions La boîte à bulles.

Tout d’abord, la séduction fut pour cette histoire sans texte car, ceux qui me suivent depuis longtemps le savent, j’adore ces bandes dessinées minimalistes quant au texte : en effet, pourquoi écrire si le dessin dit tout ? Pour préciser, pour que l’on soit sûr et certain de ce que l’auteur veut dire ? Mais, moi, je ne déteste pas une petite part d’incertitude, un doute planant au-dessus de nous, un sens probable mais non certain… De plus, cela pousse l’auteur à dessiner pour raconter, une façon d’aborder la ligne claire d’Hergé en pratique et non en théorie : dessiner tout ce qui est indispensable au lecteur pour comprendre l’histoire !

Mais j’ai aussi été séduit par cette bande dessinée parce qu’elle est une mise à jour, une redécouverte, une revisite du western. Oui, je le concède sans peine, j’ai toujours aimé le genre western : nature, grands espaces, violence de la nature et violence de l’être humain qui tente de survivre, animaux, fleuves, et, malgré tout cela, des traces d’humanisme puisque certains vont toujours tenter de montrer que le bien peut aussi exister au milieu de cet univers impitoyable ! Le bien, un concept au cœur de ces westerns, qu’il faut découvrir, comprendre et qui parfois connait des distorsions spectaculaires tant il n’est pas partagé de façon unanime et uniforme…

L’histoire de cet album sans texte est à la fois simple et complexe. C’est la vie dans un univers de grands espaces, rude, violente, aux limites de la survie permanente. Un homme est là avec sa femme et son enfant. La maison rustique, les activités liées aux bois, à la chasse… On voit se mettre en place une relation de violence entre le père et l’enfant et je n’ai pas envie de vous en dire plus car une fois dans le rythme du récit, vous irez jusqu’au bout sans faire de pause…

Il y a dans ce récit comme une philosophie de la vie, assez fataliste d’ailleurs, que l’on avait déjà trouvée dans un ouvrage précédent que Pero avait réalisé avec Rémy Benjamin. C’est un peu comme si l’histoire s’inscrivait dans un cycle sans fin, dans une répétition absolue comme si causes et effets étaient liés pour toujours sans possibilité de sortir, de s’échapper… Pourtant cette histoire de trappeur ne semble avoir aucun point commun avec les croisés d’Un jour sans !

Pour moi c’est donc une très bonne bande dessinée, un gros coup de cœur et la preuve que Pero est devenu un auteur mature, expérimenté et de qualité. Pourtant, j’ai le sentiment qu’il n’est pas encore assez connu, que sa notoriété n’est pas encore à la hauteur de son talent… Alors, faites un effort, laissez-vous tenter et vous comprendrez pourquoi je ne perds pas le contact avec cet auteur qui promet beaucoup !