Quatre femmes
de Collectif (Scénario), Wang Shuhui (Dessin)

critiqué par JulesRomans, le 1 septembre 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
La femme chinoise peut soutenir la moitié du ciel mais ne soutient pas le regard de sa belle-mère
Voici quatre récits dont les héroïnes sont toutes des femmes en but à des traditions qui les briment. Il s’agit de l’adaptation, sous forme d’histoire en images de récits qui appartiennent à la littérature de la Chine ancienne.

Nous avons un dessin par page et un texte en-dessous de 30 à 50 mots ; il n’y a pas de couleur et le style du graphisme est très réaliste, c'est celui employé couramment au XXe siècle avec un décor fouillé. Pour montrer à des jeunes (collégiens en particulier) le mode de vie dans l’Empire du milieu jusque vers 1850, cet ouvrage est fort utile ; avec des enfants du primaire on pourra choisir certaines pages et seules les aventures de l’"Histoire des femmes guerrières" permettraient d’accrocher sur tout le récit garçons et filles d’environ 8-10 ans.

Ces adaptations ont été réalisées toutes par une Chinoise (présentée dans la préface) dans les années cinquante ou au début des années soixante, ce sont des commandes aux éditions des Beaux-arts de récits édifiants afin de condamner le statut qu’avait la femme chinoise avant l’arrivée au pouvoir des communistes et valoriser les rares femmes qui, d’après certains récits traditionnels, avaient transgressé les règles qui les cantonnaient à certaines tâches et faisaient d’elles lorsqu’elles étaient mères (ou en attente de l’être) des êtres obéissants

Un des aspects que met très bien en valeur un récit est le poids de la belle-mère dans l’organisation de la vie du jeune couple qui vit la plupart sous le même toit qu’elle. Sous prétexte de respect de l’amour filial, la mère du jeune époux Jiao Zhongqing, après avoir passé son temps à contrarier l’héroïne Liu Lanzhi, parvient même à la faire répudier. Ce récit "Le paon vole au sud-est" pointe également l’importance qu’avaient les entremetteuses de mariage. Son action est situé à la fin de la dynastie des Han et il a été écrit vers 200 après Jésus-Christ, on ignore son auteur.

Avec l’"Histoire des femmes guerrières" on montre que certaines femmes d’une famille de soldats peuvent décider de combattre l’ennemi alors que ministres et généraux ont perdu toute idée d’arriver à le vaincre. Il n’est pas question ici de Mulan, sorte de Jeanne d’Arc chinoise, mais d’autres personnages. On sent bien que l’Empire du milieu est fréquemment sous le coup des invasions barbares; ici les Xia occidentaux au début du XIe siècle causent bien des soucis à la dynastie des Song du nord. D’ailleurs les successeurs de l’empereur Renzong (représenté ici) devront céder leurs territoires les plus septentrionaux aux barbares, et donneront donc naissance à la dynastie des Song du sud.

L’"Histoire de Liang et Zhou" est celle d’un amour contrarié qui se termine par un double suicide des amants faute de pouvoir se marier (vus les engagements pris avec d’autres pour eux par les parents de ceux-ci) tandis que "Le pavillon de l’Ouest" rappelle que les études ne sont pas pour les filles, à moins qu’elles ne se travestissent.

Certains aspects des valeurs traditionnelles ont plus longtemps perduré à Hong-Kong et Taiwan et d’ailleurs on perçoit quelques traits de cela dans "Le monde de Lily Wong" de Larry Feign où l’action se déroule dans l’enclave britannique juste avant sa rétrocession à la Chine (ouvrage présenté sur Critiques libres).

La préface pour "4 femmes" est de Shan Sa, écrivaine francophone d’origine chinoise. Elle est l’auteur de "La Joueuse de go" (Grasset, 2001, Prix Goncourt des lycéens en 2001), "Impératrice" (Albin Michel, 2003, Prix des Lecteurs du Livre de poche en 2005), "La Cithare nue" (Albin Michel, 2010).