Le sculpteur de Scott McCloud

Le sculpteur de Scott McCloud
(The Sculptor)

Catégorie(s) : Bande dessinée => Sci-fi & fantastique

Critiqué par Pucksimberg, le 15 avril 2015 (Toulon, Inscrit le 14 août 2011, 45 ans)
La note : 10 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 5 avis)
Cote pondérée : 6 étoiles (12 618ème position).
Visites : 7 828 

Le mythe de Faust revisité avec un talent fou ! Déjà un classique à mes yeux !

David Smith est sculpteur, mais ne parvient pas à passer à la postérité. Il rencontre un jour, un homme avec lequel il va faire un pacte : son talent est décuplé, il peut tout sculpter, modifier le paysage urbain, mais pour ce faire sacrifie son existence et ne pourra vivre que 200 jours. David Smith accepte. Quelle ânerie lorsqu'il tombe par la suite amoureux d'une jeune femme originale, Meg.

Ce roman graphique possède une force incroyable et l'on reconnaît ici le talent de Scott McCloud, théoricien de la bande dessinée. Aucun faux pas, un rythme enlevé, un univers personnel très intéressant, des personnages charismatiques et une oeuvre qui entrelace les genres et les tonalités, tout est réuni dans cette oeuvre pour emporter l'adhésion du lecteur qui dévore ces 500 pages sans s'en rendre compte. Tout est orchestré parfaitement et l'on prend vite conscience que l'artiste qui nous offre une telle oeuvre est maître en la matière. Les dialogues sont très bien écrits, les dessins et le jeu sur la dimension des vignettes sont une force indéniable de ce roman graphique. Le bleu, le noir et le blanc sont la palette de cet artiste, au service d'une histoire maîtrisée. Il est question d'art, de la postérité, de l'amour, de la vie et de la mort.

Certaines pages permettent au lecteur de se reposer en participant à des conversations naturelles et intéressantes, d'autres sont stimulantes quand on découvre la folie créatrice de David Smith. Ce pacte avec le diable interroge le lecteur et le captive du début à la fin. Je n'ose même pas trop parler de ce roman graphique par crainte de dévoiler certains points forts de cette oeuvre, qu'il vaut mieux découvrir avec un regard vierge.

A la fin de l'oeuvre, figure une postface qui nous éclaire quelque peu sur l'inspiration de Scott McCloud, et certains faits sont touchants.

Une vraie réussite.

Message de la modération : Prix CL 2018 catégorie Bande Dessinée

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200 jours. Pas un de plus.

8 étoiles

Critique de Dixie39 (, Inscrite le 12 mars 2017, 54 ans) - 5 mai 2018

Que serions-nous prêt à perdre pour réussir ? Notre famille ? Nos amis ? Et pourquoi pas notre vie ? David Smith, artiste qui a connu son heure de gloire avant de retomber dans l'anonymat, va être confronté à cette question primordiale, ce pacte avec la mort.
En quelques minutes, il gage sa vie contre une maîtrise absolue de son art : la sculpture. Ses mains deviennent alors capables de donner à n'importe quelle matière, toutes les formes imaginables. Il touche enfin à la création absolue. Plus rien ne lui résiste. Enfin, plus rien de matériel. Car pour le reste, cela ne va pas être aussi simple…

On suit alors le parcours de David, entre folie créatrice et tentative désespérée de retrouver la reconnaissance passée. Scott McCloud nous ouvre à une réflexion juste et pertinente sur le monde de l'art, sur ce que c'est, pour un artiste, de tout sacrifier pour créer et ne récolter le plus souvent que désespoir et colère quand tant d'efforts et d'énergie se heurtent à l'indifférence…
Entre le mythe de l'artiste incompris et la réalité des marchands d'art :

"– le marché est peut-être le médium de certains artistes. Et ce qui semble grossier à nos yeux est peut-être une authentique matière pour eux.
– Les spectateurs sont la matière. Sans eux nous ne sommes rien."

Est-ce qu'on peut composer avec cette réalité sans renier sa créativité, ses propres aspirations ? Et que dire de la vie en générale : est-ce que l'artiste peut concilier vie amoureuse, sociale, … et création ? N'est-ce pas incompatible ? Ne faut-il pas y renoncer ?

David Smith a 200 jours devant lui. Pas un de plus. 200 jours qui vont changer sa vie et sa vision du monde et des autres…

"J'entends sa voix qui me dit ce que nous sommes vraiment à la plus petite échelle. Des espaces vides à côté d'autres espaces vides. Tous intouchables."

Une oeuvre fascinante, un trait et un sens de la mise en scène qui vous accrochent dès le début pour ne plus vous lâcher…

Une variante assez sage du mythe de Faust

6 étoiles

Critique de Fanou03 (*, Inscrit le 13 mars 2011, 49 ans) - 3 janvier 2018

Malgré l’épaisseur de l’œuvre j’ai trouvé finalement un scénario assez convenu, une variante assez sage du mythe de Faust. J'imaginais quelque chose de plus noir, de plus torturé encore. Des réflexions concernant la hiérarchie dans l'Art et la reconnaissance de l’artiste sont posées, mais ne sont pas creusées en profondeur comme on pourrait s’y attendre. L’autre point sur lequel je suis mitigé est le graphisme, j’avoue qu’il ne m’a pas emballé plus que ça : je m’attendais, vu le sujet en particulier, à quelque chose de plus interpellant ou de plus dérangeant, en lieu et place d’un dessin certes agréable et lisible mais très classique.

David Smith, superhéros sculpteur

9 étoiles

Critique de Blue Boy (Saint-Denis, Inscrit le 28 janvier 2008, - ans) - 10 mai 2015

Il faut bien dire qu’on attendait de le voir à l’œuvre, le sieur McCloud, brillant théoricien du neuvième art, également surnommé par certains « l’Aristote des comics ». Depuis sa trilogie sur la façon d’appréhender le neuvième art, dont le dernier volume remonte tout de même à 2007, il n’avait pas publié de bande dessinée. D’ailleurs, on ne peut pas dire que sa biographie soit très étoffée, Scott McCloud préférant s’investir dans des activités diverses et variées, telles que conférencier, défenseur des droits des auteurs de comics, scénariste…

« Le Sculpteur » donc. Gros pavé de 500 pages mêlant habilement l’intime au fantastique, d’une fluidité quasi parfaite, où l’auteur américain met en pratique avec brio ses théories sur l’Art invisible. Les six étapes sont respectées, de l’idée à l’apparence. L’idée, ou pour reprendre la métaphore de McCloud, les « pépins de la pomme », c’est ce désir irrépressible et mégalo propre à l’artiste de laisser une trace « éternelle », de produire l’œuvre absolue, celle qui changera le cours de l’humanité. Une relecture originale du mythe faustien qui voit le jeune David Smith doté d’un don surnaturel, celui de sculpter absolument n’importe quelle matière de n’importe quel volume avec une dextérité incroyable, en échange d’une mort certaine dans les deux cent jours. Problème : entre-temps, l’artiste fait la connaissance de Meg, une jeune fille bipolaire dont il tombe follement amoureux. S’ensuit pour David une foule de questionnements, d’autant que la notoriété promise peine à émerger… Ce roman graphique d’un romantisme échevelé et forcément désespéré se conclut sur un hénaurme cri d’amour à la face du monde - du moins celle de New York puisque c’est le cadre de l’histoire -, d’un symbolisme quelque peu démonstratif mais généreux sur le fond.

Pour le reste, mise en page, cadrage et scénario sont parfaitement calibrés pour une transposition à l’écran, d’ailleurs on aurait presque l’impression que cette BD a été conçue pour ça. De même, les personnages sont bien campés psychologiquement.

Avec « Le Sculpteur », Scott McCloud hisse le roman graphique à un niveau de professionnalisme qui en serait presque dérangeant. Il est vrai qu’à la base, ce genre du 9ème art tolère plus facilement le minimalisme et les « imperfections » techniques qui ne sont pas de mise dans d’autres créations à visée plus populaire. Sans vouloir établir de généralités, ce côté « artisanal », avec ses aspérités plus ou moins délibérées, privilégie le fond à la forme et favorise une certaine authenticité du propos, et par extension, l’émotion. Seul le trait, davantage orienté « ligne claire », garde une certaine rugosité, mais la bichromie bleue, souvent utilisée pour estomper certains sujets, n’est pas vraiment du meilleur effet par ce côté « photoshopé ».

Alors curieusement, si la démarche est sincère et vise aussi à toucher les cœurs, j’ai personnellement peiné à y trouver de l’émotion. A trop vouloir bien faire, Mc Cloud a peut-être oublié de se lâcher même s’il s’en sort plus qu’honorablement. Car l’air de rien, il nous livre ici une fable sur l’héritage très bien « sculptée » avec ses saillies et ses creux imprévisibles, et réussit de surcroît à nous captiver tout au long des 500 pages de l’ouvrage qui se conclut par un véritable hymne à la vie. Une œuvre riche qui supportera facilement plusieurs lectures.

200 jours à vivre !

8 étoiles

Critique de Hervé28 (Chartres, Inscrit(e) le 4 septembre 2011, 55 ans) - 19 avril 2015

Cela faisait des années que je n'avais lu de roman graphique américain, depuis "Habibi" de Craig Thompson, en fait.
Au vu des bonnes critiques lues ici ou là, je me suis rué chez mon libraire pour enfin découvrir ce nouvel avatar du mythe de Faust.
Et bien, je dois dire que j'ai dévoré ce pavé de près de 500 pages en deux jours.
L'histoire s'installe si bien que l'on en oublie le mythe de Faust, qui s'efface derrière des personnages bien campés et une ville de New York qui devient le personnage principal du roman.
Il n'y a pas que cela dans ce livre, on y trouve le marché de l'art, le besoin de reconnaissance de l'artiste, le mythe de Faust -que l'on finit par oublier- , une histoire d'amour, le fantastique, qui devient presque normal avec la narration soignée de McCloud.

L'auteur prend son temps pour nous dévoiler le (parfois sale) caractère de David Smith et une galerie de personnages très typés.

Plus ma lecture progressait, plus je tournais les pages avec frénésie pour connaitre la fin, et quelle fin !!

Un très bel ouvrage que je relirai sans hésiter.

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