Sept nuits d'insomnie
de Elsa Osorio

critiqué par Pucksimberg, le 11 février 2015
(Toulon - 45 ans)


La note:  étoiles
Un vrai talent de conteuse
Elsa Osorio possède un véritable talent pour donner vie à des scènes en quelques pages, plongeant ainsi, dès les premiers mots, son lecteur dans ses nouvelles. Elle parvient à intriguer en laissant planer le doute et en forçant ainsi le lecteur à se concentrer pour récupérer le maximum d'informations afin de donner du sens à ses nouvelles. Ce recueil se constitue de 12 textes, quelques-uns écrits sous la dictature argentine, avec ses sombres vagues d'enlèvements, les autres rédigées vingt plus tard.

De nombreuses nouvelles portent sur l'identité, sur les êtres chers qui changent, cachent des secrets, disparaissent. Certains échangent même leur identité. On imagine le poids de cette dictature et de la censure qui ne permettait pas de tout dire, de tout clarifier. On sent ce besoin de dire les choses autrement, de masquer pour ne pas se mettre en danger. Certains personnages fuient pour mieux se perdre ou se retrouver. Dans "Le Rétrogradé", Marcos a pour voisin de voyage un homme qui s'est fait passer pour lui par le passé afin de se protéger et Marcos se rend compte que vis-à-vis de la loi il aurait donc une double vie. Dans "Imitations", plusieurs femmes imitent fidèlement l'épouse du personnage principal qui ne parvient plus à distinguer le vrai du faux, la vraie des fausses. Dans "Les Lettres de Juan", un personnage disparaît et l'on en vient à douter de sa consistance. Est-il encore en vie ou est-il mort ? Et quand la folie vient subrepticement, les frontières deviennent encore plus troubles ...

D'autres nouvelles décontenancent le lecteur tout en le fascinant comme cette femme qui a fait de sa chambre un capharnaüm dans "Son petit et sordide royaume" ou cette femme dans "Joy" qui ne cesse d'être poursuivie par une odeur pestilentielle ...

Ces nouvelles se lisent avec un grand plaisir et l'on se laisse complètement embarquer dans les histoires inventées par Elsa Osorio. Elles possèdent une force rare qui nous empêche de s'en extraire avant leur fin. Elles demandent aussi l'attention du lecteur car elles s'offrent progressivement. On a toujours ce sentiment de débarquer en plein milieu d'une histoire en ayant raté le début.

Ce sont des nouvelles de qualité qui interrogent le lecteur.