Une guerre pour l'honneur: la Belgique en 14-18
de José Gotovitch, Eliane Gubin, Ginette Kurgan-Van Hentenryk, Jean Stengers

critiqué par JulesRomans, le 31 août 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Tout est perdu, fors l’honneur
La Belgique est certes au centre de l’ouvrage mais nombre d’articles sont en résonance avec la façon dont la France et l’Angleterre se préparèrent plus ou moins à entrer en conflit ou menèrent les combats contre l’Allemagne. La Belgique, à ma connaissance, eut deux très grands historiens au XXe siècle. Ce sont Henri Pirenne professeur à l’université de Gand de 1886 à 1930 (d’ailleurs captif en Allemagne de 1916 à 1918) et Jean Stengers né en 1922 et mort en 2002.

L’intérêt de l’ouvrage "Une guerre pour l’honneur" tient au fait que sont regroupées ici des productions éparses de l’auteur : communications à des colloques ou articles de revue. Éliabe Gubin dans une introduction à l’ouvrage pose en treize pages une synthèse de ce que Jean Stengers a apporté à la connaissance de la Première Guerre mondiale et de ce qui a trait dans les années qui précèdent, aux rapports conflictuels entre grandes nations entre elles et aux relations que ces dernières ont avec la Belgique.

On a dix textes différents et selon ses intérêts propres certains trouveront comme essentiel par exemple la reconstitution par l’auteur du dernier discours de Jaurès à Bruxelles en juillet 1914 (d’ailleurs très largement mis en images dans la BD " Jaurès" de Jean David Moravan, Frédérique Voulyzé et Rey Macutay sortie chez Glénat en 2014). Pour d’autres seront primordiales les questions que suscitent l’affirmation que fait Guillaume II au roi Albert en novembre 1913 d'une guerre entre la France et la Belgique devenue inévitable. Ceci avec le rappel que le kaizer avait déjà promis à Léopold II (mort en 1909) de reconstituer dans une certaine mesure une Lotharingie au profit de la Belgique, en dépouillant par exemple le reste de la Lorraine française et le département des Ardennes. On voit qu’une autre forme de la politique des pourboires était destinée à séduire les souverains d’outre-quiévrain s’ils se montraient coopérants.

Le discours tenu par André Gide et Jean Norton Cru, tous deux témoins, est éclairé dans un texte qui rappelle en particulier que le second n’a jamais connu la guerre de mouvement des premiers mois (ce qui pèse sur sa façon de percevoir certaines choses) et qui réévalue la tactique de l’offensive à outrance (dont on s'est tant moquée, rappelons-nous du "Attaquons, attaquons comme la lune") en avançant que sans cette mentalité l’armée française n’aurait pas pu lancer et réussir la contre-offensive qui débouche sur la Première bataille de la Marne et évite une occupation de Paris.

Certains lecteurs jugeront capital l’examen de la question de savoir si Albert Ier a cherché entre 1916 et le début de 1918 à négocier une paix séparée ou à lancer des ballons d’essais pour une paix de compromis entre tous les belligérants. Ceux qui essaient de comprendre, pourquoi le parti communiste belge a toujours été très faible, trouveront des éléments de réponses dans un article sur les relations entre le gouvernement belge et la Russie soviétique entre 1917 et 1924 ainsi que sur la façon dont l’opinion belge perçoit l’image de l’URSS durant ces années-là. On appréciera cette phrase pour expliquer que la très grande majorité des militants socialistes d’avant-guerre restèrent au Parti ouvrier belge :

« Quand on avait pour héros le roi Albert, on ne pouvait être tenté par Lénine » (page 177).

De tous les livres que nous avons présentés ici sur la Belgique dans la Première Guerre mondiale, "Une guerre pour l’honneur" sort de l’ordinaire par l’originalité certaine de ses angles d’attaque (sic) pour rendre compte en particulier du fait que la Belgique souffrit beaucoup plus des conséquences immédiates de la Première guerre mondiale que de celles de la Seconde guerre mondiale.