Le chant des baleines
de Edmond Baudoin

critiqué par Shelton, le 26 février 2015
(Chalon-sur-Saône - 68 ans)


La note:  étoiles
J'adore, tout simplement !
Edmond Baudoin est pour moi, je l’ai souvent affirmé ici et ailleurs, par écrit et à la radio, un des plus grands auteurs de bandes dessinées contemporains. Il ne s’agit pas d’une incantation vaine ou d’une phrase jetée en l’air sans fondement mais bien le fruit d’une expérience de lectures répétées depuis des années, d’une exploration presque quotidienne du monde des bulles de toutes nationalités et origines… Edmond Baudoin n’est pas le plus connu des auteurs, il n’est pas sur le devant de la scène en permanence, il n’a pas fait les plus grandes écoles de dessin ou de bande dessinée, mais chaque jour il dessine, chaque livre qu’il produit a du sens, chaque histoire qu’il raconte et dessine me touche et au fil des ans il est devenu pour moi incontournable de l’univers « bullesque » que j’aime tant…

Pourtant, à part quelques mots échangés une fois à Angoulême, j’avoue ne pas le connaitre autrement que par ses livres, ne pas l’avoir interviewé à la radio, ne pas l’avoir photographié pour Critiques Libres ou Vivre-à-Chalon, les deux sites où je présente des auteurs… Pourquoi ? Je crois que c’est un peu comme si j’avais peur d’être déçu ou de ne pas être à la hauteur. Edmond Baudoin est un « monstre » dont je me garde d’un contact qui pourrait me brûler au quatre-vingt-dixième degré, vous savez celui dont on ne peut pas se remettre…

Alors, je continue à le lire et le relire régulièrement, je mesure son talent sans lui en parler, je savoure ses ouvrages tout au long de ma vie de lecteur sans me préoccuper de savoir si le livre est récent ou pas, encore disponible ou pas… Qu’importe, quand le talent est au rendez-vous, le reste n’a que peu d’importance !

Parfois, dans une brocante ou chez un bouquiniste, il m’arrive même de trouver un album que je ne connaissais pas et c’est ce qui s’est produit il y a peu chez Emmaüs, à Chalon-sur-Saône. Pour 2 euros, je me suis retrouvé avec Le chant des baleines en mains !!!

Alors je sais que certains lecteurs ont déjà hurlé et continueront de le faire en braillant que cette bande dessinée est intimiste, élitiste, humaniste et philosophique comme s’il s’agissait d’autant de tares et défauts insurmontables. Et alors ? Ils raisonnent comme si la bande dessinée devait se cantonner dans les champs connus et archiconnus de l’aventure et de l’humour, de la science-fiction et de la fantaisie… Non, cela fait bien longtemps que la bande dessinée explore avec des auteurs matures et reconnus toutes les possibilités narratives et artistiques qui existent et même plus… puisqu’elle invente encore !

Edmond Baudoin, en 2005, nous parle d’un homme qui s’interroge sur le sens de sa vie, qui est à la recherche de l’absolu, de ce qui est après, ce qui est au-delà… Ce n’est pas réellement onirique comme l’ont dit certains, c’est plutôt métaphysique et spirituel. Parfois même mystique… et esthétique ! Chaque fois qu’il s’agit de parler, d’évoquer, de se souvenir de la violence, la vignette est habitée par un tableau de Goya !

L’homme recherche en donnant l’impression de se répéter mais ce n’est pas une faute technique de l’auteur c’est la vie répétitive de notre personnage en recherche. Cela rend merveilleusement, le lecteur qui se laisse prendre est bouleversé de découvrir que Baudoin parle de lui, non d’un personnage lointain… Oui, Le chant des baleines est universel, humain au sens la plus profond…

Le texte est aussi fort que le dessin car Edmond Baudoin est un grand auteur, un grand monsieur… Quelques phrases prises dans ce magnifique album… « Personne ne m’attend plus nulle part depuis longtemps… Comment trouver sa note dans cette cacophonie ? Et, surtout, pourquoi essayer ?… Et puis, tu marches. C’est rare quelqu’un qui marche. J’ai voulu savoir pourquoi… Peut-être la peur qu’en restant, je vais abîmer quelque chose… mais ce quelque chose, c’est quoi ? ». Je ne vais pas vous en dire plus, à vous de lire, de comprendre, d’accompagner ce personnage, de rester en compagnie de Baudoin…

Alors, je peux expliquer pourquoi certains n’aiment pas… Si ! Soit il s’agit de lecteurs (parfois de critiques) qui n’ont encore qu’une vingtaine d’années et qui n’ont pas intégré que le sens de la vie est quelque chose de capital… Soit ce sont des lecteurs qui ne supportent pas le noir et blanc et cette narration de caractère, celle qui est si caractéristique de Baudoin… Ils préfèrent le dessin standard et commercial et, à cela, il n’y a rien à faire !

Pour les autres prenez le temps de découvrir Baudoin et vous me comprendrez ! Bonne lecture !