Passé imparfait de Julian Fellowes

Passé imparfait de Julian Fellowes
(Past Imperfect)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Alud, le 8 juillet 2014 (Inscrite le 19 janvier 2009, 48 ans)
La note : 9 étoiles
Moyenne des notes : 9 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 7 étoiles (2 761ème position).
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A la recherche du temps perdu

Le narrateur du roman de Julian Fellowes (qui ressemble à s'y méprendre à l'auteur) reçoit une lettre d'un ancien condisciple qu'il n'a pas vu depuis plus de quarante ans. Leur dernière rencontre, mystérieusement, semble avoir interdit tout lien entre eux. Damian était un jeune homme venu de nulle part, brillant et ambitieux dont le seul but était de pénétrer le cercle très fermé de la gentry. Aujourd'hui, malade, il lui demande, après avoir reçu une lettre anonyme lui révélant qu'il est père d'un enfant, de chercher cet enfant qu'il aurait eu d'une de ses nombreuses liaisons de jeunesse, pour lui léguer son immense fortune. Le narrateur va donc retrouver une à une ces femmes qui furent des "débutantes" de l'aristocratie britannique dans les années 60/70.

Le roman est un récit classique en littérature de l'arriviste qui veut intégrer une classe auquel il n'appartient pas (Rastignac, Julien Sorel). C'est par la séduction un peu cynique des filles, surveillées par des mères corsetées et attentives au moindre faux pas, qu'il va tenter d'y parvenir. C'est un roman qui révèle le mur des codes implicites mis en place dans une classe sociale, plus cette classe est "élevée" plus ses codes sont obscurs et cryptés pour celui qui cherche à s'y introduire.

Impossible, également, de ne pas penser à Proust dans leur démarche commune de décrire un monde d'hier confronté à une rupture sociale, chez Proust, l'affaire Dreyfus et la guerre 14, chez Fellowes, le choc des années du "swinging london" qui bouleversèrent l'Angleterre des années 60.

Le roman alterne en miroir le récit de ces années et ce que les personnages sont devenus aujourd'hui

Fellowes est expert, comme dans "Gosford park" ou "Downton abbey" dont il est le scénariste, à traquer les ridicules de la gentry sans se départir d'une tendresse pour ce milieu dont il est issu et qui peine à s'adapter à la modernité. C'est la grande force du roman, montrer cette société refermée sur elle même dont les membres se cooptent et mettent plus haut que tout le nom et l'origine. Il est sans complaisance (le narrateur ne s'épargne pas!), sévère, ironique mais un peu nostalgique de ce monde perdu dont les valeurs semblent être supplantées par la vulgarité de l'argent, la perte des "manières" et l'abandon d'une forme de morale.

J'ai beaucoup aimé ce roman qui me semble assez universel. Le clivage des codes est sans doute le fondement d'une société de classe et son mécanisme semble perdurer dans les sociétés contemporaines (il suffit d'avoir lu "La violence des riches" des Pinçon Charlot!). Plus que l'argent, c'est une forme de culture infuse qui fait la différence et garde l'individu au sein de sa propre classe. Le récit est mené comme une enquête. La recherche de cet enfant, de sa mère mais aussi de ce qui s'est dénoué au Portugal tiennent l’intérêt du lecteur. Les analyses de l'évolution de la société anglaise sont pertinentes, les anecdotes souvent très drôles (un bal où des gâteaux fourrés au cannabis sont servis, malencontreusement, en dessert par exemple!) et les personnages émouvants. Fellowes a le goût du détail, il décrit l'importance d'avoir un chapeau usé à Ascot, la blancheur des robes des débutantes, les manoirs dans lesquels les tableaux d'ancêtres valent mieux que le confort.

Un roman, extrêmement britannique par son sujet, par son ton entre ironie et tendresse, par sa légère mélancolie... donc.... un excellent roman.

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Queue de pie et robe d'apparat.

9 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 21 janvier 2018

Angleterre, 1968. La saison de bals des débutantes commence au printemps. Les jeunes filles titrées se présentent au « monde » accompagnés des cavaliers. Les cavaliers sont en général des prétendants de la même classe sociale mais comme la noblesse s’étiole on y accepte aussi des jeunes gens riches. Parmi eux le narrateur, un jeune homme discret qui présente un ami élégant, sûr de lui qui se faufile dans cet univers qui n’est pas le sien. Il est la mascotte de ces demoiselles qui lui réservent un accueil charmé. Il se nomme Damian et peu à peu son véritable personnage fera apparaître un électron libre, peu soucieux de l’élégance et dont le véritable objectif reste obscur. Ce qui est certain c’est qu’il ravage les coeurs et provoque autour de sa personne des remous.

1968 est une année charnière. La classe aristocratique anglaise sait depuis longtemps que tout est dans l’apparence. Pour entretenir les immenses bâtisses de leur domaine il faut des terres, beaucoup de terres, beaucoup de travailleurs aussi qui se tuent au labeur, de valets dévoués, discrets et corvéables. Le monde bouge, la classe nobiliaire s’étouffe, les caisses se vident et les mentalités changent. Les châteaux se déglinguent, les propriétés se morcellent, les nouveaux riches arrivent avec leurs règles mais surtout avec l’argent.
« La saison des bals » risque donc d’être une des dernières et les protagonistes, sans en être vraiment conscients, sentent bien que quelque chose se prépare.

Qu’en penser ?
Malgré les avertissements d’amis lecteurs (et surtout lectrices) j’ai persisté dans cette lecture ardue et le résultat est assez étonnant. La fin justifie les moyens et j’en tire un bilan très positif. Une histoire fantastique, hors du temps, hors de la normalité aussi mais… excellente.
Je ne peux m’empêcher de citer un passage qui mérite de figurer dans un rêve délicat.
«  Elle se rapprocha de moi, sa bouche rejoignit la mienne, et nous nous sommes mis alors à faire ce qu’il est convenu d’appeler l’amour. Souvent, dans mon existence, « faire l’amour » n’a pas été la bonne expression pour décrire l’activité qu’elle désigne. Mais là, cette expression prenait une clarté d’évangile. Là dans ce lit, ce matin-là, nous avons véritablement fait l’amour. L’amour le plus pur. Et la passion n’était en rien diminuée par le fait que la femme qui était dans mes bras n’était plus la svelte jeune fille que j’avais tant désirée mais une mère de famille d’une cinquantaine d’années ».

Oui j’ai beaucoup aimé Passé Imparfait de Julian Fellowes.

Flash back dans l'Angleterre des années 60

8 étoiles

Critique de Bebern (, Inscrite le 20 juin 2016, 65 ans) - 4 septembre 2016

L'auteur nous entraîne dans un monde en train de disparaître : l'Angleterre et ses castes où l'on vit "entre soi".

Parfaitement bien décrite, l'évolution de la société et ses conséquences pour les "riches et les pauvres" nous tient en haleine ...

Une plongée dans la Gentry !

10 étoiles

Critique de DE GOUGE (Nantes, Inscrite le 30 septembre 2011, 68 ans) - 26 septembre 2015

Un livre étonnant qui nous ouvre les portes d'un monde suranné, codifié à l’extrême, dont les membres épousent les règles, même ceux qui sont conscients de son étroitesse étouffante !
J'ai ressenti le récit de cet aventurier arriviste et de la recherche d'un héritier présomptif comme un prétexte à tenter de faire une analyse du mouvement d'un monde vu par un "vrai faux évadé" d'une société en déliquescence.
L'auteur regarde avec un réalisme saisissant la Gentry, des années 60 à nos jours. Le spectacle est triste : les jeunes filles, en 68, quand, en France, les codes explosent, tentent d'échapper à un milieu inexorable et échouent le plus souvent. Les jeunes hommes, plus à l'aise (?) dans un milieu, certes enfermant, mais quand même d'un abord essentiellement ouvert aux hommes, jouent dans une cour, certes limite dans la correction, mais recevable, noblesse oblige.
C'est la recherche de ses "amis d'autrefois" qui permet à l'auteur, devenu écrivain moyen- donc peu reconnu dans le répertoire acceptable de la "bonne société", qui offre un second regard sur : hier et aujourd'hui, et la chute de valeurs (?).
Une analyse sociétale, sans concession. Un livre d'un réalisme teinté d'humour so british émouvant par un regard humble et honnête de l'auteur qui manifestement, nous invite à partager son désarroi intime de membre à part entière d'une société qu'il aime, déteste, souhaite fuir et regrette !
C'est bon d'être prolo !
Une superbe découverte à faire pour tout curieux des strates qui sont trop souvent la base de notre Histoire commune !

Un très bon roman.

8 étoiles

Critique de Palmyre (, Inscrite le 15 avril 2004, 62 ans) - 26 septembre 2015

J'ai acheté le livre au vu du nom de son auteur car je suis fan de sa série télévisée "Downton Abbey". Et je ne suis pas déçue ! Quel beau roman!
Après un début un peu lent, on se prend au jeu de la recherche des personnages et le fil conducteur du livre, ce fameux dîner au Portugal, nous incite à continuer, on a vraiment envie de savoir!
Les allers et retours entre passé et présent nous ramènent à notre propre vie, à nous interroger sur nos actes passés et comment ils ont déterminé notre vie actuelle.
Un beau roman, qui ne s'oubliera pas de sitôt.

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