De chair et d'os
de Marcel Migozzi

critiqué par Septularisen, le 2 mai 2015
( - - ans)


La note:  étoiles
DE CHAIR ET D’OS ET DE POÉSIE, TELLE EST LA VIE
TRAVAILLEURS IMMIGRES

Sombres d’une peau
d’une pelle
ils réparent le pays

Rarement entiers.
Le torse dépasse la tranchée de nos rues.
Ou, rien de pire sur la terre, s’y asseoir, eux le pain et les sardines à l’huile de midi.

Le soir quand ils sautent du fourgon déjà en marche – les déportes se souviennent – même
s’ils ne montent pas tout de suite sur le trottoir, ils sont aussi grands que nous même
plus
avec leurs pieds nus dans leurs chaussures.

Ce petit livre de poésie de Marcel MIGOZZI (son quatrième, publié en 1979), est divisé en trois parties. Dans la première l’auteur laisse transparaître une angoisse sous-jacente à la vie, qui s’exprime notamment par l’idée de la mort, toujours présente.
Le seconde partie intitulée « Dehors », (d’où est tiré le poème « Quelques gouttes de Bretagne », présenté ci-dessous), se présente comme un ensemble d’instant, de photographies du réel, de la nature (le ciel, le soleil, les arbres…), des objets familiers (le fer à cheval, la haie…).
C’est comme un exercice de restitution de la réalité, et en même temps une thérapie pour l’auteur, une sorte de retour à la nature.
La troisième partie intitulée « Commun », (d’où est tiré le poème « Travailleurs immigrés », présenté au début de cette critique), est celle qui m’a le plus séduit, elle réunit les poésies d’un auteur qui n’a pas peur d’exposer ses engagements et qui prend position par rapport à ses opinions politiques. On retrouvera donc ici des textes sur la dictature de droite en Espagne, sur le coup d’état militaire au Chili en 1973, les rancunes contre le capitalisme, ou plus terre à terre, des textes sur les travailleurs émigrés, les maçons…

L’écriture de Marcel MIGOZZI est belle, précise, sans folklore, sans fioritures, avec un ressenti émotif intense dû à un art très personnel. On sent ici le vécu et l’investissement personnel de l’auteur, et je dois avouer que cela n’en rend sa poésie que meilleure.

Laissons maintenant parler l’auteur, dont il serait bien temps que le grand public s’aperçoive qu’il s’agit ici, sans aucun doute, d’un des plus grands poètes français contemporains.

QUELQUES GOUTTES DE BRETAGNE
1
rhume des falaises
la pluie couve

à reculons manœuvre un soleil
de couché

2
bruyère immobile
cris et plaintes y soufflent

3
pierres dressées
pour des initiales

gris
des verges maculées

4
la terre la vraie
celle des pêcheurs
celle qui les fait bander
qui n’a pas de toit

5
lande
ou soleil éraillé
table rase d’enthousiasme

6
concarneau bleu
comme on s’embrasse dans le cou

les cirés jaunes des criées
comme il a plu

7
dans la vitrine d’un tailleur
-soyez un homme-
monde
ou monde avec haine

langue de sens

8
la colère des bretons
la colère des chômeurs

tous ces vitraux que jugez
de l’extérieur