Le diable sur les épaules
de Christian Carayon

critiqué par Sentinelle, le 9 octobre 2014
(Bruxelles - 54 ans)


La note:  étoiles
Vengeance dans un petit village après la guerre 14-18
Nous sommes en 1924, dans un petit village des montagnes tarnaises nommé La Vitarelle, qui se vide de ses âmes depuis plusieurs années. A cause de la guerre (trente habitants ne sont jamais revenus des tranchées), mais aussi à cause du déclin inéluctable faisant suite à la désertion des plus jeunes, qui préfèrent rejoindre les effectifs des filatures ou des usines de délainage que s’occuper de la ferme. Quand ce ne sont pas les jeunes filles qui se marient ailleurs, multipliant les célibataires restés au village. C’est l’époque où l’occultisme rencontre un franc succès, les gens éprouvant le besoin de se soulager de la mort d’un fils, d’un mari ou d’un père à la guerre.

C’est dans contexte de l’immédiat après-guerre qu’une série de meurtres étranges frappent le village. L’absence de traces de pas sur la neige ensanglantée fait remonter les croyances et les superstitions d’un autre âge. Une sombre histoire ressurgit également du passé, celle concernant un crime impuni d’un jeune orphelin commis par les Gresse, la famille la plus prospère du village. Le fantôme de son frère ainé, mort à la guerre, semble être revenu pour crier vengeance. Et c’est tout le village qui tremble. Si la police de Toulouse est pressée de classer l’affaire sans suite, la nouvelle institutrice appelle en renfort son ami Martial de la Boissière, un éminent enquêteur faisant partie d’un groupe d’amateurs ayant déjà fait leur preuve. Martial va découvrir un village très renfermé sur lui-même, dans lequel la culpabilité collective suinte, aucun n’habitant n’ayant dénoncé le crime de l’enfant. Alors l’heure de la vengeance semble effectivement avoir sonné. Mais qui ? Et comment ?

Ce polar historique ausculte de en faisant la part belle à l’étude de caractères des personnages. L’enquête est complexe mais minutieuse, nous suivons pas à pas les déductions de Martial dans un climat de suspicion, de haine et de manipulation. La description du village, un petit bout de terre qui se bat contre l’oubli, est d’une justesse et d’une finesse remarquables. Un polar dans lequel la romance ne fait pas défaut, mais qui se termine sur une note aussi mélancolique que désabusée. Car rien ne peut vraiment réparer ce qui a été brisé, même la vengeance.

Une très belle réussite pour ce premier roman de Christian Carayon, qui ferre son lecteur sans jamais faiblir. Je vous le recommande vivement.
Huis clos campagnard à l'ambiance réussie. 8 étoiles

Nous sommes en 1924 dans un village (au nom fictif) des montagnes Tarnaises isolé, froid, brumeux : un climat rude et dans une période suspicieuse d'entre deux guerres. Des villageois méfiants et taiseux. On suit en début de roman l'adolescence du personnage central de l'histoire, sa rencontre avec celui qui deviendra comme une sorte de mentor Charles un professeur de lycée et père de Camille. Mais leurs chemins vont se séparer pour se retrouver à la mort du père. Mais Charles appelé à l'aide par Camille qui a découvert un corps au pied d'une falaise va se retrouver plongé dans son passé. Martial va mener l'enquête aidé du fiancé de Camille.

L'intrigue s'avère relativement conventionnelle au départ sans indices et l'enquête ne va prendre de l’épaisseur qu'au fur et à mesure que les meurtres qui ne semblent toucher qu'une seule famille vont se succéder. L'enquête orchestrée de fort belle manière par l'auteur va conduire l'enquêteur et le lecteur sur des pistes multiples.

L’atmosphère du récit est très sombre accentuée dans sa noirceur par les fantômes et les affres de l'après-guerre, mais aussi la rudesse des lieux, la méfiance voire l'animosité des habitants envers un étranger, les meurtres d'une violence extrême. L'auteur nous décrit avec justesse la beauté mais aussi la rudesse d'un village perché sur un plateau aride aux chemins peu praticables à l'époque et encore rendus plus difficiles par des conditions météorologiques particulièrement défavorables.

La description du village et de ses villageois où tout le monde se connaît mais cache aussi de lourds et odieux secrets du passé profondément enfouis dans les mémoires est restituée de manière adaptée à un récit très sombre et graduellement glaçant au fur et à mesure que l'on avance dans le récit qui se déroule dans une sorte de huis clos.

Les personnages de premier plan sont inintéressants à suivre, bien campés : le criminologue brillant, l’institutrice douce et attachante. Une psychologie bien développée pour ces deux personnages attachants et charismatiques.

Le panel de personnages est bien représentatif de l'époque et diversifié : le Maire, les notables, les artisans, les paysans, les plus aisés et les moins fortunés, les bons et simples ou les mauvais et les moins fréquentables. Des personnages que l'on a un peu de mal à aimer ou à haïr pris par le point fort du roman l'atmosphère.

Il est tout de même dommage qu'une fois de plus l'auteur n'a pu échapper à l'attirance de doter son récit d'une romance.

Le début du roman est un peu long à mettre en place car il faut décrire les lieux, les personnages et nous faire découvrir leurs petits secrets. Les descriptions sont nombreuses mais nécessaires à la bonne conduite du récit et bien dosées. Certes l'auteur rentre dans les détails mais c'est pour que le lecteur puisse mieux s'imprégner des lieux, des bruits, du silence et des rapports entre les personnages.

Le style de l'auteur est simple, efficace et sans trop de fioritures même si parfois les chapitres courts qui se succèdent peuvent dérouter quelque peu certains lecteurs qui n'en comprennent pas l'utilité. La plume est bonne, bien adaptée à la période où se déroule le récit.

Globalement le récit est abouti, le synopsis maîtrisé d'un bout à l'autre de l'histoire, une intrigue plutôt classique mais dotée de nombreux rebondissements, des descriptions certes nombreuses mais qui parviennent à nous rendre l'atmosphère particulièrement glauque et oppressante, un dénouement certes quelque peu prévisible mais qui réserve toutefois une petite surprise. Un bon policier français avec un petit goût de polar régional et de quelques touches empruntées à des grands auteurs dont les lecteurs reconnaîtront certainement la patte.

Goupilpm - La Baronnie - 67 ans - 23 décembre 2017


Très très bien ficelé. 9 étoiles

Voilà un chouette bouquin pour les vacances. On est dans le vrai polar avec les meurtres, les fausses pistes, les personnages attachants, les paysages d'une vraie France et, cerise sur le gâteau, enfin autre chose qu'un enquêteur ancien alcoolo ou dépressif.
Je ne sais pas où j'ai zappé le passage qui aurait éventuellement pu me mettre non pas sur la piste mais les pistes du ou des assassins. A vous de lire et d'essayer de résoudre les meurtres avant le dénouement.
Vraiment un bon moment de lecture.

Usdyc - Bruxelles - 68 ans - 26 juin 2017


martial s'en va-t-en-guerre 10 étoiles

Une plongée dans la France profonde, encore majoritairement paysanne, des années 1930. Le meurtre d’un vieux valet de ferme, torturé à mort, va déclencher la panique à La Vitarelle-du-Théron, un village isolé dans la montagne, à quelques encablures de Castres et de Mazamet (Tarn). Devant l’incompétence de la gendarmerie, Camille Purseau, l’institutrice des filles, décide de faire venir son ami Martial de la Boissière, criminologue amateur bien connu des services de police. C’est le début d’une longue et pénible enquête qui va révéler les dessous de cette microsociété repliée sur ses secrets de famille et ses croyances aux esprits maléfiques. Un exercice de bravoure mené tambour battant par un auteur à la plume alerte et à l’imagination fertile. Le suspense est total, l’attention du lecteur constamment sollicitée jusqu’au dénouement final, inattendu sauf peut-être pour les lecteurs très attentifs.

Jfp - La Selle en Hermoy (Loiret) - 76 ans - 6 mars 2016