Voilà le genre de texte que l’on aime lire, un texte qui vient du cœur, quasiment sans passer par la case neurones. Bien sûr, Mordillat a travaillé sa prose pour arriver à ce résultat mais cela ne se sent pas. Evidemment, il a fallu du jus de cerveau pour faire ressentir, ressortir une atmosphère disparue, envolée, confinée aux livres d’histoire, celle d’un Paris populaire et populeux, un Paris à la Audiard, à la Antoine Blondin, un XXème arrondissement que l’on retrouve également sous la plume de Daniel Pennac, un Paris qui ne ressemble pas aux cauchemars de Jean-Pierre Pernault, une sorte de village au sein de la capitale.
Bref, un Paris de gouaille et d’argot, de l’école républicaine et des coups de règle sur les doigts, de classes non mixtes, de toilettes sur le palier, d’un communisme puissant, et d’émois pré pubères audacieux, chaque baiser étant le fruit de longues réflexions stratégiques ou de gifles retentissantes. Les nombreux cinémas du coin ont vu passer plus d’amoureux que de cinéphiles…
Vivant, spontané, plein de fraîcheur et de tendresse, ce roman biographique ne donne jamais dans la vulgarité ou la lourdeur. Et puis, pour moi qui parfois lis un crayon à la main pour noter les phrases intéressantes, j’aurais pu me retrouver à copier pratiquement tout le livre. A chaque page sa trouvaille, ou presque :
« Si je suis venu au monde les pieds devant, j’espère en partir la tête la première ».
« Au fond, je ne suis d’aucun pays, sauf de celui qui s’écrit ».
« Elevé sous le drapeau rouge, j’ai toujours vu mon père en bleu ».
« Les enfants trahissent toujours les rêves de leurs parents. »
Je peux continuer longtemps comme ça. Plus qu’une biographie, un manuel de savoir-être.
Numanuma - Tours - 52 ans - 28 avril 2015 |