T'es où, Célestin?
de Alain Poissant

critiqué par Libris québécis, le 21 mai 2015
(Montréal - 82 ans)


La note:  étoiles
Des Britanniques pressés d'asservir la population
Les Américains se sont donné un pays en 1776 au grand dam de l’Angleterre, furieuse de perdre une colonie bien organisée et prospère. 50,000 personnes loyales à la couronne britannique quittèrent les États-Unis pour s’établir au Bas-Canada (Québec). C’était un ajout appréciable pour consolider les assises d’un envahisseur bien décidé à mâter toute opposition à sa présence. Il n’était pas question que l’ancienne colonie française s’érige en état indépendant. Par contre, le patriotisme poussa les francophones et même certains anglophones à militer entre 1837 et 1838 en faveur de la souveraineté du Canada.

Comme exercice de mémoire, Alain Poissant rappelle cette époque. Même s’il pointe les grandes figures de cet épisode de notre Histoire, c’est à travers la famille Verdier de Napierville qu’il raconte comment se vivait au quotidien la rébellion des patriotes. Avant l’ouverture des hostilités, la population survivait paisiblement sur des fermes comme censitaires. Célestin Verdier, avant d’hériter de deux lots de son oncle, fut coureur des bois. Il maria finalement Céleste de qui il eut quelques enfants. Leur amour les rendit heureux, mais Célestin se questionnait sur le sort dévolu aux Canadiens français et anglais opposé aux Britishes. Il était révolté par les injustices d'un pouvoir étranger qui réduisait les libertés à des conditions inacceptables. Devait-il affronter les soldats venus en renfort pour protéger l’envahisseur ? Des discussions d’avec son entourage, il en vint à la conclusion qu’il fallait prendre les armes, plutôt des fourches, pour combattre l’ennemi. Mal organisés, mal armés, les patriotes menèrent une guerre dérisoire contre un empire sur lequel, jamais, le soleil ne se couchait. On brûla leur maison et leur ferme, on détruisit leur récolte, on les pendit avant de décider de les déporter en Australie.

Ce roman historique cible surtout les membres de la famille Verdier. Avant d'être un récit de guerre, c'est davantage une tragédie familiale. Une femme a perdu un mari qu’elle chérissait, privée ainsi de ressources pour nourrir ses enfants. Dans son désespoir, elle criait comme une folle pour que revînt son époux : « T’es où, Célestin ? » Quelques lettres, écrites par un prisonnier lettré, apaisèrent à peine sa souffrance. Pas un instant, Célestin n’oublia les siens. Il leur renouvela son amour même à l’antipode du Canada. « Fais du feu dans la cheminée, je reviens chez nous », aurait-il voulu lui écrire en imitant Jean-Pierre Ferland. Son espoir se raviva quand la reine Victoria accéda au trône.

Il est heureux que l’auteur soit parvenu à tisser une riche trame en croisant l’uchronie de la Rébellion de 1837-1838 avec la douleur d’une famille qui en subissait les conséquences. La narration donne ainsi la parole aux victimes des dommages collatéraux afin qu’elles expriment leurs ressentiments. Dans une langue poétique, le roman se déploie tout en figures de style comme l’ellipse ou l’asyndète qui alourdissent inutilement l’écriture, sans compter les québécismes peu judicieux comme « se laver la noune » (sexe féminin). Quel est le rapport avec le conflit ? Les critiques de cette œuvre sur le WEB sont assez élogieuses. Quant à moi, je n'ai ressenti qu'un quelconque enthousiasme.