Gavrilo Princip: L'homme qui changea le siècle
de Henrik Rehr

critiqué par JulesRomans, le 22 août 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Gavrilo Princip et le principe des vases communiquants
Voilà le récit de deux vies parallèles, qui n’auraient jamais dû se croiser. Contrairement à la BD "François Ferdinand La mort vous attend à Sarajevo", au lieu d’adopter le discours de la mort inévitable de l’héritier de la double-monarchie, ici le personnage assassiné semble l’avoir été par le plus grand des hasards. On a envie du coup de voir l'opinion de l'historien Gerd Krumeich qui sort justement en septembre 2014 "Le feu aux poudres: Qui a déclenché la Guerre en 1914?".

En fait il y a deux groupes et on a en fait sept conspirateurs timorés (âgés de 16 à 25 ans, la moitié d’entre eux tuberculeux) dans la capitale bosniaque chacun mais aucun n’a une véritable expérience des armes et le seul qui lance une bombe s’en débarrasse trop vite pour qu’elle explose sur la cible, elle rebondit et sort de la voiture de François-Ferdinand pour faire exploser le véhicule qui suit. On a une très bonne approche de la psychologie des personnages principaux à savoir une moitié des sept Serbes et l’archiduc.

En fait Gavrilo Princip entend jouer les justiciers et c’est l’idée qu’il va permettre la libération du joug autrichien récent (depuis 1908) qui le pousse à se surpasser. Si l’on comprend bien le message martelé, les principaux dirigeants serbes tentent d’éviter un attentat ourdi par une organisation secrète car ils craignent les réactions de leur voisin, alors que le pays sort de quasiment de deux années de guerre, d’abord contre les Turcs puis contre les Bulgares.

A contrario les autorités autrichiennes semblent complètement inconscientes des dangers que peut courir l’héritier. La lourde machine bureaucratique se paralyse d’ailleurs comme le montre très bien le scénario de François Ferdinand La mort vous attend à Sarajevo". Aucun des deux ouvrages ne le rappelle mais l’attentat contre un dirigeant politique important ou un membre d’une famille royale est quand même quelque chose qui appartient à un passé récent en allant de Sissi la femme de François-Joseph (1898) au tzar Alexandre II de Russie (1881) en passant par le président français Sadi Carnot (1894). Par contre à juste titre Henrik Rehr rappelle que Varesanin gouverneur autrichien de la Bosnie depuis 1909 s’était fait tirer dessus en juin 1910.

Le graphisme en noir et blanc est très réaliste et très fouillé, l’atmosphère de complot est bien rendu par l’illustration. La mise en page se renouvelle régulièrement, on remarque le peu de vignettes qui décrivent les actions des Autrichiens avant le jour de l’attentat et le nombre beaucoup plus important, trahissant une grande agitation, qui concerne les actions des conspirateurs toujours avant le 28 juin. Les sept pages où Gavrilo Princip tire puis se fait arrêter pendant que le couple visé succombe, se présentent sous forme de vignettes en forme de polygones aux tailles variées avec des pointes saillantes. Voilà un rendu original et efficace de la violence de la mort subie.

Il est à noter que l’ouvrage "Gavrilo Princip l’homme qui changea le siècle" a été publié de façon concomitante en danois (langue maternelle de l’auteur), français, néerlandais, allemand, coréen et anglais. Il est à noter que contrairement à ce que laisse entendre une des dernières pages, la Yougoslavie n'apparaît pas tout de suite après la fin de la guerre, est créé le 1er décembre 1918 le royaume des Serbes, Croates et Slovènes. Quitte à mettre une carte de ses frontières, autant mettre la bonne et non pas la situation dans les Balkans après 1945, l'Istrie est italienne en 1919 (ainsi que Zara) et la Roumanie est plus grande de l'ordre du cinquième entre les deux guerres par rapport à aujourd'hui, par ailleurs les frontières russes sont alors très loin.