La guerre de 14 n'a pas eu lieu
de Alain Grousset

critiqué par JulesRomans, le 7 septembre 2014
(Nantes - 66 ans)


La note:  étoiles
Des murs, des murs oui mais de Rédange à Pfetterhouse
Les romans (et mêmes plus largement tous les récits) uchroniques ne sont pas légions à s’adresser aux jeunes lecteurs et c’est le seul à notre avis à partir de l’axiome que Princip ne parvenant pas à tuer l’archiduc, il n’y a pas de déclenchement des hostilités. Là-dessus nous sommes d’accord, ce qui est plus gênant c’est que cent après on explique aux pages 11 et 12 de "La guerre de 14 n’a pas eu lieu" que :

« La mobilisation de l’Allemagne et de la France, entre autres, après cet incident s’est traduite par l’envoi massif de troupes à la frontière. Et que font des armées dans l’attente d’un combat ? Eh bien, elles renforcent leurs positions. Ce fut le début de la ligne Maginot. (…) Des milliers d’hommes ont délaissé le fusil pour la pelle. (…) Et de son alter ego, la ligne Siegfried, du côté allemand ».

À mon humble avis, pour être vraiment dans le plausible, il aurait fallu partir du succès de l’attentat mais se baser sur le fait que le kaiser ait fait pression sur l’Autriche-Hongrie, après l’acceptation par la Serbie de quasiment toutes les clauses de l’ultimatum. Rappelons-nous que Guillaume II au vu de ce qu’affirme Christian Baechler (et qui est repris par d’autres) à la page 392 de "Guillaume II d’Allemagne" écrit :

« Le 28 juillet, sans doute impressionné par la nouvelle du durcissement britannique, il donne l’ordre à Jagow d’avertir Vienne qu’il estime la réponse de Belgrade satisfaisante et qu’il n’y a pas lieu d’intervenir militairement »

On pouvait même faire arrêter la machine à peine plus tard avec un message de l’Angleterre disant clairement que si elle entendait rester neutre en cas de conflit entre la France et la Russie réunies d’un côté et Allemagne et Autriche-Hongrie de l’autre, en cas de pénétration des forces allemandes en Belgique, cette perspective s’effaçait. Bref il vaut mieux faire de l’uchronie en s’assurant des bases solides de départ. Voilà le seul défaut que je trouve à cet ouvrage pour les jeunes.

Alain Grousset raisonne juste après, les deux puissances (Paris et Berlin) ayant conscience d’avoir évité la guerre, elles décident de construire un mur de fortification chacune de leur côté de la frontière terrestre franco-germanique. Ces constructions démarrent donc vers Rédange pour se terminer vers Pfetterhouse, soit au carrefour de la frontière entre le Luxembourg, la France et l'Allemagne au carrefour de la frontière entre la Suisse, la France et l'Allemagne.

Et nul doute que cette réalisation aurait reçu l’appui de larges parts de la population des deux pays. La situation est bloquée pour un siècle, mais l’Allemagne ayant évolué vers un régime militaro-industriel se trouve le pays dont les chercheurs viennent de mettre au point la bombe atomique en cette année 2014.

Il s’en suit une belle petite histoire d’espionnage, avec les services anglais qui se greffent là-dessus pour des objectifs un peu tortueux. Bref quitte à commencer dans sa jeunesse par de l’uchronie, autant le faire avec ce récit "La guerre de 14 n’a pas eu lieu" surtout si on est une jeune fille puisque Constance, qui descend d’Alsaciens ayant opté en 1871 pour la France, est l’héroïne. Comme je l’avais déjà signalé ici pour quelques autres titres, on est typiquement dans un ouvrage pour lycéens (même si ceux qui sont en dernière année de collège adhéreront) et CL ne permet pas de mettre cela en évidence par ses choix de classification.