Les faux-monnayeurs
de André Gide

critiqué par Rotko, le 28 octobre 2003
(Avrillé - 50 ans)


La note:  étoiles
L'année du bac. Itinéraires adolescents.
Bernard Profitendieu (sic) découvre un secret de famille, sa bâtardise, et se réfugie chez son ami Vincent Molinier. Les deux adolescents vont faire, en cette année du bac, des rencontres décisives. Ainsi Bernard fait la connaissance d' Edouard Molinier, oncle d'Olivier, et romancier à ses heures, qui l'embauche comme secrétaire. Olivier, furieux de voir son ami Bernard le supplanter dans le coeur de son parent, devient le secrétaire de Passavant, romancier à la mode, individu cynique et sans scrupules.
C'est l'occasion pour Gide de faire le procès des familles bien-pensantes, conformistes et étouffantes. Au cours du roman, on suit de multiples personnages dont les trajectoires se croisent, maille à l'endroit, maille à l'envers, pour constituer le tissu romanesque.
Au centre de la toile, Edouard le protagoniste essentiel, au fait de toutes les intrigues, et qui tente d'écrire un roman, appelé aussi "les faux-monnayeurs".
Le jeu de miroirs entre les personnages, et la structure d'un roman composé, disait l'auteur, comme une fugue de Bach, témoignaient pour l'époque (1925) d'une recherche originale. Les inventeurs du nouveau roman nous ont habitués depuis à ces acrobaties de la narration, où le lecteur tire ou non son épingle d'une botte de foin liée plus ou moins serrée.
Derrière ce beau travail d'artisan, Gide révélait à mots plus ou moins couverts une homosexualité qui n'était pas facilement acceptée par ses contemporains.
Qu'en penser de nos jours ? les adolescents de Gide ont mal vieilli, leurs préoccupations et leur langage sont d'une époque révolue. Quant au personnage d'Edouard, en homosexuel amoureux dont on ne saisit jamais nettement les sentiments ou les motivations, il évolue dans ce labyrinthe en se cachant derrière des glaces sans tain. Osons le dire ! Gide, dans ce roman, sent la naphtaline :-)
Perversion et affirmation des élites 7 étoiles

André Gide est à de nombreux titres l’ancêtre d’une certaine intelligentsia de gauche qui continue à tenir la vie culturelle en France malgré toutes les manchettes récentes de la presse. Ce roman est un manifeste politique, celui de la domination politique de l’élite bourgeoise parisienne. Occupée par la question de la littérature et de l’art dans la société et traversée par un profond courant iconoclaste depuis le milieu du XIXe siècle, cette bourgeoisie n’a de cesse en vérité depuis la Révolution de s’affirmer en tant que « communauté ». Tout d’abord en s’arrogeant le pouvoir économique, puis peu à peu en confisquant les postes du pouvoir politique et judiciaire. Enfin, en imposant sa singularité culturelle... c’est ainsi que cette véritable caste domine le paysage politique et culturel depuis 150 ou 200 ans. Bien entendu, cette bourgeoisie change de forme, le bourgeois cultivé, protestant, magistrat du début du XXème siècle s’est transformé en bobo mondialiste, travaillant dans la communication et nourri de culture alternative (pop art, drogue et musique branchée).
Les Faux-Monnayeurs, c’est donc avant tout, jetée à la face du reste du pays la démonstration de cette singularité où une poignée de jeunes privilégiés cosmopolites (les différents personnages voyagent aisément en Angleterre, en Pologne ou en Suisse), fréquentant les mêmes cercles littéraires (on y croise le comte de Passavant, l’auteur à la mode de la Barre fixe, le fantasque Alfred Jarry et deux ou trois autres beaux esprits) ayant les mêmes mœurs sexuelles (portés presque naturellement vers la pédérastie) vivent entre eux, affichent un mépris des conventions, veulent se singulariser parfois au mépris de la loi (ainsi de Georges et de ses jeunes camarades qui passant de la diffusion de fausse monnaie à la précipitation du drame provoquant la mort de Boris, manifestant par là un mépris de la vie proprement scandaleux). Ce sentiment d’appartenance à l’élite au lieu d’obliger ses membres comme a pu dans des temps plus anciens le faire par exemple l’aristocratie a conduit par un processus qu’il serait intéressant d’analyser, à la perversion de cette partie de la classe bourgeoise : Sans direction morale, libérée de la direction donnée par la religion, pénétrée de suffisance et de confiance en soi, cette classe bourgeoise domine le reste de la société et continue de le faire de faire de façon éhontée.

Reste le pur talent de littérateur d’André Gide qui s’affirme dans cet exercice du roman comme un des meilleurs prosateurs de la littérature moderne française. Le prix Nobel est venu récompenser un excellent styliste, notamment dans ses dialogues, maniant l’outil qui est la langue de manière exemplaire. Certes, ce style est un peu daté mais il témoigne d’une époque dont on se prend à regretter l’excellence de l’usage de la langue parmi ces élites. La domination culturelle que je mentionnais plus haut avait alors un fondement, celle d’une culture se fondant sur un apprentissage rigoureux des usages. Gide est un pur produit de cette culture de l’excellence formelle ; ce sentiment de domination est resté parmi les nouvelles élites mais elles ont malheureusement perdu ce qui faisait leur grandeur.

Vince92 - Zürich - 47 ans - 22 novembre 2016


Un mille-feuille svp. 5 étoiles

Le seul roman d’André Gide, « Les faux Monnayeurs », raconte l’histoire d’un jeune écrivain, Edouard, en train d’essayer d’écrire un roman « Les faux Monnayeurs » où le personnage principal est écrivain.
Si le livre est très bien écrit et avec beaucoup de style, j’ai quand même été tenté d’arrêter la lecture à plusieurs reprises. La variation des styles de narration, les intrigues secondaires peu palpitantes et les relations parfois douteuses de certains personnages ont fini par gâcher mon plaisir de lecture.

Kikiolf - Mulhouse - 42 ans - 11 septembre 2012


Un roman qui sait mentir 8 étoiles

Presque en 20.000 ème position, le moins que l'on puisse dire, c'est que ce roman d'André Gide - son "seul vrai" roman d'après ses dires - ne suscite pas l'engouement de ses lecteurs... Et pourtant certains critiqueurs auxquels je succède sont, d'après tout ce que j'ai lu d'eux, des gens d'excellent goût ! Personne n'aime ce livre ? Quel dommage !
C'est pour moi le meilleur de Gide, qui est un très grand écrivain que j'apprécie particulièrement. Roman-feuilleton d'une construction entrecroisée magistrale et d'une élégance rare, cet ouvrage paraît gênant pour de nombreux lecteurs, parce que les thèmes qui y sont abordés sont particulièrement subversifs. La question de l'homosexualité est épineuse, Gide s'y complait, et les lecteurs contemporains s'y confrontent sans plaisir. Bon : Gide est homosexuel, et alors ?
Le style est excellent : Gide, un peu comme Proust, est un "nouveau précieux", de ces auteurs de la toute toute fin du XIXème siècle littéraire, qui ont cette plume suave et élégante, ayant le souci des belles tournures et affectionnant les mots rares - je préfère cela à la rigide grossièreté de Céline ! Son roman se lit en quelques heures de grand plaisir : et pas besoin de sortir de normale Sup. pour le comprendre et l'apprécier, ni d'avoir une quelconque majorité "littéraire" !
Il faut, pour comprendre les faux-monnayeurs, regarder au delà de l'explicite. C'est dans le titre que tout est expliqué, depuis les machinations du pauvre Profitendieu jusqu'au jeu de miroirs que l'auteur a élégamment appelé "Mise en AbYme" : c'est un roman factice, d'une élégance quelque peu surannée, et énormément velléitaire. Ce roman réussit l'extraordinaire pari de remplir son vide par le vide : peut-être que le personnage d'Edouard est un auteur (d)écrivant des "Faux-Monnayeurs". Sont évoqués ainsi, très subversivement, mais avec élégance, les thèmes du double, du miroir et du mensonge. L'art du roman, écrit Aragon, est qu'il sait mentir. N'est-ce pas là le principe de tout art ?

Lu entre "Gatsby le Magnifique " (Scott Fiztgerald) et "La Confusion des sentiments" (Zweig).

Lisancius - Poissy - - ans - 12 juillet 2010


Un cri contre le conservatisme 6 étoiles

Gide pousse un cri de révolte contre le tabou de la filiation naturelle, de l'homosexualité et même de l'inceste. Pour cela, il transgresse à loisir, presque à outrances, surtout pour l'époque, et applique des reflets en série, comme le rappelle Pumprenelle, à partir de sa propre histoire.

Lu en 3ème en 1992, ce roman m'avait heurté, par ses provocations ostentatoires. Son style, aujourd'hui désuet, bien que non déplaisant, me semblait créer un décalage : quelque peu précieux mais vif en la forme, le roman s'avérait tonique, presque rocambolesque dans le mode narratif, malgré les passages au style indirect, notamment du fait des extraits de journal intime.
Ces impressions s'avèrent confirmées par cette relecture. Une prise de recul, du fait de l'âge j'imagine, me fait davantage apprécier cette oeuvre qui pourrait apparaître, eu égard à l'époque et toutes choses égales par ailleurs, à de l'Almodovar avant l'heure. Ce roman m'a rappelé La Mauvaise éducation, film également passablement désagréable, malgré les dénonciations justes et fortes qu'il contient.

Je déconseille cette lecture dans le secondaire, qui pourrait véritablement s'avérer rebutante, à mon sens, et je parle d'expérience, alors qu'elle ne m'avait pas été imposée.
A l'âge adulte, elle reste malaisée, bien qu'intéressante, au regard de l'histoire de la littérature et des moeurs. Il s'agit d'une oeuvre et d'un auteur qui ont marqué leur époque. Ils sont donc à connaître.

Veneziano - Paris - 46 ans - 20 juin 2010


Inconsciente et vulnérable jeunesse 7 étoiles

Début du XXème siècle. Des adolescents et jeunes bacheliers de la bourgeoisie parisienne se lancent impulsivement dans la vie et tentent de prendre leur indépendance sous la conduite et l’influence de mentors aux intentions troubles (Edouard Molinier, Passavant, Strouvilhou). Ceux-ci les payent en fausse monnaie, fausse amitié, faux amour, fausse renommée littéraire. L’occasion pour Gide de donner une vision parfois amorale de la famille, critique de la religion, complaisante de l’homosexualité.

Molinier écrivant un roman intitulé Les faux monnayeurs, c’est aussi un livre sur l’écriture, sur le roman en train de se faire, sur la difficulté de la production littéraire. Ainsi, Gide nous fait faire des aller-retour non seulement entre les protagonistes mais entre les positions de narrateur et d’auteur, se regardant écrire et nous prenant parfois à témoin, comme si il découvrait les personnages avec nous (voir par exemple le chapitre 7). Cela donne une structure narrative étrange, légèrement décalée.

Au final, c’est un livre agréable à lire, avec des personnages plein de finesse, et de très belles formules, des phrase intelligentes et profondes sur l’humanité.

Romur - Viroflay - 51 ans - 6 février 2010


Je peux comprendre 5 étoiles

En effet, je n'ai pas particulièrement aimé ce livre de Gide. J'ai, de loin, préféré " L'immoraliste", "Les caves du vatican", "L'école des femmes" et "Retour de l'URSS"

Mais, de toute façon, à part la qualité de l'écriture, j'avoue ne pas être un grand amateur de Gide. Je préfère Martin du Gard, Montherlant, Giono (surtout seconde mouture), Aragon puis, encore au-dessus, les Malraux, Céline, Camus, Yourcenar, Sartre etc. Pour faire un tour du XXieme siècle... J'allais oublier Louis Guilloux avec "Le sang noir" !

Jules - Bruxelles - 80 ans - 11 décembre 2008


premier livre que j'abandonne depuis 1 an et demi 1 étoiles

Pendant 100 pages c'est une galerie de portraits : le jeune homosexuel qui quitte sa famille quand il apprend que son père n'est pas son père; la femme enceinte mais abandonnée; le père de cet enfant qui veut l'entretenir mais perd son argent au jeu; un homme amoureux de son neveu...
Mais cette écriture me rebute et je ne pourrai pas tenir 300 pages de plus...

Manumanu55 - Bruxelles - 45 ans - 11 décembre 2008


Doux 7 étoiles

Malgré un titre rebutant, qui ne donne d'ailleurs aucune idée de ce qui nous attend, ce livre est léger et agréable.
Les personnages foisonnent et on ne perd pourtant pas de vue l'intrigue, menée avec justesse jusqu’aux dernières pages par Gide.
Mise en scène d'un morceau de vie, ce roman est ce genre d'œuvre où l'on s'associe inévitablement à l'un des acteurs.
"Ce que je veux, c’est présenter d’une part la réalité, présenter d’autre part cet effort pour la styliser." En cette phrase tout est dit, à la fois sur les aspirations de l'auteur et sur le style qu'il emploie.
A lire avec simplicité d'esprit.

Fonalire - - 35 ans - 25 avril 2007


A ne pas lire... 1 étoiles

Je viens tout juste de lire ce livre. Il se lit très vite, il est très bien ficelé, voire trop bien ficelé.
En effet, on en voit toutes les ficelles!
Ca ne me plait guère cette idée d'Andre Gide, un écrivain homosexuel écrivant un roman dont le héros, pas très original n'est-ce pas, est lui-même un écrivain homosexuel, qui lui aussi écrit un livre dont le héros est un écrivain... pfffffffff!!!!!
lassant... étouffant...
Quitte à faire ça, Gide le narcissique et l'égotiste, aurait mieux fait d'écrire une autobiographie, en employant le "je", au moins le récit aurait été direct.

Le héros est homosexuel, ok, mais pédophile aussi!! alors ça veut dire quoi tout ça?!
Gide était donc lui-même un pédophile?? et on aurait osé lui attribuer un Prix Nobel!!
Ecoeurant!
Surtout cette dernière phrase-clin d'oeil du roman, quelque chose comme "et maintenant je serais curieux de connaître le petit Caloub."
La c'en est trop! il se cherche déjà sa prochaine victime!
Et il n'y a pas que de l'homosexualité, de l'onanisme par un enfant, et de la pédophilie dans ce livre, il y a aussi de l'inceste! car Olivier est quand même le neveu d'Edouard.
Bref, tout ça c'est beaucoup trop immoral et nauséabond.

Pumprenelle - - 45 ans - 23 août 2005