Shanghaï-la-juive de Michèle Kahn

Shanghaï-la-juive de Michèle Kahn

Catégorie(s) : Littérature => Francophone

Critiqué par TRIEB, le 10 juin 2015 (BOULOGNE-BILLANCOURT, Inscrit le 18 avril 2012, 73 ans)
La note : 7 étoiles
Moyenne des notes : 8 étoiles (basée sur 2 avis)
Cote pondérée : 5 étoiles (25 582ème position).
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DES JUSTES D'ASIE

Shanghaï passe pour avoir été le Paris de l’Orient, la perle de l’Asie, le paradis désigné des aventuriers d’un acabit douteux. Elle a été, aussi, le lieu d'accueil de plusieurs milliers de réfugiés juifs originaires pour la plupart d'Europe centrale, d’Allemagne, de Pologne, de Russie, des pays baltes, d’Autriche. Qu’avaient en commun ces femmes et hommes ? D’être persécutés, d’avoir vu le cours de leur vie interrompu par le triomphe des dictatures nazies et communistes en Europe dans les tragiques années 30.

Cette communauté, Michèle Kahn, dans son roman Shanghaï –la-juive, en a entrepris la restitution de sa vie, de ses activités, de ses espoirs, de ses désillusions aussi, durant cette période. Elle y décrit tout d’abord la vie de Walter Neumann, exilé viennois, qui tente de subsister dans cette ville, dont il apprend le dialecte, dont il apprécie les mœurs et la civilisation, en jouant comme pianiste au Wiener Café, un établissement de la ville.

Il y côtoie la misère du peuple chinois, des types louches, des hâbleurs et mythomanes de la pire espèce qui ne craignent pas de s’inventer une vie antérieure très prestigieuse, sans rapport avec leur situation on ne peut plus précaire. Il est tout à la fois attirée par Macha, enfant gâtée passablement opportuniste corrompue par l'argent en très sensible au montant de la dot que va lui apporter son fiancé. Une autre femme, chinoise celle-là, retient l’attention de Walter Neumann : Feng-Si, dont il tombe sous les charmes.
Walter Neumann écrit dans des journaux, en langue allemande, en anglais également, pour maintenir une vie communautaire, une espérance parmi ses compagnons d’exil. Les mauvaises nouvelles s’accumulent, victoires de l’Allemagne nazie, couvre-feu imposé par l’occupant japonais et surtout décision de ces derniers de regrouper les Juifs dans un ghetto, comme en Europe …Des démarches commencent, des tentatives d'obtention de visas vers l’Amérique, vers des terres plus sûres. Il y a dans ce roman une foule de détails et de révélations sur les vies de cette communauté, sur l’attitude de certains fonctionnaires japonais ayant contribué à sauver des réfugiés du pire, des Schindler locaux, des Justes. C’est ainsi que Michèle Kahn, dans l’épilogue de son roman, qualifie la ville : « Mais un dernier nom revient de droit à la cité qui a sauvé de vingt à trente mille vies humaines :celle qui a été Shanghaï-la-juive mérite à jamais le nom de Shanghaï-la-Juste. »

Roman dense, fourmillant de portraits, tentant de saisir avec réussite les tentatives d’êtres humains de maintenir l’espoir, leur dignité, face à la cruauté de l’Histoire, à son caractère implacable. A recommander sur ce sujet.

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Merveilleuse saga.

9 étoiles

Critique de Monocle (tournai, Inscrit le 19 février 2010, 64 ans) - 31 juillet 2024

SHANGHAI LA JUIVE de Michèle Khan "éditions du Rocher 2010" 560,- pages

Shanghai fut dans les années 1935, lors de la montée du nazisme, une des rares régions à accueillir des hébreux sans visa. C'est là que commence la saga de Walter Neumann, ex journaliste, contraint de fuir la croix gammée pour pianoter dans les clubs de nuits de Shanghai qui pullulent dans cette ville qui ne dort jamais.
Paris de l’Orient , paradis des aventuriers » ou « Perle de l’Asie ». Shanghaï-la-rouge, Shanghaï-la-rebelle, c’est elle aussi. Mais un dernier nom revient de droit à la cité qui a sauvé de vingt à trente mille vies humaines : celle qui a été Shanghaï-la-juive mérite à jamais le nom de Shanghaï-la-Juste. En hébreu, on appelle « Les Justes des nations » ceux, reconnus ou anonymes, qui ont sauvé des Juifs traqués par les nazis."
Chaque minute comptait à Hong Kong. On n’y vivait pas, on courait. Sillonnant les lignes de métro, s’engouffrant dans les deux tunnels sous la mer, on se démultipliait en plusieurs vies. Chaque Hongkongais s’enivrait de faire mieux que le voisin.
Que dire de Feng-Si, une ravissante chinoise qui a échappé à la misère en vendant ses charmes. Elle qui adopta Walter comme on sauve un chaton égaré ? Elle qu'il oublia quand il sortit de sa misère. Où est elle maintenant cette jolie eurasienne ?
Walter survécut à l'invasion des japonais, cruels et sans pitié. Après la guerre ce furent les forces rouges de Mao qui confisquèrent tous les biens des étrangers. Faute d'obtenir son visa pour l'Amérique, il ne restait que Hong Kong, enclave attribuée en colonie britannique jusqu'en 1997 où elle fut rétrocédée à la Chine. Notre héros vécut tous ces évènements mais toujours le souvenir de la jolie Feng-Si qui l'avait nourri quand il avait faim, soigné les plaies et l’ âme. Cette si jolie et si douce femme qu'il récompensa si mal.

Un livre qu'on n'oublie pas malgré certaines longueurs. Mais parfois ce qui doit être dit mérite des répétitions.
Avec une joie non dissimulée, dès qu'un livre de la diaspora, je me rue chez le bouquiniste et je dévore.
J’essaie de comprendre cette longue et lancinante haine de la première religion monothéiste, elle qui a le même Dieu que les catholiques, protestants, orthodoxes et musulmans… et qui provoque depuis des millénaires une chasse à courre.

A méditer.

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