Danseur de Colum McCann

Danseur de Colum McCann
( Dancer)

Catégorie(s) : Littérature => Anglophone

Critiqué par Jules, le 13 octobre 2003 (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans)
La note : 8 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 7 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 342ème position).
Visites : 7 091  (depuis Novembre 2007)

Des plus hautes cimes aux plus grands abîmes !

Colum McCann nous a habitués à d’excellents livres et celui-ci reste bien dans cette ligne !
Il s’agit bien d’un roman, même si le personnage central est Rudik ou Rudi Noureïev.
Nous sommes en 1945 à Oufa, un bled perdu en U.R.S.S., et le petit Rudik n’a que six ans. Déjà, il danse sur des chants folkloriques dans les hôpitaux pour les blessés qui rentrent toujours du front. Son père, un « politruk » (commissaire instructeur politique, soit mouchard), ne rentrera que bien après d'autres et sa femme Farida a bien des difficultés à nourrir la famille composée de Rudik et de sa sœur Tamara.
Pour Hamet, père de Rudik, il va de soi que celui-ci va devenir ingénieur ou médecin. Mais c'est compter sans la passion de l’enfant qui ne pense qu'à danser.
Il suit des cours, en cachette, avec une ancienne danseuse du Kirov, dont le mari est exilé à Oufa, et qui voit en lui d’énormes possibilités malgré qu'il ne soit encore qu’un garçon mal dégrossi, au corps sans grâce. Anna et Sergueï se passionnent pour Noureïev et finissent par arriver à l'envoyer à Leningrad. Là, il suivra des cours d’un plus haut niveau chez une connaissance d’Anna, Alexandre Pouchkine. C'est son père Hamet qui lui donnera ses économies pour qu’il puisse payer le train. Il a dix-huit ans.
A Leningrad, il loge chez la fille d’Anna et Sergeï, Yulia, qui est mariée à Yosif. Mais Rudik est tellement sans gêne et égocentrique que malgré tout son charme il va devoir partir loger en pension. Rebelle à toute autorité, cela se passera mal et son professeur de danse, Alexandre Pouchkine obtiendra l'accord du responsable pour le prendre chez lui. A peine arrivé, il prendra la femme de celui-ci pour maîtresse. Mais ses progrès en danse sont phénoménaux et il grimpe les échelons au point de devenir une vedette dans son pays.
Pour bien danser, il a compris qu’il devait aussi se cultiver et le fait avec acharnement : musique, peinture, littérature, il avale tout avec boulimie. Et son appétit grandit. Les grands ballets sont à Vienne, à Paris, à Londres, à New York. Et c’est la fuite, l’exil ! Sans chances de retour, car il serait, pour le moins, condamné à sept ans de camp, au pire, à être fusillé ! Toute sa famille et ses proches en souffriront et lui-même sera hanté par l’image de sa mère et par la peur d’être enlevé.
Son ascension est foudroyante et il ne fera plus que courir la planète de ballets en ballets, l’argent va s’accumuler, le luxe va l’entourer tout autant que les personnages célèbres qui tourneront autour de lui. Cela ira de Truman Capote à Grace de Monaco, de Jackie Kennedy à Mick Jagger, d’ Andy Warhol à John Lennon, de Beckett à Ted Kennedy et bien d'autres. La plupart de ses ballets, il les dansera avec sa partenaire favorite Margot Fonteyn.
Sa vie sera une course effrénée à la beauté de la danse, à l'expression fabuleuse qu'elle représente, à l’envie de toujours faire mieux. Il y a toujours moyen de faire mieux dit-il, et heureusement car le contraire, la perfection, signifierait l’immobilisme de l'art.
Mais à côté de cette passion effrénée, il en a une autre, tout aussi dévorante : les hommes et la sexualité. Avec son grand ami Victor, il s’enfonce dans les bouges les plus sordides de New York et va jusqu’à faire l’amour avec vingt ou trente hommes en une nuit dans un concours sans fin pour celui qui en aura possédé le plus !. A Paris, dans une boîte dénommée Le Trap « … Victor a vu Rudi sucer six français à la suite, ne s’arrêtant entre deux que pour un verre de vodka, et, entendant que Victor l'avait devancé de deux pipes, « Ah, la cuisine française, si tendre, si délicieuse » il est parti chercher trois autres types, les premiers qu'il trouvait, les a alignés contre le mur, « Un véritable peloton d’exécution » et s'est occupé d’eux de la même façon qu’il danse, tout d'élégance et de férocité, la renommée sexuelle égalant l'autre. »
Victor mourra du sida, Margot Fonteyn quittera la scène et Rudi dansera toujours alors que les critiques dépasseront largement les éloges, mais les ovations d’un public peu averti retentissent encore. De la même façon il se mettra à payer des jeunes hommes soixante-cinq livres pour une passe…
Colum McCann écrit superbement bien et nous fait comprendre, dans un style aérien, toute la beauté de la danse et de la rage de danser qui habite Noureïev. Il en fait de même, dans un langage précis et cru, pour la vie complètement dissolue du personnage qui était capable de passer en quelques secondes des mots les plus orduriers à une gentillesse profonde. Il était surnommé par certains «le Rimbaud russe » pour ses frasques. Je crois que Rimbaud n’a vraiment été qu’un petit enfant de chœur à côté de lui !.
Un échantillon de superbes phrases de McCann : « … Rosa-Maria, une chilienne, belle à priver l'air de ses particules d'oxygène. Mais elle n’était pas imbue de ses charmes. Elle s'arrangeait plutôt pour donner l'impression de les avoir revêtus à la dernière minute…. »
Et une femme abandonnée, qui vient de le découvrir dit : « J’ai pleuré pendant des heures. J’avais l’impression qu’il avait envoyé ma vie entière au lit sans souper. ».
Bien que très documenté sur la vie de Noureïev et se basant sur des faits réels, il n'en demeure pas moins que ce livre est un vrai roman. L’auteur fait décrire Noureïev par plusieurs personnages et le tout arrive merveilleusement bien à nous donner une image de ce qu’a pu être la vie de cet être d'exception, de ce qu'étaient son art et ses passions.

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Les éditions

  • Danseur [Texte imprimé] Colum McCann trad. de l'anglais, Irlande par Jean-Luc Piningre
    de McCann, Colum Piningre, Jean-Luc (Traducteur)
    Belfond / Littérature étrangère
    ISBN : 9782714437297 ; 19,50 € ; 21/08/2003 ; 369 p. ; Broché
  • Danseur [Texte imprimé] Colum McCann traduit de l'anglais par Jean-Luc Piningre
    de McCann, Colum Piningre, Jean-Luc (Traducteur)
    Pocket / Presses pocket (Paris)
    ISBN : 9782266153140 ; 8,10 € ; 03/01/2008 ; 415 p. ; Poche
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Les livres liés

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Rudolf, Rudik, Rudi

8 étoiles

Critique de Ardeo (Flémalle, Inscrit le 29 juin 2012, 77 ans) - 14 décembre 2020

Rudolf Noureev est un personnage connu. « Avant », je le connaissais sommairement, un peu comme tout le monde. Après la lecture de « Danseur », je me suis un peu plus intéressé à cet homme en lisant l’article qui lui est consacré sur Wikipédia et en regardant le film que Ralph Fiennes lui a consacré. Alors, j’ai vu le formidable travail de Colum McCann qui a « pris possession » de ce personnage hors normes ! Comme il est dit en ouverture du livre et comme l’auteur le répète dans ses remerciements, certains des personnages du roman sont complètement inventés alors que d’autres font partie de la petite histoire du grand danseur et pour le lecteur lambda il est impossible de faire la part des gens réels des fictifs.

« Danseur » m’a procuré énormément de sensations et de sentiments contradictoires. Parfois, j’étais subjugué par la beauté de la langue, des idées, des images, à d’autres moments, j’étais irrité, agacé par le jeu de la recherche du « qui parle » notamment dans le 2e Livre puis désarçonné par des passages d’un style d’écriture à un autre et encore admiratif devant une œuvre qui me faisait passer de la Russie soviétique des débuts de Rudik à l’envolée au sein du monde occidental qui a accueilli Rudi et enfin au lent cheminement vers la décadence du corps qui a apporté gloire, notoriété et richesse à Noureev. Extraordinaire.

Je retiens également une phrase : « L’esseulement dont nous souffrons sur terre ne sera compréhensible que lorsque nous ne serons plus seuls. »

Le destin flamboyant et tragique d’un papillon danseur

8 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 23 juillet 2010

Avant de lire ce livre (offert pour mon anniversaire), je ne savais quasiment rien de Rudolf Noureïev. Je ne le connaissais qu’à travers quelques extraits de ses chorégraphies et par son statut de dissident de l’URSS à l’époque de la guerre froide. En outre, je dois avouer que je suis plutôt profane en matière de danse classique. C’est sans doute pour cette raison que j’ai eu du mal à rentrer dans l’histoire. En effet, ce n’est qu’à partir de la 150ème page que j’ai commencé à m’intéresser à l’histoire extraordinaire de ce danseur hors du commun.

Et je ne le regrette pas, car persuadé au début que j'allais m'ennuyer, j’ai dû admettre au fil des pages le talent de l’auteur. Celui-ci a su, à la manière d’un danseur, moduler le rythme du récit en fonction du contexte, mais également raconter son histoire en alternant les points de vue, restituant habilement la psychologie des divers protagonistes. Ce que j’ai trouvé déroutant au premier abord m’est apparu ensuite comme une véritable virtuosité littéraire, car Mc Cann parvient à rester clair dans un exercice de style qui pourrait facilement tourner à la confusion chez d’autres.

Au final, cet ouvrage est une réussite, facilitée il est vrai par la personnalité fascinante de Noureïev qui semblait doté d’une énergie surnaturelle, bouffant la vie avec toutes ses dents. La plupart des situations décrites dans le livre ont été inspirées d’après des faits réels. La star avait semble-t-il pas mal de défauts ; mégalomane, capricieux, méprisant… mais on finit à la lecture du livre par comprendre que cela n’était peut-être qu’une armure lui permettant d’absorber la violence du choc des cultures soviétiques et occidentales, diamétralement opposées. Car « Rudi » avait bien sûr ses failles, ses doutes et ses douleurs, en particulier celle de n’avoir jamais pu entraîner dans son sillage de fugitif ailé ses proches, en particulier sa mère, tous retenus « prisonniers » par le régime de Moscou.

Au final, c’est un bel hommage à ce grand artiste qui a su danser suffisamment haut pour pouvoir franchir le sinistre rideau de fer d’une époque révolue, mais il s’agit aussi, plus généralement, d’une ode à la liberté, envers et contre tout.

élégance et débauche

8 étoiles

Critique de Saint Henri (, Inscrit le 19 février 2010, 50 ans) - 15 mars 2010

Même si tous les faits relatés dans ce livre ne sont pas réels, une grande partie le sont, et la plume de l' écrivain nous y amène avec une passion dévorante.
L'auteur nous emmène d' abord dans l'ancienne URSS où le personnage principal, Rodik, petit garçon audacieux et ô combien doué s' émerveille à danser pour amuser la foule mais aussi pour les blessés de la guerre. Très vite, il est repéré par une ex-danseuse qui deviendra sa seconde mère et qui fera de lui une étoile... Le livre nous emmène partout dans le monde, celui des artistes, celui des excès en tous genres, celui de la débauche mais aussi de la musique et du rêve.

un danseur certes exceptionnel mais un livre qui l'est moins

5 étoiles

Critique de Tyty2410 (paris, Inscrite le 1 août 2005, 38 ans) - 1 mai 2009

Bien que ce livre soit intéressant du point de vue de l'écriture ( notamment le fait de passer d'un narrateur à l'autre ) , et de l'aspect historique sur le régime communiste encore qu'à mon goût il ne soit pas décrit complètement je n'ai pas spécialement accroché à ce livre . La longueur , des passages qui selon moi n'avaient aucun intérêt ( surtout lorsque le narrateur était Victor )
Ce livre m'a donné un goût d'inachevé

Noureïev ou l'inaccessible étoile

10 étoiles

Critique de Sentinelle (Bruxelles, Inscrite le 6 juillet 2007, 54 ans) - 29 décembre 2007

Je viens de terminer ma première lecture de l'auteur Colum McCann Danseur, et j'ai beaucoup apprécié ce roman construit autour de Rudolf Noureïev.

L'auteur nous le présente aux travers les témoignages de nombreuses personnes très différentes les unes des autres, comme s'il fallait bien multiplier les différents points de vues pour ne fût-ce qu'essayer d'effleurer la complexité de la personnalité de Noureïev.

Cette façon de passer de la vision et du ressenti d'une personne à l'autre ne m'a jamais perturbée, que du contraire, j'aimais me fondre dans l'esprit des uns et des autres, j'avais le sentiment de mieux le frôler en passant de l'un à l'autre, d'en avoir une vue plus globale, plus ouverte sur sa personne.

Et malgré cette multiplicité des témoignages, nous avons toujours l'impression que Noureïev nous échappe encore et à jamais, et ce pour ma plus grande satisfaction mon imagination ne pouvait qu'essayer de combler les manques et les non-dits.

Pourtant, l'auteur ne nous épargne pas les côtés les plus sordides de Noureïev, sans toutefois arriver à nous en détourner.
Comme si nous comprenions tous qu'il fallait bien cette excessivité là pour combler ce gouffre sans fond que laissait le vide de son exil.

Je n'ai jamais lu de biographie de Noureïev mais je pense sans me tromper qu'aucune ne parviendra à lui donner chair comme Colum McCann.

Citations :

"La magie d'une danse, jeune homme, est quelque chose de purement accidentel. Ironie du sort, il te faudra travailler plus dur que tous les autres pour que cet accident arrive. Et, s'il arrive, tu peux être sûr que c'est la seule chose de ta vie qui ne se reproduira pas. C'est pour certains une condition malheureuse, mais pour d'autres la seule extase.
Peut-être, dans ce cas, devrais-tu oublier tout ce que je t'ai dit et ne te rappeler que ceci : la vraie beauté de l'existence est qu'elle peut, parfois, se montrer."


"Regrettez-vous quoi que ce soit, monsieur Noureïev ?
Tout compte fait, et toute parole bue, je ne changerais rien, à la fin, de ce que j'ai dit ou fait. Quand on regarde derrière soi, on se casse la gueule dans les escaliers. Voilà qui est très philosophique."

Fougue!

8 étoiles

Critique de Isabe (Montréal, Inscrite le 14 juillet 2004, 49 ans) - 30 octobre 2004

"Les plus grands artistes naissent pour enrichir l'art, pas eux."

"Si on n'essaie pas tout, la vie ne sert à rien."

Les premières pages sont superbement écrites. Nous sommes plongés dans le monde des combattants russes lors de la Seconde Guerre mondiale. Au début, on a du mal à voir le lien avec un quelconque danseur, puis on comprend...

La façon d'écrire qu'a adoptée l'auteur est très intéressante: on passe d'un narrateur à l'autre, et ce, sans se sentir embrouillé le moindrement du monde.

Et le personnage séduit par sa fougue, sa volonté (dès le début, il se fait battre par son père chaque fois que ce dernier apprend que son fils danse, ce qui ne l'empêche évidemment pas de persévérer, au contraire).

On en apprend aussi pas mal sur le régime communiste, sur le point de vue des gens qui l'ont vécu.

Bref, Danseur est un roman qui vaut la peine d'être ajouté à sa bibliothèque personnelle!

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