Le chant du Grand Nord, tome 2 : La tempête blanche
de Nicolas Vanier

critiqué par Maya, le 11 octobre 2003
(Eghezée - 49 ans)


La note:  étoiles
Suite et fin
Ce n'est bien sûr pas la tempête de neige que craignent Ohio et Mayoké. Cet enfer de glace, ils le connaissent et l'aiment de toute leur âme. C'est une autre tempête, l'arrivée des européens, qui menacent leur vie et celle des leurs.
Dans ce deuxième tome, Ohio éclaircira le mystère de la disparition de son père mais sera durement frappé par le destin. Il n'aura plus qu'une ambition, sauver ce qui peut encore l'être de sa civilisation. C'est ce but qui lui fera poursuivre inexorablement sa route.
On retrouve avec plaisir les grands espaces, les chiens de traineau, la vie au grand air. Un petit bémol cependant, le livre tire parfois un peu en longueur. On aurait pu éviter une ou deux "courses=poursuites" qui allongent le récit sans rien apporter de déterminant.
enfin, j'en suis sorti 7 étoiles

Pas facile , de résumer un bon millier de pages en quelques lignes. Pour ne pas me répéter je vais commenter les 2 tomes ensemble.

Ohio, jeune indien des montagnes Rocheuses, fils d’un aventurier blanc , Cooper, et d’une mère indienne, est rejeté de son village et part dans un grand voyage initiatique, en quête de son identité et celle de ce père mystérieux dont sa mère attend toujours le retour même après de nombreuses années sans nouvelle.
Immense voyage au-delà de ses montagnes, par tous les temps, par toutes les saisons, avec sa meute de chiens , avec lesquels Ohio est en totale communion, comme d'ailleurs avec la nature entière, il ressent un paysage , il respecte les animaux qu’il ne tue que pour l’obligation de se nourrir. Dans chaque animal il cherche à comprendre son « umwelt » , l’environnement sensoriel , qui n’est pas un terme indien comme tous ceux dont l’ouvrage est émaillé, mais allemand ( traduction littérale : environnement) et , bien qu’ils aient été contemporains, il est fort peu probable que les indiens aient eu connaissance de Jakob Johann von Uexküll , biologiste allemand à qui on doit ce concept de Umwelt.
Le voyage est bien entendu semé d’embûches , naturelles et humaines. On retrouve l’équivalent de Matt dans L’Or sous la neige : La glace qui cède sous le poids du traineau, plongeon dans l’eau glacée, réparation des plaies et bosses avec ce qu’il a sous la main, c’est-à-dire tout : fil et aiguilles pour recoudre les plaies et onguents végétaux et animaux pour les désinfecter. D’ailleurs il a tout dans son traîneau, vêtements de rechange, tipi, outils, affaires diverses, toutes les peaux (qu’il tanne ) des animaux tués, plus toute leur viande mise en réserve, parfois un chien, ensuite parfois son amour Mayoké et son bébé. Comme ce n’est pas une semi-remorque, il doit être un peu magicien pour caser tout ça.
Il est intéressant de comprendre l’organisation sociétale des indiens, leurs coutumes, leur philosophie, la sagesse des chamans ( sauf le sien qui est pourri), la cohabitation avec les autres clans, les rivalités aussi, qui vont mettre la vie de Ohio en péril, et qui l’obligeront à tuer lui-même pour se sauver .
Est aussi présent le péril animal, avec des ours méchants, et la lutte contre les attaques de la météo.
Et l’amour est là, lui aussi évidemment, on ne peut s’empêcher de faire un parallèle entre Mayoké et Nastasia de Matt ( l’or sous la neige)
Tout cela est très prenant pendant un moment, mais les aventures se répètent à l’infini, je sais que le voyage est long ( le temps ne compte pas, on sait qu’il a mis ..longtemps) mais les pages sont longues aussi, 150 chapitres , je ne suis pas sûr qu’il soient tous utiles.
Le voyage interminable se poursuit dans le 2ème tome, dans lequel il arrive à Québec, découvre la civilisation des blancs, les ravages que leur commerce a fait dans l’économie traditionnelle des indiens.
Des Flash-back alternent, sur la vie au village pendant l’absence de Ohio. Attirés par les merveilleuses inventions ( armes, allumettes, poêles, alcool…)que les blancs proposent aux indiens contre la fourniture de fourrures, ils vont trapper au lieu de chasser en vue des provisions pour l’hiver, et la famine s’installe. Sacajawa, la mère de Ohio, prend la tête de la contestation. N’ayant toujours pas de nouvelles de Cooper, elle épouse Oujka.
Au Québec Ohio a retrouvé Cooper : il avait été empêché de revenir comme il l’avait promis à Sacajawa par une machination qui l’a cloué en Angleterre. Il a des moyens financiers inépuisables, et plutôt que faire le retour avec Ohio, veut diriger bateau et équipage pour découvrir le « passage du Nord-Ouest ». Prisonnier des glaces, il débarque, se perd et Ohio et Mayoké le retrouvent miraculeusement et invraisemblablement sur un territoire enneigé grand comme la France. Mieux que Jules Verne ! C’est ensuite le retour au village, Oujka s’efface et Cooper retrouve Sacajawa. Ouf !

Les incrédibilités ( ça se dit, ça ?) , les invraisemblances n’empêchent pas l’ouvrage d’être toutefois passionnant. La qualité de l’écriture est remarquable, la découverte de l’indianitude ( ça aussi) et les agissements mercantiles des anglais et français qui ont démoli la vie traditionnelle indigène, ne peuvent qu’amener à une lecture réfléchie. On ne peut pas l’abandonner, et pourtant après 200 ou 300 pages d’aventures incessantes (donc au milieu du livre) on résiste pour ne pas saturer.

3.5 étoiles quand même.

Krapouto - Angouleme Charente - 79 ans - 24 septembre 2014