critiqué par B1p, le 24 janvier 2004
( - 51 ans)

La note: étoiles

Le destin des hommes est scellé par l'immensité sauvage

A quelques 70 ans, il est temps que justice soit faite à Sergio Toppi et à son talent colossal...
Pour ce faire, faisons référence à ce que beaucoup considèrent comme son chef-d'oeuvre : Sharaz-de.
Au menu, une réinterprétation des archi connus contes des mille et unes nuits, une mise en image magistrale au moins autant que la renommée des dits contes.
Je ne saurais dire ce qui me plaît exactement dans les albums de Toppi. Ca doit être l'espèce de charme naturaliste qui s'en dégage, le sempiternel affrontement entre l'homme vil et vénal et le pouvoir surnaturel des grands espaces. De ces histoires à fort contenu poétique se dégage une atmosphère apaisante. Le trait de Toppi y est pour quelque chose, bien sûr, quoique je me demande parfois pourquoi ces traits noirs sur fond blanc me font un tel effet. Ce n'est certainement pas pour leur académisme : avec Toppi, pas ou peu de considération pour les pleins et les creux, pas de soucis de rendu de volume. Et, pourtant, ces hachures aléatoires, ces membres jamais totalement dessinés ajoutent à la poésie de l'ensemble, délaissant les considérations tridimensionnelles pour en revenir au remplissage plane et naturel du papier.
En l'occurence, les planches se succèdent, chacune étant une composition originale qui se suffit presque à elle-même. C'est que si Toppi s'essaye à ce qu'on appelle communément la bande dessinée, c'est pour en détourner les codes. Dans Sharaz-de, peu de cases : les dessins de paysages désertiques ou rocailleux envahissent souvent la page entière, dominés par le visage d'un personnage ou de Sharaz-de (alias Shéhérazade) elle-même, contemplant au loin devant lui/elle les étendues sauvages et imaginant ce qu'elles feront de son destin.
Particularité curieuse aussi : Sharaz-de est un recueil d'histoires parues dans une revue italienne et qui n'ont jamais trouvé de conclusion. Le livre se termine sur une historiette racontée par la belle sacrifiée pour qu'on épargne sa vie, mais l'on ne saura jamais ce qui est advenu d'elle. Enfin, je ne vous ferai pas l'injure de vous dire que vous pouvez lire l'original pour le savoir si vous ne le savez déjà.