Naissance de l'Odyssée
de Jean Giono

critiqué par Jules, le 21 janvier 2004
(Bruxelles - 80 ans)


La note:  étoiles
Un coup d'essai, un coup de maître !
Ce livre est le premier roman écrit par Giono mais il ne sera publié qu’après « Colline », « Un de Baumugnes » et « Regain » A la lecture des premières pages du livre, nous pouvons nous poser la question « Pourquoi ce titre ? » En effet, au moment où nous retrouvons Ulysse, il est à la fin de son périple de dix années. Il est entre les mains, et dans le lit, de Circé après avoir échappé aux Cyclopes et à Calypso.

Oui, il pense toujours à Pénélope, mais « …son sourire (celui de Circé) avait une puissance qui bouleversait les lois immuables », quant aux joies de son corps « Savante, entraînée au pourchas, elle l’avait tenu en haleine, l’affolant : chaque fois sur le point de céder, sa large chair ombrée, puis s’arrachant par cris et coups, par soubresauts des hanches. Elle avait eu à la fin un Ulysse énervé, mol, lié inexorablement à elle. »

Un jour au port, tout à fait par hasard, il rencontre Ménélas qui est de passage. Ulysse est au courant du terrible assassinat d’Agamemnon par sa femme et son amant, Clytemnestre et Egisthe, mais, dans la conversation, Ménélas lui parle aussi des amours de Pénélope avec un jeune homme du nom d’Antinoüs. Ulysse se voit donc aussi égorgé à son retour par un autre Egisthe et préfère considérer dès lors Pénélope comme perdue. « Elle prit au moment même toute la beauté du monde. »

Comment va-t-il s’y prendre pour rentrer à Ithaque et ne pas subir le sort d’Agamemnon ?

Cela c’est toute l’histoire de la seconde partie du livre. Tous savent Ulysse rusé et il est précédé d’une réputation d’avoir survécu aux pires dangers et pires pièges. En outre, il est de notoriété publique qu’il a la déesse Athéna comme protectrice, ce n’est pas rien ! Mais il a vingt ans de plus qu’à son départ et Antinoüs est jeune et fort comme un bœuf ! Quelles seront les réactions de son fils Télémaque, de Pénélope, d’Antinoüs et de ses concitoyens ?

Un homme qui dit à une jeune servante de Pénélope que sa maîtresse couche avec un berger s’entend répondre : « Où est le mal ? Elle obéit à la loi. Devait-elle toujours attendre, garder sa chair vivante pour le seul souvenir d’une carcasse roulée sur qui sait quelle plage ? Avait-elle son content d’amour ? Avait-elle déjà donné son content d’amour sur la terre ? Les ombres aiment comme des mélanges de vent, mais les chairs sont sous la loi d’Eros et l’on obéit à la loi d’Eros, donner les joies de la chair et partager les joies de la chair entre les vivants pour que la grande flamme flambe. » Voilà une opinion et nous ne pouvons pas nier qu’elle est belle et qu’elle ne porte pas en elle les joies de la vie…

Comme je le disais, ce livre est le premier roman de Giono et je ne peux pas cacher le fait que, dans les premières pages, cela ne se sente pas un peu. Les choses ne sont pas toujours claires ni évidentes. Mais cela passe vite et nous retrouvons rapidement le grand Giono que nous connaissons. Celui aux phrases superbes, déliées, mais également pleines de sens.

Comme dans la plupart des livres de sa première période, celle d’avant guerre, la nature joue un rôle important dans cet ouvrage. Giono ne se contente pas de la décrire à merveille, elle est aussi presque un personnage à part entière. Elle est vivante et joue un véritable rôle dans le dénouement de l’histoire. Bien sûr Pan et Eros sont partout mais ils ne sont pas les seuls dieux dont la présence se fait sentir, même si c’est de façon tout à fait diffuse.

Bien sûr, un minimum de connaissances de l’histoire d’Ulysse et de quelques-uns uns de ses contemporains est utile. De même qu’une idée de la mythologie grecque.
La vérité sur le retour d'Ulysse en Ithaque 8 étoiles

Ce roman est le premier de Jean Giono. Il était passionné depuis son enfance par l'Iliade et l'Odyssée d'Homère.
"La naissance de l'Odyssée" c'est l'idée géniale qu'a eu Giono de penser que les exploits fantastiques racontés par Ulysse à son retour de Troie, après 20 ans d'absence, n'étaient que des mensonges, des bobards et des inventions.
En effet, pour Giono, Ulysse, en réalité, après la guerre de Troie (qui dura à elle seule 10 ans) a dû s'attarder dans quelques îles où les femmes étaient hospitalières, et qu'à son entrée en Ithaque, au moment de sa vieillesse, il détourna par de magnifiques récits le flot de colère de l’acariâtre Pénélope.
Giono avait même imaginé, un moment, une Pénélope laide et gueulante comme ces poissonnières de Marseille toujours en train de crier les poings fermés sur les hanches...
Le prologue est un peu déroutant et ne permet pas un accès facile au récit, mais la suite vaut son pesant de Giono.
Un premier texte pour les vrais amateurs de Giono.

Chene - Tours - 54 ans - 2 août 2011


Ah, Ulysse... 7 étoiles

Quoi? les exploits d'Ulysse n'auraient servi qu'à justifier son absence?
Ce valeureux héros qui a bercé mes rêves d'enfance n'aurait fait que de l'école buissonnière?

Ulysse( le coquin: "dans son souvenir, les pays étaient des femmes", l'égoïste: "hors de lui-même, ses aises, ses joies, il aimait peu de choses", l'amoureux: "Ithaque naissait à chaque halte.Elle était parfumée de Pénélope"), qui revient chez lui inquiet de l'infidélité de la belle Pénélope.

Quelles belles pages que leurs retrouvailles!
Tant de choses à se dire, à justifier, à se faire pardonner, mais leur amour est si fort que le passé s'efface à son profit.

J'avoue que le début du livre m'a semblé peu clair, pas fluide, les descriptions des paysages pesantes(" la mer perfide hululait doucement: ses molles lèvres vertes baisaient sans relâche, à féroces baisers, la dure mâchoire des roches").

Ensuite, petit à petit je me suis laissée prendre par la poésie du récit, le jeu des personnages.
Arrivée au bout, je l'ai relu, lentement, en me laissant porter par le rythme méditerranéen du récit et je l'ai apprécié à sa juste valeur.

Sottovoce - Bruxelles - - ans - 26 février 2004