L'assassinat d'Hicabi Bey
de Alper Canigüz

critiqué par JulesRomans, le 28 juillet 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Otto ment à l’étranger Alper Kamu
"L’assassinat d’Hicabi Bey" a pour héros Alper Kamu, un enfant surdoué de cinq ans. Cet enfant turc vit à Istanbul et s’il ne connaît pas son presque homonyme Albert Camus, par contre il a une certaine habitude de lire Nietzsche, Dostoïeveski et Oguz Atag. En arrivant à la page 17 ceux qui croient aux vertus du déchiffrage seront déçus, Alper Kamu ne pratique cette laborieuse technique de lecture mais reconnaît les mots globalement.

L’ouvrage est sorti initialement en Turquie en 2004 et l’action démarre avec les malheurs du jeune héros (qui est aussi le narrateur) à l’école maternelle. Finalement son père comprend rapidement que la perspective de changer Alper Kamu d’école ne sera pas bénéfique, aussi ce dernier est rapidement déscolarisé.

Un soir, alors que du premier étage sortent des bruits d’un téléviseur retransmettant un match de football, Alper Kamu est devant le rez-de-chaussée de la maison correspondante. Il aperçoit une longue silhouette élancée dans ce bâtiment (page 35). Peu de temps après le propriétaire de cette maison Hicabi Bey policier à la retraite est retrouvé égorgé aux côtés d’Ertan le Timbré, un homme qui n’a pas sa raison.

Contrairement à la police Alper Kamu est persuadé qu’Ertan n’est pas l’assassin. Bien entendu le narrateur découvrira l’assassin ; toutefois il n’avait pas la moindre idée (jusqu’à très tardivement dans le récit) de l’existence même du personnage qui commet l’assassinat. De plus les perversions sexuelles du policier tué n’appartenaient pas à l’imaginaire d’un enfant. Inutile de dire que l’ouvrage est réservé à un lectorat de lycéens et d’adultes pour ces mentions-là. On apprendra de plus que les boulangers peuvent être des artistes qui se lancent sur des pentes savonnées.

Ce roman permet d’approcher non seulement les univers de divers types de fonctionnaires turcs mais aussi certains aspects de l’imaginaire ottoman. Il est porté par une forte dose d’humour qui puise en partie sa source dans les raisonnements ultra sophistiqués menés par un enfant dont les intérêts alternent entre ceux d’enfants de son âge et ceux d’adultes cultivés.
Iconoclaste, hilarant et désabusé 8 étoiles

Alper Kamu est un jeune garçon de 5 ans, à l'intelligence hors normes et à la vision du monde aussi iconoclaste que désabusée et hilarante. Il mène une petite vie dont la platitude le porte au bord de la dépression, jusqu'au jour où l'un de ses voisins – le Hicabi Bey du titre – se fait assassiner. Il décide alors d'enquêter, armé de son pistolet en plastique (NB: celui de la couverture très réussie). De désillusions amoureuses en expériences psychotropes, le gamin sillonne une Istanbul peuplées de figures tantôt médiocres tantôt cocasses, en gratifiant le lecteur de sentences arrogantes où le désopilant se mêle au clairvoyant.
J'ai ri sans relâche jusqu'aux deux tiers du livre et si la résolution de l'intrigue a quelque chose de convenu, si la reformation rassurante de la cellule familiale ne manque pas de décevoir après les moqueries bien senties du gamin envers l'institution, le livre vaut vraiment le détour pour ses deux cents premières pages.

Reginalda - lyon - 57 ans - 18 septembre 2014