Zonzon Pépette
de André Baillon

critiqué par Catinus, le 5 septembre 2014
(Liège - 73 ans)


La note:  étoiles
Dans les bas-fonds de Londres
André Baillon est un écrivain belge, né à Anvers en 1875 mais qui a écrit en français. Dans ce roman il nous raconte tout simplement la vie de Zonzon, prostituée française qui exerce son métier à Londres. Tout y passe : les coucheries, les braquages, les beuveries. Elle s’accoquine, tout à tour, avec toute une série d’hommes, marginaux comme elle : Valère le juste, François l’allumette, Kiki le boiteux, le gros Louis.
Retrouvons Zonzon en prison, au prise avec un médecin qui l’ausculte avant de la « sauter «, cet Anglais qu’elle pousse dans la Tamise, ses ébats avec le roi Louis qui a du mal à arriver à ses fins (sexuels), dans une foire foraine ou elle joue « la décapitée muette «, etc .... Vous assisterez, comme si vous y étiez, à une strangulation, contée dans tous ses détails.

Le langage y est franc, direct, comme un coup de poing, et souvent drôle.
Un régal pour ceux qui aiment ce genre de joyeusetés !

Extrait :

- Il s’était rappelé que, pour les refroidir, on foutait, aux prisonniers, du camphre dans la soupe. Mille dieux ! (…) Il en était venu à se dire qu’aux prêtres, aux béguines, on foutait aussi du camphre dans la soupe.
(note : le camphre est anaphrodisiaque, comme le houblon)
"C'est Zazie qui sortant du métro ferait le tapin dans les faubourgs de Londres", (Julien Doussinault, libraire de L'écume des pages ) 8 étoiles

Ce roman composé de courts chapitres vient d'être réédité chez Cambourakis et possède un certain charme. Nous suivons cette Zonzon Pépette, prostituée dans les rues de Londres au parler populaire, fleuri et franc. Certains y voient une langue proche de celle de "Zazie dans le métro" de Queneau. Il y a du vrai même si ce dernier est tout de même plus créatif et a véritablement inventé une nouvelle langue littéraire. Nous suivons donc Pépette avec ses clients, avec ses maquereaux, avec des malfrats dans des bars interlopes ... Elle ne fait pas que se prostituer, elle commet aussi des actes répréhensibles. Tout ceci est raconté avec légèreté comme dans certains vieux films en noir et blanc. il y a un certain charme désuet.

Ce roman est agréable à lire car il dépeint un univers qui ne nous est pas forcément familier avec des personnages qui ne rentrent pas dans les cases de la morale. Et cela fait du bien parfois de sortir des univers moralisateurs. L'on sourit parfois, l'on est touchés aussi par certains personnages malgré leur maladresse. Ils ont des surnoms comme dans les films de gangsters. Le personnage principal féminin déteste la concurrence, peut être un peu brutal dans ses propos et doit survivre dans la jungle londonienne, ce qui l'invite à voler ses clients après qu'ils se sont endormis ... Un sacré personnage haut en couleur !

Derrière la pauvreté et les multiples larcins des personnages principaux, le roman n'est pas plombant. Il y a une légèreté dans la narration qui permet d'aller au-delà de certaines actions condamnables. Il y a des morts aussi, pourtant les personnages ne sont pas vraiment troublés et ces épisodes deviennent presque anecdotiques. Le lecteur, lui-même, n'est pas secoué par ces épisodes car cet univers n'invite pas à se morfondre.

Je ne connaissais pas du tout cet écrivain belge qui est bien agréable à découvrir ou à redécouvrir. Ce roman se lit avec plaisir et permet de côtoyer quelques heures ces personnages effrontés.

Pucksimberg - Toulon - 44 ans - 6 août 2023