Le narrateur abandonné dès sa naissance avec son frère Jeff, raconte les grandes étapes de sa vie, les rencontres qui ont compté, que ce soit pour le meilleur ou pour le pire.
Il faut pouvoir dépasser les premières pages de l’enfance et de la cruauté gratuite et insensible envers tous les animaux et particulièrement les limaces, pour comprendre ce déroutant petit garçon. Cette insensibilité s’explique par ses premières années passées dans des orphelinats archaïques et difficiles, puis les brimades subies à l’école où ils étaient appelés les " bébés paillassons".
La rencontre avec "Mémé", qui va les accueillir, les aimer, va faire partie des rares événements heureux de leur vie. Ainsi que leur arrivée à Labat, petit village des Pyrénées, toujours accompagné de Jeff, le grand frère idéal, véritable côté sombre de son cadet, "trop chiant d’être gentil".
La rencontre nécessaire (et voulue) avec "la sorcière"», l’érudite et énigmatique Madame Petrovna décidera elle aussi de son avenir, de ses choix, de ses rencontres
"Elle ne parlait plus en sorcière mais en musique, une mélodie limpide, évadée d’un livre pour se retrouver dans sa bouche. Comment pouvait-elle contenir autant de mots, je ne sais pas, mais elle était remplie de couleurs et de sensations, d’échos d’autres mondes."
L’adolescence lui offrira ses premiers émois, son premier grand amour et un bonheur intense avec Marie, la fille du Docteur Blandin. Trop belle pour lui.
Suivront les années parisiennes, et la recherche de sa mère biologique, puis la rencontre avec Philippe Grêle, écrivain retiré à Bangkok, dont "le fond de commerce est la méchanceté, le nihilisme, l’apocalypse…" ; étrange personnage pour une étrange relation.
Un roman très déstabilisant. Mêlant des passages d’une incroyable violence, qu’on discerne au fil des pages, avec des phrases d’une poésie touchante qui semblent presque égarées, confortant une perception plus objective de la réalité, du personnage. Une vérité découverte au fil des périodes, surprenant parfois le lecteur, parfois confirmant ses intuitions, apportant de la cohérence à l’ensemble.
Si j’ai été impressionnée par ce roman dense et fort, j’ai aussi été gênée par ces accès de cruauté. Je retiendrai ce qui m’a le plus marquée, son écriture et la beauté de certaines phrases de ce roman dans un roman.
"La forêt nous appartenait. Si elle avait été une grande personne, on l’aurait tutoyée."
"...les librairies, la Fnac, partout où poussaient les arbres à lettres."
Marvic - Normandie - 66 ans - 20 octobre 2020 |