L'origine
de Thomas Bernhard

critiqué par Kinbote, le 8 octobre 2003
(Jumet - 65 ans)


La note:  étoiles
Un internat à Salzbourg
On sait depuis Nietzsche que le ressentiment, ce n’est pas bien. Thomas Bernhard en a fait sa marque de fabrique, son mode d’écriture. Sous sa plume qui ressasse ses exécrations jusqu'à les extraire de lui, jusqu’à l’épuisement ultime, c'en devient beau et puissant.
Thomas Bernhard est cet écrivain autrichien qui(avec Elfriede Jelinek)est passé maître dans la peinture noire de son pays, l’Autriche et plus particulièrement la région de Salzbourg (« Cette ville et moi nous formons une relation de toute la vie, une relation inséparable bien que terrible »), où il vécut sa jeunesse.
Dans ce premier volume de son autobiographie, il nous raconte ses années dans un internat de Salzbourg sous la direction d’un fasciste (Grünkranz) jusqu’à la guerre et puis sous le joug d'un catholique (Oncle Franz).

« Intellectuellement coincés entre le catholicisme et le national-socialisme nous avons grandi et nous avons finalement été broyés entre Hitler et Jésus-Christ en tant que reproductions de leurs images, faites pour abêtir le peuple... Le national-socialisme aussi bien que le catholicisme sont des maladies contagieuses, des maladies mentales et rien d’autre ».
Un exemple de son style : « La société ne songe nullement à éclairer et, dans toutes les conditions, dans tout pays et dans toute forme d’Etat, les gouvernements sont intéressés à faire en sorte que la société qu'ils gouvernent ne soit pas éclairée car s'ils éclairaient la société qu’ils gouvernent, il ne faudrait pas beaucoup de temps avant qu’ils soient anéantis par cette société qu'ils auraient éclairée. Durant des siècles, la société n'a pas été éclairée et il viendra de nombreux siècles dans lesquels la société ne sera pas éclairée parce qu'éclairer la société serait anéantir ses gouvernements. Voilà pourquoi nous avons affaire aux procréateurs non éclairés d’enfants non éclairés à perpétuité qui demeureront toujours des êtres non éclairés et seront condamnés à perpétuité à une complète ignorance. »
Seul son grand-père a droit dans ce premier volume à son indulgence , un grand-père qui le poussera à faire les études qu'il n’a pas pu faire et lui donnera le goût de l'écriture. Comme l'écrit Bernhard, « la difficulté dans ces notes et ces indications est de faire des sensations éprouvées alors et du mode de pensée d’aujourd’hui des notes et des indications qui correspondent aux faits d’alors, à son expérience d’autrefois comme pensionnaire acquise autrefois; bien qu'elles ne leur rendent vraisemblablement pas justice. En tout cas, je veux essayer. »
Pour ceux qui voudraient lire Thomas Bernhard, je leur conseillerais, outre cette autobiographie en 4 volumes, ses grands livres que sont Des arbres à abattre, Maîtres anciens, Extinction, ou Le Naufragé, dans lequel il raconte, sous forme romanesque, sa relation avec le grand pianiste Glenn Gould.
Les années d'internat et les bombes 8 étoiles

Thomas Bernhard raconte ses années d’internat à Salzbourg. Il décrit cette période de sa vie comme un véritable enfer et se juge persécuté par ses professeurs et ses camarades de lycée. Il y va d’une charge virulente envers les établissements scolaires et les institutions religieuses. Sa ville constitue pour lui un milieu de vie destructeur et il endure mille souffrances morales et physiques. Il est hanté par l’idée du suicide sans jamais passer à l’acte. Comme toujours, son grand-père constitue la seule référence acceptable et son admiration pour le vieil homme le sauve du désespoir et de la folie. Il raconte aussi les dégâts engendrés par les bombardements américains sur la ville et la terreur des habitants réfugiés dans les abris antiaériens souvent mortels en raison du manque d’air pur et de salubrité. L’adolescent se familiarise avec la mort et la souffrance des autres. Il décrit aussi les années d'après-guerre alors que la population meurt littéralement de faim dans les rues de la ville.

Un livre très dur écrit par un être aigri, habité d’une immense rancune envers ses géniteurs qui l’ont mis au monde dans cet enfer qu’est pour lui la communauté autrichienne et surtout salzbourgeoise.

Comme d’habitude, Thomas Bernhard écrit sans aucun paragraphe ni chapitre. C’est une longue plainte, un cri de souffrance qui révèle au lecteur l’âme d’un enfant sensible marqué par la bassesse humaine, la folie nationale-socialiste et la violence de la guerre.

Bon livre mais assez déprimant à la longue. J’étais un peu lassée de son apitoiement sur lui-même. Je poursuis la lecture de cet auteur cependant car je le trouve fascinant malgré tout.

Dirlandaise - Québec - 69 ans - 25 août 2012


Superbe! 9 étoiles

Un texte génial de Thomas Bernhard, l'un des meilleurs auteurs de langue allemande d'après-guerre!! A lire absolument de lui, son ultime pièce de théâtre, qui a fait scandale en 1988, Place des Héros.

Boba - - 37 ans - 22 avril 2005