La Passion des nomades
de Daniel Castillo Durante

critiqué par Libris québécis, le 8 août 2014
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Les Garçons amoureux de leur mère
Daniel Castillo Durante, d’origine argentine, pénètre, comme Borges, le champ de nos spéculations sur l’être humain. Son roman s'ajoute aux maintes énigmes ontologiques inspirées de la légende d'Oedipe. Sous un éclairage freudien, l’auteur, professeur à l’université d’Ottawa, renvoie aux stéréotypes qui moulent l’être humain. En l’occurrence, le héros, abandonné de son père, rappelle celui de Sophocle dans Oedipe-Roi.

Juan Carlos Olmos, le consul argentin à Montréal, fut abattu dans son chalet des Laurentides par Ana Stein, une amante qui s’est vengée de ce voleur de rêves. À l’annonce de la nouvelle, son fils Gabriel accourt au Québec. Ce n’est pas l’amour filial qui le conduit vers son père assassiné. C’est la haine envers un homme qui l’a délaissé, lui et sa mère, pour fuir le marasme économique de son pays. Aveuglé par des sentiments contradictoires, il entreprend des recherches auprès des autorités diplomatiques et policières pour débusquer l’assassin. Les événements mettent, à son insu, la meurtrière sur son chemin. Homme vulnérable, il succombe à ses charmes au point de la marier. C’est la Jocaste de la légende, la mère d’Oedipe qui épousa son fils. Ce mariage dessert les deux protagonistes. Ana perpétue à travers le fils l’amour qu’elle portait au diplomate, et Gabriel peut se venger de son père en s’éprenant de celle qu’il a aimée.

On sent les braises qui couvent avant de consumer cette destinée impossible. Daniel Castillo Durante renoue avec la tragédie grecque en transplantant sa trame dans un contexte policier qui s’incarne dans un triangle formé par les villes de Montréal, Ottawa et Buffalo. La passion caractérise les nomades de ce roman, des êtres en transit qui cherchent une voie vers soi et autrui. Ancré dans la science des cœurs, ce roman touffu se présente sous une forme bicéphale. Derrière la narration, le journal d’Ana sert de rétroviseur pour éclairer l’amont responsable de la débâcle des âmes privées d’amour.

Malheureusement, on sent derrière la plume de l’auteur, le professeur d’université malhabile avec l’art romanesque. Ses personnages, même s’ils incarnent des modèles mythologiques, manquent de force pour nous convaincre de leur destin tragique. À cet effet, avec La Belle Bête, Marie-Claire Blais illustrait avec plus d’autorité le complexe oedipien.