Les revenants de l'ombre
de Jean-Pierre Andrevon

critiqué par Malic, le 19 juin 2015
( - 83 ans)


La note:  étoiles
Des zombies pour les nazis
Un guerrier franc tombe sous la lance du Hun aux Champs catalauniques ; un soldat médiéval meurt transpercé par la flèche d’un archer anglais ; encore quelques autres morts au combat à travers l’Histoire et pour finir, un poilu de la guerre de 14 succombant sous les obus allemands. Dans les quelques chapitres préliminaires sont ainsi décrits avec une précision et une sobriété impressionnantes, les derniers instants d’une poignée de guerriers de diverses époques, pauvres bougres enrôlés de force ou soldats de métier, qui n’ont en commun que de reposer en ces terres de Champagne, lieu de tant de batailles. A ce stade, si ce n’était le titre, on se demanderait où l’auteur veut en venir.

Ensuite on se retrouve, toujours en Champagne, en pleine occupation allemande. Dans le château d’un aristocrate pétainiste, un savant sérieusement givré se livre à des expériences destinées à réveiller les morts. Objectif : doter les allemands de troupes fraîches (façon de parler !) en ces temps où la Wehrmacht est décimée par les Russes et les alliés. Détail croustillant d'ironie, notre savant nazi utilise pour ses expériences macabres les recherches de la tradition ésotérique juive de la kabbale !

On remarquera en passant que ce scenario délirant n’est pas sans rappeler celui de « Plan 9 from outer space », film réputé le plus mauvais de l’histoire du cinéma - œuvre d’Ed Wood, réalisateur de même réputation - dans lequel des extraterrestres réveillaient les morts pour combattre les humains. Mais je doute quand même qu’Andrevon, auteur imaginatif, soit allé puiser son inspiration chez le roi du nanar immortalisé par Tim Burton.

« Les revenants de l’ombre », malgré son titre calqué sur «Le reflux de la nuit », la précédente histoire de zombie de l’auteur, en est un peu l’antithèse, loin de l'intimisme qui en faisait la force : beaucoup de personnages et des zombies à grand spectacle. Ces guerriers émergeant « en l’état » et tout armés d’une terre où certains dormaient depuis plus d’un millénaire, ne manquent pas de pittoresque mais on ne peut pas dire qu’ils fassent vraiment peur. Pour le reste, l’auteur décrit très bien le petit monde de l’Occupation et on a l’impression que cet aspect l’a davantage intéressé que ses zombies. L’intrigue fantastique délirante a du mal à se greffer sur ce contexte réaliste. En fin de compte, un roman qui se lit sans ennui, mais si l’on veut une immersion dans le fantastique et l’horreur, c’est « Le reflux de la nuit » qu’il faut lire.