De Dash Shaw, je savais juste qu’il avait publié en 2008 « Bottomless Belly Button », récompensé par divers prix, ce qui m’a donné envie de découvrir sa dernière parution. Car à l’évidence, quand on produit de tels pavés (plus de 700 pages tout de même), c’est qu’on a des choses à dire !
Car en effet, l’auteur a des choses à dire… Le thème est intéressant voire passionnant, tragique même : l’idée même de « ressusciter » des gens grâce à une machine pour leur permettre de faire leurs adieux à leurs proches et de régler leurs affaires courantes (notamment leur testament) confère à ce drame familial une tournure fantastique-SF, qui a déjà semble-t-il séduit la 20th Century Fox prête à en faire un long métrage.
Une fois qu’on a dit ça, il est clair que l’objet risque de diviser ses lecteurs. L’histoire, qui exerce une certaine fascination, se lit jusqu’au bout mais difficile de résister à l’ennui qui inéluctablement pointe au fil des pages. Très clinique et assez complexe, la narration est du coup peu marquante et souffre d’une monotonie en grande partie induite par l’aspect graphique et la mise en page. Il faut bien le dire, le dessin n’a rien d’attrayant, délaissant le côté esthétique comme s’il n’était envisagé que comme une écriture, caractérisé par une ligne claire très basique, au bord de l’amateurisme. Les personnages, parfois difficilement reconnaissables, évoluent tels des automates dans un univers sec où l’émotion est absente. Et ce n’est pas la mise en page façon Pop-Art qui va faire pencher la balance dans l’autre sens. Les différentes couleurs fluo appliqués à chaque page se succèdent avec une cruauté stroboscopique pour le lecteur. Ça pique un peu les yeux et c’est parfois presque illisible lorsque ces couleurs sont plus foncées ! L’ensemble dégage une impression de froideur, presque de malaise, et pourtant il n’est pas impossible que certains trouvent génial cette aridité graphique poussée à l’extrême.
Lorsqu’on arrive au bout, on est seulement reconnaissant à l’auteur d’avoir produit un récit relativement court (95 pages tout de même), et surtout pas aussi long que "Bottomless Belly Button". Les précédentes œuvres de Dash Shaw ont paraît-il contribué à faire de lui le « jeune prodige de la bande dessinée américaine ». Alors par curiosité, on se rend sur son site, et on réalise que graphiquement, c’est quand même beaucoup plus plaisant. Alors que s’est-il passé ici, coup de pompe ou coup de paresse ? Les fans bénéficieront sans doute d’une perspective différente pour mieux juger cet opus. Quant à moi, si je n’avais qu’un conseil à donner, c’est au moins de ne pas commencer par "Doctors".
Blue Boy - Saint-Denis - - ans - 16 janvier 2016 |