Janine Sutto: Vivre avec le destin
de Jean-François Lépine

critiqué par FranBlan, le 12 mai 2015
(Montréal, Québec - 82 ans)


La note:  étoiles
Riche bio, lecture fastidieuse...
Janine Sutto, Vivre avec le destin, biographie par Jean-François Lépine, journaliste renommé à Radio-Canada, aujourd'hui retraité et aussi gendre de Madame Sutto. Janine Sutto est une grande actrice québécoise née à Paris en France le 20 avril 1921 (94 ans), elle sera parisienne près de neuf ans avant que ses parents ne s'installent à Montréal, en janvier 1930.

Malgré son grand âge, on peut souvent la croiser lors de spectacles de théâtre ou de musique, et elle est encore sur scène dans Les Belles-sœurs, l'adaptation musicale par René-Richard Cyr et Daniel Bélanger de la pièce de Michel Tremblay Les Belles-sœurs, mise en scène en 1968 par André Brassard au Théâtre du Rideau Vert, et interprétée déjà à l'époque par Janine Sutto (entre autres)...

Ce livre se révèle une formidable mine d'informations qui nous entraînent dans le milieu du théâtre québécois, de ses origines à aujourd'hui, dont on connaît souvent trop peu de choses, mais qui pourtant a établi les bases de la culture populaire québécoise. "Notre-Dame du Théâtre" (surnom donné à Janine Sutto par son ami Gilles Latulippe) porte bien son nom, et c'est avec admiration que nous suivons l'actrice talentueuse et passionnée dans sa vie professionnelle, riche et variée.

Mais voilà, l'auteur, qui est le beau-fils de l'actrice, en est resté à un alignement de faits, écrits dans une langue relativement pauvre, ou du moins sans aucune originalité, et alignant les lieux communs et des transitions tragiques, exagérées et répétitives. Il a choisi de présenter la vie de Janine Sutto dans un ordre chronologique, or, après cette lecture fastidieuse, une présentation moins linéaire et orientée sur des thématiques aurait probablement été plus captivante.

Concernant la vie privée de l'actrice, l'auteur traite autant de son alcoolisme que de ses amants, et de sa relation difficile avec sa fille Mireille, qui lui a toujours reproché d'avoir été une mère absente. Absente ou trop centrée sur son autre fille, Catherine, jumelle de Mireille, et trisomique. On se doute que le fait que Jean-François Lépine soit le gendre de Janine Sutto ait fait en sorte qu'il eut accès à un grand nombre d'informations. Mais on sent aussi une certaine réserve dans ses commentaires notamment concernant les relations entre Janine Sutto et sa fille Mireille Deyglun (sa propre épouse). Constatant cela, on peut se poser la question du recul nécessaire du biographe vis à vis de son sujet.

Ceci dit, la carrière de Janine Sutto reste exceptionnelle et sa contribution au théâtre québécois singulière. Cette biographie assez conventionnelle brosse donc le portrait d'une femme unique, au caractère bien trempé. Elle ne révolutionne pas le genre, mais nous permet de réaliser à quel point la vie de comédien de théâtre était difficile, bien loin des projecteurs et des fantaisies que l'on s'imagine parfois. Les comédiens de cette époque - collègues et amis de Janine Sutto - ont tous participé à l'amélioration de la condition d'artiste au Québec (création de l'Union des Artistes), et posé les jalons d'une vie théâtrale qui ne cessera jamais au Québec, avec ses hauts et ses bas.