La sonate à Kreutzer de Léon Tolstoï
(Крейцерова соната)
Catégorie(s) : Littérature => Russe
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Récit d'une descente aux enfers
Au cours d'un long voyage en train, le narrateur fait la connaissance d'un homme étrange, au passé douloureux, qui lui raconte son histoire. Pozdnychev a épousé une jolie jeune femme sur le tard. Au bout de quelques années sa passion est intacte mais la jalousie, sentiment obsessionnel qui le ronge, le poussera à commettre un acte irréparable.
Un drame de la passion a priori bien banal, mais c'est sans compter l'immense talent de Tolstoï, et le contexte particulier de ce livre.
Le début met immédiatement mal à l'aise par la sordide description du voyage de noces, qui annonce donc le ton du roman et l'idée de Tolstoï. De même que la personnalité de Pozdnychev, indiscutablement déséquilibré, contradictoire et ambigu sur les femmes et le mariage, tour à tour mysogine, libertin et puritain.
En effet, à l'époque où Tolstoï rédige ce roman, il traverse une grave crise morale et mystique. Il décide de tenter d'atteindre l'idéal chrétien et se sert du roman pour montrer la voie à ses contemporains. L'abondance du courrier qu'il reçut l'obligera à ajouter une postface au roman, dans laquelle nous découvrons un Tolstoï torturé et exalté. Il veut lutter contre la débauche et la paresse, prône la chasteté (le mariage est source de tous les maux) et prodigue des conseils pour l'éducation des enfants qui feraient frémir les parents aujourd'hui.
A titre d'exemple, voici quelques unes de ses recommandations : "les enfants trop choyés, tout comme les animaux trop bien nourris, voient se développer prématurément en eux une sensualité anormale qui est à l'origine de souffrances terribles..." et de suggérer de supprimer lecture, danses, spectacles et friandises. Ou plus loin "...l'amour charnel, le mariage constituent un culte de soi-même et par conséquent forment un obstacle au service de Dieu et de l'humanité, donc, du point de vue chrétien, c'est une déchéance, un péché".
Un grand roman donc, puissant et pathétique, à l'image de son auteur qui tenta de donner un autre sens à son existence.
Les éditions
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Krejcerova sonata [Texte imprimé] Tolstoï trad. du russe par Sylvie Luneau préf. de Nina Kehayan
de Tolstoï, Léon Kéhayan, Nina (Préfacier) Luneau, Sylvie (Traducteur)
Gallimard / Collection Folio bilingue (Paris).
ISBN : 9782070388660 ; 14,10 € ; 04/03/1994 ; 331 p. ; Poche
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Les critiques éclairs (11)
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L'enfer conjugal
Critique de Dirlandaise (Québec, Inscrite le 28 août 2004, 69 ans) - 28 mai 2011
Ensuite, la venue des enfants ajoute au désastre et met fin définitivement à la paix et à l'espoir de l'homme de pouvoir jouir de périodes de recueillement et de calme afin de méditer et écrire en toute sérénité. Tolstoï décrit les problèmes nombreux que les enfants font subir au couple et surtout, leur capacité à mobiliser toute l'attention de leur mère au détriment du pauvre mari délaissé. Il nous livre la vérité toute nue sans fioritures et avec sincérité.
Je crois que Tolstoï a souvent eu envie de se débarrasser de son épouse mais sans jamais oser passer à l'acte. C'est une lecture terrible et extrêmement révélatrice des nombreux tourments endurés par l'écrivain. Il ne faut pas lire cela comme un simple roman car c'est un cri du coeur, un appel au secours désespéré et surtout, une confession émouvante de la part d'un homme livré au désespoir et aux affres de la jalousie. J'ai enlevé la moitié d'une étoile car parfois, le ton moralisateur m'a franchement irritée mais il reste que le style est puissant et le récit très prenant.
Grand écrivain, mais moralité singulière
Critique de Saumar (Montréal, Inscrite le 15 août 2009, 91 ans) - 20 mai 2011
Les idées de Tolstoï sont pour le moins surprenantes. Dans les derniers chapitres de cette histoire, il nous plonge dans une atmosphère captivante où rebondissements imprévus nous sont présentés habilement. Voilà ce qui nous attend dans cette conclusion inoubliable.
Radical
Critique de Béatrice (Paris, Inscrite le 7 décembre 2002, - ans) - 17 octobre 2009
Le thème me rappelle deux autres auteurs. Thomas Hardy qui fustigeait l’institution matrimoniale et Oscar Wilde qui dénonçait l’hypocrisie des mœurs. Mais aucun n’est allé aussi loin dans le radicalisme.
Je découvre Tolstoï...
Critique de Lestat (, Inscrit le 9 juillet 2005, 36 ans) - 8 août 2005
Certains disent que Tolstoï est trop moralisateur dans ce roman mais ce n'est pas un mal d'avoir un point de vue tel que celui-ci pour réfléchir si l'amour est un sentiment noble ou si il nous vient de notre éducation, mensongère selon Tolstoï.
Génial écrivain mais piètre moraliste.
Critique de Saule (Bruxelles, Inscrit le 13 avril 2001, 59 ans) - 20 mai 2005
Tolstoï était un écrivain génial mais il ne faisait pas un bon moraliste ! Il se livre ici à un réquisitoire contre l'amour charnel et même conjugal qui nous laisse de glace. Il prêche un idéal d'abstinence sexuelle (que lui-même n'atteignait pas il faut dire !). Mais malgré ces idées un peu malsaines ces trois nouvelles sont des merveilles. Je suis complètement tombé sous le charme de l'écriture de Tolstoï et de l'ambiance russe des récits.
On pénètre dans la douceur de l'âme d'une jeune fille amoureuse, ensuite c'est l'effroi de l'âme possédée par le démon de la jalousie, puis les tourments des désirs de la chair. Il y a aussi la douceur d'une soirée de printemps, les couleurs et les odeurs des champs en été, les belles paysannes saines et robustes avec des fichus colorés, la mère qui signe ses enfants avant de les coucher, la femme qui fait réciter les prières à son mari...C'est une succession de tableaux enchanteurs.
"Le Diable", la plus courte des trois nouvelles, m'a le plus impressionné par la description d'un homme possédé par un désir charnel illicite. Un homme amoureux de sa femme et heureux mais qui ne peut se détacher d'une paysanne : il fait des détours en espérant la rencontrer, il va traîner près de la cabane où il la possédait avant d'être marié,... c'est dramatiquement juste. Dans la première nouvelle, "Le bonheur conjugal", Tolstoï exalte d'abord l'amour entre mari et femme pour mieux nous décevoir ensuite et nous montrer que tout ça n'est qu'illusion. Sur "La Sonate à Kreutzer" tout a été dit : un début magnifique, au milieu un trop long discours moraliste et misogyne et un final dramatique.
Comme le dit Folfairie on frisonne en lisant les conseils de Tolstoï sur l'éducation et son idéal d'abstinence avec comme corollaire l'extinction de la race humaine. Ce n'est pas exaltant !
Beethoven, Tolstoï... et Leos Janacek
Critique de Fee carabine (, Inscrite le 5 juin 2004, 50 ans) - 3 août 2004
En résumé, je donne 3 étoiles à Tolstoï, 5 étoiles à Janacek, et je vous renvoie au forum autour d'Anna Karénine si vous voulez en savoir plus au sujet de ce - magnifique - quatuor à cordes: http://critiqueslibres.com/i.php/forum/…
Une étoile pour le début, cinq pour la fin
Critique de Saint Jean-Baptiste (Ottignies, Inscrit le 23 juillet 2003, 88 ans) - 27 juin 2004
Ce n'est pas passionnant, mais c'est quand même d'un niveau supérieur aux conversations que l'on subit souvent dans les transports en commun, où la règle veut que les propos les plus insignifiants, soient proclamés avec le plus de force ; et quand on voudrait lire, c'est contrariant !
Mais ici, au chapitre XX de ce livre, qui en comporte XXVIII, la parole est prise par un personnage hors du commun qui nous raconte une histoire pathétique : un drame de la jalousie.
Et on retrouve le grand écrivain de Anna Karénine : en phrases courtes et ramassées, le récit progresse vers son aboutissement qu'on pressent dès les premières lignes. Il n'y a pas un point, pas une virgule, pas un mot de trop et comme toujours avec Tolstoï, on pénètre dans la psychologie des personnages, on "est" dans le décor, et on "voit" les scènes telles qu'elles se passent.
Et la sonate dans tout ça ? Elle occupe 4 lignes dans le récit, mais ça suffit ; on serait tenté de dire : c'est le point d'orgue ! Elle arrive au moment ou la dame exprime son amour pour l'élu de son cœur, mais c'est en présence du mari ! Donc la scène doit être muette ; et cette sonate, dans son premier mouvement, exprime une sensualité tellement brûlante, qu'aucun mot ne pourrait l'exprimer avec autant d'ardeur.
Et le mari possédé par le démon de la jalousie, en perd littéralement la raison. Il ne se possède plus, à tel point qu'il devient le spectateur de ses propres folies. On dirait qu'une fatalité l'entraîne malgré lui vers son horrible destin ! Le récit a par moment des allures hallucinantes.
La fin du livre, le dernier tiers, qui constitue en réalité tout le livre, compense largement le manque d'intérêt du début.
Quoique, comme le dit Folfaerie dans sa très belle critique, le début du livre nous révèle un Tolstoï que nous ignorions complètement.
En conférence
Critique de Bérénice (Paris, Inscrite le 18 mai 2004, 38 ans) - 17 juin 2004
Et puis, je n'ai pas compris sa raison d'être - ce qu'il veut dire, ce qui a fait que Tolstoï l'a écrit. Qu'est-ce qu'il exprime à travers lui. S'il y exprime vraiment quelque chose.
Il ne m'a pas apporté grand-chose.
A part peut-être l'envie de faire un voyage en Transsibérien. Mais ça ! ...
Et pourtant...malgré tout ce que je viens de dire...il y a un certain mystère dans ce livre, une discrète poésie...un trésor caché ? Il faudra que je le relise.
Il y a bien longtemps !
Critique de Jules (Bruxelles, Inscrit le 1 décembre 2000, 80 ans) - 15 décembre 2003
Le temps des désillusions
Critique de Folfaerie (, Inscrite le 4 novembre 2002, 56 ans) - 14 décembre 2003
Je comprends que tu aies été déçu par le roman qui est véritablement terrifiant (et désagréablement moralisateur en effet) parce que Tolstoï, dans un moment d'égarement, salit toutes les belles choses, actes ou sentiments, qui rendent la vie plus supportable. A la trappe le romantisme ! A la place, il nous décrit la sensualité bestiale qui gouverne le couple, tous les couples en fait, et qui conduit à la folie, et qui rabaisse l'espèce humaine. Ces passages où pointe son mépris pour les artifices qu'utilisent les femmes (les toilettes, les parfums, les longs cheveux dénoués...) révèlent bien quel était son état d'esprit au moment où il écrivait.
Cette autre facette de l'écrivain n'est pas agréable à contempler mais donne certainement à réfléchir sur la façon dont on interprète les principes d'une religion.
Et Beethoven?
Critique de Lucien (, Inscrit le 13 mars 2001, 69 ans) - 14 décembre 2003
Je me souviens que ce qui m'attirait dans ce livre était un titre qui renvoyait directement à l'une des plus belles sonates pour violon et piano de Beethoven. L'une des causes de ma déception était la place très discrète de cette sonate dans le roman de Tolstoï (quel rôle joue-t-elle exactement?).
Je me souviens de l'attaque du troisième mouvement, mais comment rendre cette impression par des mots? Un mélange d'allégresse et de romantisme, de soubresauts passionnés et de gambades libres. Il faudrait pouvoir joindre des extraits musicaux aux critiques éclairs. Ce serait intéressant aussi de réfléchir aux liens entre roman et musique. Bien des livres baignent dans un climat musical particulier. En attendant, je vais me réécouter la sonate à Kreutzer par Arthur Grumiaux et Clara Haskill.
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