La Célestine
de Jan J. Dominique

critiqué par Libris québécis, le 9 mars 2015
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
La femme haïtienne
Ce roman fait ressortir le sort de la femme haïtienne depuis 1895. Au gré des événements, les personnages ont été ballottés entre Haïti, Cuba et la République dominicaine. Pour circonscrire leurs périples, l’auteure s’en tient à la généalogie d’une famille, dont l’héroïne tente de retracer la filiation jusqu’à l’ancêtre Célestine, une esclave haïtienne qui a suivi son maître à Cuba au XIXe siècle.

Ce sont les conflits politiques qui servent de toile de fond au roman. Marquées par ces perturbations, les femmes ont accompagné les hommes de qui elles dépendaient aux quatre coins des Antilles. Ces mouvements de masse suscités par l’esclavage et le despotisme des politiciens ont brouillé la piste de leurs origines, en particulier celle de la Loca que Micheline veut préciser avant d’en tirer un roman. Dans la foulée de la démission prochaine de Duvalier, sa recherche risque d’être compromise à cause des dangers que représentent les déplacements exigés pour atteindre son objectif.

En fait, Jan J. Dominique décrit la création douloureuse d’une œuvre dont l’héroïne ne parvient pas à fixer les angles qui la supporteront. Doit-elle recourir uniquement à un matériel vérifiable comme pour un essai ou doit-elle se laisser guider par les licences qu’autorise l’art romanesque ? Le dilemme est de taille. Pour le résoudre, elle consulte Pierre, un poète dont les ancêtres appartiennent justement à la lignée qu’elle tente d’établir. Rien de pire que de faire confiance à un écrivain quand on veut le devenir soi-même. La rivalité ne manque pas de se pointer le nez malgré l’attrait éprouvé par ce célibataire pour la romancière. Il va même lui couper l’herbe sous le pied en traitant lui-même le sujet qu’elle vient de lui soumettre. À travers ces deux personnages, Jan J. Dominique souligne les différents points de vue que l’on peut adopter pour écrire une œuvre de fiction.

Cet aspect professionnel encadre plus ou moins bien le portrait de la gent haïtienne que l’auteure veut peindre. Au milieu de cet univers féminin, l’homme apparaît plutôt comme un faible même si c’est lui qui impose sa loi. Pierre se signale par sa fatuité, et le mari de Micheline est un faible qui la trompe. Elle ferme les yeux sur cette trahison, perpétuant ainsi le drame que porte en elle la femme haïtienne, surtout si elle est cubaine de souche. Cette dernière doit alors affronter le racisme de la pâleur de la peau.

Malheureusement, la prolixité de cette épopée suscite l’ennui, sans compter la lourdeur de l’écriture, entachée d’erreurs grammaticales, qui s’ajoute à ce désagrément. Le roman tourne en rond autour d’un projet littéraire. La thématique abordée suit la voie lisse d’une narration qui se concentre de manière redondante sur les larmes et les crises de nerf d’une auteure en herbe. Le Livre d’Emma de Marie-Célie Agnant présente une variation beaucoup plus percutante du même sujet.