Le Portrait d'André Mathieu
de Hélène de Billy

critiqué par Libris québécis, le 1 février 2015
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Hommage au compositeur André Mathieu
Enfant prodige que l’on a comparé à Mozart, André Mathieu a connu dans les années 1930 une grande renommée autant à New York qu’à Paris. À dix ans déjà, il avait à son crédit de nombreuses compositions, qui ont fait dire à un musicologue réputée que ce jeune Montréalais avait produit des œuvres d’une maturité que son homologue autrichien n’avait pas encore atteint au même âge. Malheureusement, il est tombé très tôt en disgrâce au point que même ses compatriotes l’ont renié en refusant d’interpréter ses œuvres. Associé aux compositeurs de l’ère romantique, il a été la cible des chroniqueurs musicaux, qui voyaient en lui un compositeur pour dentellières. Cette perception se répandit d’autant plus vite qu’André Mathieu ne dédaignait pas de composer des tangos.

Hélène de Billy s’est servie de ce canevas pour retracer sa biographie, tout en creusant la dynamique à l’origine de sa perte. Elle fait ressortir surtout les conséquences funestes de ce détournement d’admiration sur un homme en quête obsessive de reconnaissance. Finalement, c’est la dive bouteille qui s’est présentée pour le réconforter de ses déboires.

Pour mettre en exergue cette déchéance, l’auteure a eu recours à un fils présumé de l’artiste, un étudiant qui reconstitue la vie de son père dans le cadre de ses études universitaires. Le suspense de ce roman biographique repose sur la découverte du portrait du compositeur que Léo Ayotte a peint alors qu’André Mathieu était adolescent. À la recherche de ce fameux tableau, le jeune homme retrace les pas de son père, qui était attiré particulièrement par la région de Mistassini, où la toile pouvait être.

Derrière cette recherche se profile la manie des Québécois de se chercher un Moïse pour les libérer de leur complexe, rôle qu’assume aujourd’hui Céline Dion. Contrairement au hockeyeur Maurice Richard, qui a eu droit à un icône de sauveur, André Mathieu a été oublié pour avoir glissé du sommet. C’est tout ou rien. Le succès des vedettes est important pour venger un peuple sensible à son passé de colonisés.

La narration de cette histoire touchante passe par ce fils fictif, qui s’adresse à son père avec la familiarité du « tu ». Son hommage posthume vise à reconnaître une filiation admirative envers André Mathieu, mort à 39 ans sans avoir eu d’enfants. Le lecteur risque de se lasser de l’expression de cet amour filial qui traîne en longueur d’autant plus que l’auteure ne maîtrise pas l’art romanesque.