Mongo est un troll
de Philippe Squarzoni

critiqué par Blue Boy, le 24 septembre 2014
(Saint-Denis - - ans)


La note:  étoiles
En deçà de mes attentes
Dans un monde médiéval peuplé de créatures hybrides et étranges, Cameron et Duane, deux vieillards portés sur la bouteille, errent de village en village et tentent de survivre à l’hiver glacial en pillant les cimetières. Cameron, lui, prétend être à la recherche de sa mère. Mais leur route est semée d’embûches et ils ne sont jamais à l’abri d’une attaque de gobelins. Très vite, ils vont faire la connaissance de Claire Woodward, une jeune magicienne au charme vénéneux qui les accompagnera un bout de chemin, jouant à la fois le rôle d’amante et de protectrice.

Le titre à lui seul renseigne sur la bizarrerie de l’entreprise. Mongo est un troll, ok, je veux bien. Mais qui est-il donc ce Mongo, à peine évoqué au début de l’histoire et montré seulement sur trois cases à la fin ? Et pour le coup, on est vraiment dans le bizarre tout au long de cette BD… Tout d’abord, l’univers heroic-fantasy est particulièrement original, avec des créatures inspirées à la fois du Seigneur des anneaux mais également des peintures de Jérôme Bosch et de Bruegel, le tout dans un décor lugubre et hiérnal où misère, guerres et destructions font partie du quotidien. Le dessin, mi-réaliste mi-stylisé, est plus ou moins fouillé selon les passages, mais reste agréable dans l’ensemble. Pas de fioritures pour la mise en couleur non plus, mais si le résultat correspond à l’ambiance hivernale, c’est néanmoins un peu terne, quasi bichromique, ce qui est un peu dommage pour un univers censé être foisonnant et mystérieux. Et là, cher lecteur, vous vous dites peut-être que l’auteur a mis l’accent sur le scénario… Las, que nenni !

Le récit est en effet extrêmement déroutant. A sa lecture, j’ai bien éprouvé une sorte de fascination, sans quoi le livre me serait peut-être tombé des mains, mais jusqu’à la fin je n’ai jamais compris où Philippe Squarzoni voulait nous emmener dans cette aventure que j’ai terminée en pilotage automatique. De plus, l’auteur use et abuse des ellipses, ce qui donne un rythme saccadé avec quelques incohérences. Les personnages, pas très attachants, parlent une langue châtiée - normal, on a affaire à des « manants » - mais avec des mots d’aujourd’hui pour l’effet offbeat. On peut sourire, cela se veut drôle je suppose, mais rire fut plus difficile pour moi.

J’attendais vraiment autre chose de l’auteur, dont j’avais lu et apprécié « Dol », sorte d’essai politique assez corrosif sur le système politique français. Je me doutais bien qu’avec ce one-shot le registre serait totalement différent, et j’étais très curieux de le découvrir, mais ici le décalage n’est rien de moins qu’abyssal. Egalement amateur de comics et de récits fantastiques, Philippe Squarzoni a certainement voulu se faire plaisir, mais semble avoir été dépassé par son projet. En résumé, de stimulus aucun vous ne trouverez ici, ni émotionnel ni intellectuel. Et c’est bien dommage, car l’univers boschien était une excellente trouvaille et recelait beaucoup de promesses. Mais si l’on veut positiver, on pourra dire que l’histoire est en quelque sorte à l’image des créatures hybrides imaginées par le peintre néerlandais. Il est même possible que certains apprécient cette production déconcertante.